MONTRÉAL - Que ce soit comme joueur ou comme gérant, Felipe Alou a été un pionnier, ouvrant les portes du Baseball majeur aux Dominicains.

Quand il a été rappelé par les Giants de San Francisco, le 8 juin 1958, il est devenu le deuxième joueur de la République dominicaine à jouer dans les Majeures, après Ozzie Virgil père, qui a également amorcé sa carrière avec les Giants, à New York. Alou est toutefois le premier Dominicain à avoir joué de façon régulière puisque Virgil n'a disputé que 324 rencontres en neuf ans avec cinq organisations.

Après 17 saisons dans les Ligues majeures avec les Giants, les Braves (de Milwaukee et d'Atlanta), les Yankees, les Athletics, les Expos et les Brewers (trois matchs seulement, en 1974), Alou tente sa chance comme gérant. Ce sont les Expos qui l'embauchent et lui confient, en 1977, leur club-école de niveau A de West Palm Beach.

Il a par la suite dirigé à tous les niveaux de l'organisation pendant 15 ans, en plus de passer deux années au sein de l'équipe d'instructeurs du gérant Dick Williams, en 1979 et 1980.

« Je ne le réalise pas encore tout à fait, mais j'étais en quelque sorte un pionnier, raconte Alou. Les Dominicains ont toujours produit de bons joueurs, comme le reste de l'Amérique latine d'ailleurs. Mais les joueurs latins avaient la réputation de ne pas être intelligents. Je ne sais pas d'où ça vient, mais j'imagine que cette réputation était aussi attachée aux gérants latins. Comme les Dominicains ont envoyé le plus de joueurs dans le Baseball majeur, j'imagine qu'on a mené au chapitre de la stupidité également... »

« Ça ne nous avait pas marqué que Felipe allait devenir le premier Dominicain à occuper le poste de gérant au Baseball majeur. Mais lors de la conférence de presse, la première question a porté là-dessus! » s'est rappelé Dan Duquette, qui était le directeur général des Expos quand Alou, alors le principal adjoint de Tom Runnells, a été promu, le 22 mai 1992.

« Nous ne l'avions pas réalisé et ça n'avait pas fait partie de notre processus décisionnel. Nous l'avions choisi au mérite, sur sa capacité à diriger dans les Majeures, sur sa crédibilité, ainsi que sur toutes les années qu'il avait données à l'organisation. Mais il l'était, et il a pavé la voie aux autres Dominicains. »

« En dirigeant aussi longtemps dans les ligues mineures, j'imagine que les partisans, les joueurs et les directeurs généraux ont compris que si j'étais stupide, je n'étais pas le plus stupide, ajoute mi-figue, mi-raisin Alou. Je crois avoir ouvert la porte, mais je ne crois pas qu'elle ait été grande ouverte. Je ne crois pas qu'il y ait de gérant dominicain présentement. Ils disent que nous avons de 25 à 30 pour cent des joueurs dans le baseball, mais où sont les gérants latins? »

Alou n'a pas tort: des 870 joueurs qui évoluaient dans les Majeures au jour 1 de la saison 2017, 289 provenaient de l'Amérique latine, soit 26,9 pour cent, des chiffres qui incluent les neuf joueurs Mexicains. Seul Rick Renteria, un Mexicano-Américain à la tête des White Sox de Chicago, est en poste comme gérant. Qui plus est, un seul est Afro-Américain: Dusty Baker, avec les Nationals de Washington.

Des 699 gérants de l'histoire du Baseball majeur, seulement 17 - six sur une base intérimaire - étaient d'originie latino-américaine.

De ces 17 gérants, seulement trois ont obtenu plus d'une chance de se faire valoir: Preston Gomez (Padres, Astros, Cubs), Ozzie Guillen (White Sox et Marlins) et Alou, qui a dirigé les Giants pendant quatre saisons, de 2003 à 2006, après avoir prêté main-forte à son ex-adjoint Luis Pujols comme instructeur de banc chez les Tigers en 2002.

« Je crois que mon professionnalisme, mon attitude et ma façon de diriger sans crainte en ont impressionné certains, explique Alou. J'imagine que c'est ce qui a poussé les Giants à m'embaucher par la suite. »