MONTRÉAL - Au début juin, à 27 ans, Phillippe Aumont a décidé d’accrocher son gant pour retrouver le bonheur. La décision, qui n’est pas définitive, semble avoir été la bonne quand on voit son sourire rayonner et ses yeux briller en enfilant un équipement de hockey - et non de baseball - pour un match caritatif.

C’est connu, les rigueurs et les entonnoirs du baseball professionnel pour accéder aux Majeures sont venus à bout de la passion et du feu qui brûlait dans le coeur de plusieurs athlètes. Aumont, qui a été repêché aussi haut que le 11e rang en 2007, a jugé qu’il devait s’éloigner de ce milieu hautement compétitif pour déterminer si la flamme se rallumera.

« Je n’étais juste plus bien, je n’étais plus heureux. C’est un peu difficile à expliquer, ce n’est pas tout le monde qui traverse des phases comme ça », a avoué Aumont avec franchise dans une rare entrevue.

Le chemin sinueux qui l’a empêché de s’établir à long terme dans le Baseball majeur a fini par lui enlever le plus important. Toute sa vie, le baseball avait été synonyme de plaisir pour le grand lanceur droitier de six pieds et sept pouces.

« J’étais vraiment tanné, j’étais seul. Quand t’as des problèmes ou que ça ne va pas bien, ça te roule dans la tête. J’ai juste pris la décision que j’avais besoin de prendre du recul, de m’éloigner pour me changer les idées », a décrit l’artilleur droitier.

En plus de devoir se battre pour remonter dans le Baseball majeur, Aumont composait avec d’autres pépins qui ont pesé dans la balance.

« Je dealais aussi avec des trucs familiaux, des proches qui sont décédés, des problèmes à la maison. Plusieurs choses se passaient en même temps et tout ça a fait déborder le vase. J’avais besoin de partir. J’avais l’impression qu’il fallait que je m’occupe moi-même des choses qui arrivaient », a exposé Aumont.

En se détachant de sa carrière, l’athlète originaire de Gatineau a pu décrocher et l’effet a été positif pour celui qui a parfois sollicité les conseils d’un psychologue sportif durant son parcours. Phillippe Aumont

« Je n’ai pas de regrets ou de remords. Ça ne me manque pas. Bien des gens me disent que ça va me manquer bientôt, mais ce n’est pas encore arrivé. Je m’amuse, je souris et j’ai du plaisir », a insisté celui n’a pas pu atteindre les attentes placées en lui.

En l’écoutant parler, on décèle un doute sur son désir de « faire carrière » dans le baseball. Bien sûr, les gens lui souhaitent que ça se produise, mais lui, qu’en pense-t-il au fond de son cœur?

« Le monde me dit : "T’as le talent, t’as le talent". Mais en bout de ligne, est-ce que je le veux vraiment? Je suis en période de réflexion présentement », a-t-il admis avec une réponse éloquente quand on l’interroge sur ce sujet.

Détendu de nature, Aumont a peiné à s’habituer à l’évolution du baseball qui impose des exigences quotidiennes assez contraignantes.

« La game évolue tellement rapidement, les gars sont tellement en shape. Il faut que tu manges bien et que tu ne négliges rien. C’est rendu tellement plus technique qu’avant. Un moment donné tu te dis : "Est-ce que ça me tente de rembarquer là-dedans?". Ce n’est pas facile d’aller au marché d’aliments frais et compter toute sa nourriture. C’est ça que les gars font, ils ne mangent pas de la junk. Ce n’est pas toujours évident de rentrer dans ce mode-là.

« C’est d’être discipliné. Si je ne l’ai pas, je ne me casserai pas la tête, ce n’est pas plus grave », a-t-il raconté.

Fier en pensant à ses origines modestes

Ce printemps, Aumont avait démontré qu’il n’avait pas perdu ses atouts. Le Québécois s’est démarqué au camp d’entraînement des White Sox de Chicago, mais ce ne fut pas suffisant pour éviter d’être retranché.

De l’extérieur, on pourrait croire que cette décision a été le coup d’assommoir.

