Charles Leblanc : lorsque l'improbable devient réalité
Lorsqu'une personne de chez nous atteint le sommet de son art, on a de quoi être fier. L'histoire de Charles Leblanc a fait beaucoup jaser lors des deux dernières semaines, mais vous êtes-vous arrêtés un instant pour comprendre à quel point les probabilités pour lui d'atteindre le baseball majeur étaient presque nulles? Et pourtant, Charles a maintenu jusqu'ici une moyenne au bâton de ,333 en 15 matchs avec les Marlins en plus d'une impressionnante moyenne de puissance et de présence de ,829. (moyenne du baseball à ,710).
Aux États-Unis, il y a environ 16 millions de joueurs de baseball dont un peu moins de 500 000 réussissent à se tailler une place dans un programme de baseball secondaire (High School). De ce nombre, à peine 9% se retrouveront dans un programme collégial et de ce 9%, seulement 2% se rendront dans la division 1 de la NCAA. Donc, de se faire repêcher par une équipe du baseball majeur est déjà un exploit en tant que tel. Ajoutez à cela que près de 30% des joueurs du baseball majeur proviennent d'autres pays que les États-Unis, ça ne laisse pas beaucoup de place pour ceux, qui à l'âge de 12 ans, rêvent de jouer dans la MLB.
Revenons à Charles. Un gars de Laval de qui son père lui a transmis son amour pour ce sport. C'est l'élément clé ici. Aimer son sport. On peut être excellent dans un sport, s'amuser en le jouant, mais pour traverser la jungle comme Charles l'a fait, il faut en être passionné.
Repêché par les Brewers en 33e ronde en 2013 de son école secondaire Georges-Vanier, en plus d'avoir évolué avec l'équipe junior canadienne, sagement le clan Leblanc décide qu'il est mieux pour Charles de se développer dans les rangs universitaires ce qu'il fait de brillante façon en étant repêché en 2016 par les Rangers du Texas en 4e ronde de l'Université de Pittsburgh. Déjà le parcours est bien rempli et impressionnant, mais ce qui attend Charles est la dure réalité du baseball professionnel.
D'un programme de division 1 de la NCAA au baseball professionnel dans le A faible, le joueur a parfois l'impression qu'il ne va pas dans la bonne direction. Les installations ne sont pas aussi impressionnantes et le nombre d'entraîneurs diminue tout en vous « garrochant » sur le terrain et montrer que tu mérites ta place, match après match. C'est devenu un emploi! Un salaire crève-faim avec des voyages interminables d'autobus, tout en maintenant un haut niveau de jeu, je vous le dis, ce n'est pas toujours rose. Des pizzas, tu en manges des tonnes!
De 2016 à 2018, Charles passe du A faible au A et ensuite au A fort. Plus de 263 matchs, 1083 présences au bâton pour enfin atteindre le niveau AA. Une fois à ce niveau, tous les espoirs sont permis. Charles s'adapte très bien et à 23 ans, il sent que le rêve est à sa portée. Comme tout le monde, la pandémie affecte Charles puisque la saison 2020 est annulée. Pour se démarquer, il faut faire les choses autrement, et Charles fait appel à un instructeur au bâton de renom, Doug Latta. Charles ne cesse de s'entraîner, même dans la cage que papa Paul a fait construire à la résidence de Laval. Charles amorce la saison 2021 au niveau AAA dans l'organisation des Rangers, à une étape du baseball majeur. Malgré un passage à vide en fin de saison, sa moyenne de puissance de ,455 en dit long sur son potentiel.
Durant l'hiver, le baseball majeur tient son repêchage des joueurs professionnels qui permet à des joueurs qui ont passé plus de trois ans dans une même organisation de se faire repêcher par une autre équipe. Un repêchage qui empêche des équipes de garder un bon joueur éternellement dans les rangs mineurs.
De toute évidence, les Marlins ont vu quelque chose que les Rangers n'étaient pas en mesure de voir. Il y a toujours un côté décevant à changer d'organisation, surtout celle avec laquelle tu as porté ton premier uniforme professionnel. Cependant, tu dois voir l'autre côté de la médaille, celle qu'une équipe te donne la chance de poursuivre la réalisation de ton rêve. Quelques nouvelles séances avec Doug Latta pour bien préparer Charles avec sa nouvelle équipe. Belle occasion pour lui de faire bonne impression dès le départ. Chose qu'il a réalisée de mains de maître.
Le reste est du pur bonheur. Le 30 juillet 2022, Charles Leblanc frappe son premier coup sûr dans le baseball majeur et pour en ajouter à cette histoire déjà remarquable, le 31 juillet, Charles frappe son premier circuit dans le baseball majeur.
Lorsque tu es jeune, tu veux faire le AA. Ensuite, l'équipe régionale et si t'es très bon, tu te retrouves avec l'équipe du Québec. Ensuite viennent le Midget AAA, l'ABC, l'équipe junior canadienne et l'équipe nationale. Ce sont toutes de belles étapes. L'important pour chaque joueur, est de se rendre à la limite de ses capacités propres à lui. Et ceux qui réussissent à être repêchés vont en franchir une autre et une autre et une autre jusqu'à attendre le baseball majeur. Très peu l'ont fait et surtout pour des gars de chez nous, très peu de joueurs de position l'ont fait.
Maintenant, Charles Leblanc vit ses plus beaux moments, mais aussi ses plus grands défis. Vrai qu'après deux semaines, Charles a eu son premier chèque de paie et il a fait plus d'argent en deux semaines que toutes ses années professionnelles combinées. Cependant, le travail consiste maintenant à rester avec les Marlins. Vous allez me dire qu'avec sa moyenne de ,333, il ne devrait pas s'en faire et vous avez probablement raison. Mais, malgré son rendement exceptionnel, quelques joueurs réguliers sont revenus de la liste des joueurs blessés et ont reprit leur place. Le temps de jeu de Charles a donc diminué. Plus difficile de garder son rythme lorsqu'on joue moins souvent. Les équipes adverses ont aussi étudié l'élan et le style de Charles et vont lui lancer des tirs moins invitants tout en abusant d'une possible faille dans son élan.
Rien n'est donc acquis pour le Lavallois, mais quel parcours incroyable jusqu'ici. Tout comme celui d'Abraham Toro. L'histoire de Toro prouve à quel point le vrai défi est de rester dans le baseball majeur et de s'adapter match après match de jouer contre les meilleurs au monde.
Tout ce que l'on peut faire, c'est de continuer à encourager Charles et Abraham dans leur épopée afin qu'ils puissent à leur tour motiver d'autres jeunes à aller au bout de leurs rêves. Mais comme le démontre très bien le parcours de Charles, on ne peut pas ralentir le rythme, ou penser qu'une fois en haut, ça va être plus facile. C'est tout le contraire, il faut être créatif et trouver d'autres façons de s'améliorer. Comme l'a déjà si bien dit, Derek Jeter : il y a possiblement des joueurs qui ont plus de talent que toi, mais il n'y aucune excuse que tu ne sois pas celui qui travaille le plus fort.
Charles et les Marlins seront à Los Angeles contre les Dodgers à compter de vendredi soir.