Phillippe Aumont« Non, même pas parce que je m’étais vraiment préparé à ça. Dès le départ, je savais qu’il y avait beaucoup de chances que ça arrive avec tous les lanceurs qui étaient sous contrat », a soutenu le lanceur qui a souvent représenté le Canada sur la scène internationale.

De retour, une fois de plus, dans le niveau AAA, Aumont en a arraché à l’exception de quatre sorties consécutives plus convaincantes. Cette séquence s’est achevée avec une pénible prestation face à son ancienne organisation.

Aumont avait alloué cinq points sans pouvoir retirer un seul frappeur. Le lendemain, sa retraite a été annoncée.

« Même quand ça allait bien, je n’étais pas satisfait. C’est comme si j’étais neutre par rapport à mes performances. Je comprenais que ça s’en venait parce que les gars s’amusaient et je n’étais pas capable de faire la même chose », s’est-il rappelé.

Si jamais il avait lancé sa dernière balle au niveau professionnel, Aumont serait satisfait de ce qu’il a accompli.

« Je suis quand même super fier, j’ai joué dans les Majeures et pas seulement une game. J’ai joué près de 50 matchs, j’ai récolté quelques sauvetages et une victoire. Je me suis rendu. Si c’est pour continuer, tant mieux, sinon je vais entamer autre chose », a évalué celui qui a appartenu aux Mariners, aux Phillies, aux Blue Jays et aux White Sox.

La fierté l’envahit encore plus quand il songe au milieu défavorisé duquel il provient.

« C’est difficile d’avaler la pilule, mais j’ai accompli une centaine de vies par rapport aux gens du milieu où j’ai grandi. Je me sens privilégié pour ça », a confié Aumont avec les yeux étincelants.

Aumont a pu bénéficier d’un grand support de ses proches, dont sa copine et l'ancien lanceur Éric Gagné, quand il a décidé de quitter cet univers.

« Mon entourage m’a supporté, personne ne m’a dit que j’avais fait la pire erreur. Les gens comprennent, j’ai bûché pendant un bout. C’est difficile de se rendre là, il y a 30 équipes et 30 joueurs par équipe », a indiqué Aumont qui détient une fiche de 1-6 avec 2 sauvetages et une moyenne de points mérités de 6,80 en 43,2 manches réparties sur 46 matchs.

En janvier dernier, Aumont s’était confié au RDS.ca au sujet de son trouble déficitaire de l’attention (TDA). Il s’était soumis à un programme pour favoriser une évolution de sa condition. Il ne veut surtout pas utiliser ce facteur comme excuse pour expliquer les creux de sa carrière.

Toujours présent pour la relève

Aumont a été rencontré dans le cadre d’un match de hockey nommé Revanche sur la glace, un affrontement entre Les 4 Chevaliers et quatre joueurs de la LNH pour amasser de l’argent pour la fondation du défenseur Éric Gélinas (les Fonds jeunesse Gely-N-Ice).

À travers quelques parties sur la glace et d’autres loisirs, il pourra découvrir si la flamme du baseball reprendra en lui. En attendant, Aumont retournera prodiguer des conseils à la relève à un programme de Sports-études. D. Perron, L. Domingue, K. Young, É. Gélinas, P. Aumont, J. Huberdeau et S. Couturier

Le grand droitier ne fuit donc pas son gant de baseball.

« Je n’ai pas rejeté le baseball. De temps en temps, je vais prendre une balle et aller me lancer parce que mes chums veulent le faire », a-t-il fait remarquer.

Cependant, il préfère de loin son équipement de hockey.

« J’aime mieux ça que jouer au baseball présentement », a-t-il avoué tout en riant.

« Je vais quand même aller enseigner, je veux le faire pour les jeunes. Je sais que plusieurs d’entre eux sont contents quand j’y vais. Ça me fait plaisir de les aider et de partager mes connaissances », a mentionné Aumont qui ne recherche pas l’attention.

Chose certaine, le baseball québécois en sortira gagnant s’il ne renonce pas à ce sport, peu importe la manière.

« Je veux juste avoir du plaisir, je retrouve le sourire. Mais c’est certain que je vais rester accroché au baseball ici et là », a conclu Aumont.