TORONTO – « C’est ça le baseball. Ça va bien et puis tout peut changer sur un seul lancer. »

C’est avec cette remarque que Russell Martin m’a accueilli devant son casier dans le vestiaire des Blue Jays après la défaite de 3-2 encaissée aux mains des Orioles de Baltimore. Une défaite qui a étouffé l’ardeur des 44 668 partisans qui célébraient allègrement une éventuelle cinquième victoire lors des six derniers matchs de leurs favoris. Une défaite qui a aussi, et surtout, anéanti la sortie du tonnerre du lanceur partant Francisco Liriano.

En six manches et un tiers, Liriano a blanchi les Orioles. Il a bien espacé six coups sûrs. Il a surtout affiché un contrôle sensationnel comme en témoignent les dix retraits sur des prises qu’il a enregistrés contre un seul but sur balles accordées.

« C’était fou à quel point il lançait bien. Il avait de l’étoffe. Il avait de la puissance. Sa balle bougeait. Tout allait vraiment bien », a commenté Martin après le match.

Francisco Liriano a eu droit à une ovation monstre lorsqu’il a retraité vers l’abri après sa soirée de travail. Mais deux circuits accordés par la relève l’ont privé de sa neuvième victoire de la saison.

Renversement de situation

La performance de partant donnait pleinement raison au receveur québécois qui attribuait aux lanceurs et à la défensive de l’équipe les succès remportés depuis le début de la saison et la place des Jays dans la course au championnat.

« J’affiche la même confiance à l’aube des séries que celle que j’affichais l’an dernier. On a un très bon groupe de joueurs. On a du talent, de la puissance, de la confiance. Mais on lance beaucoup mieux qu’on le faisait l’an dernier. C’est notre puissance au bâton qui nous a conduits en finale de championnat l’an dernier. Cette année, c’est la qualité du travail de nos lanceurs. Globalement, on lance beaucoup mieux. Défensivement, on appuie bien mieux nos lanceurs aussi. On ne peut rien célébrer encore, mais j’aime nos chances d’atteindre les séries. Et une fois en séries, on verra jusqu’où nous pourrons aller. »

Ce commentaire, Russell Martin me les a livrés en fin d’après-midi alors qu’il se préparait à sauter sur le terrain pour prendre part à la pratique au bâton.

Si son partant a su appuyer ses propos avec une performance impressionnante, les releveurs l’ont fait mentir.

Jason Grilli a accordé un circuit en solo en huitième manche. Malgré cette longue balle, les Jays menaient encore 2-1. Appelé à venir sauver la victoire en début de neuvième, l’excellent Roberto Osuna a vu Hyun Soo Kim venir plonger le Rogers Centre dans un profond silence en frappant un circuit de deux points dans la droite. Cette longue balle a couronné une longue présence au cours de laquelle Kim a bien protégé le marbre en frappant plusieurs balles fausses.

« J’ai voulu lui offrir une balle haute aux poignets, mais je l’ai échappée en plein cœur du marbre. C’est mon erreur. C’est désolant, mais c’est le genre de chose qui arrive au fil d’une saison », a plaidé Osuna à son retour de la douche.

Les performances de Grilli et Osuna n’ont pas entaché la confiance que le receveur voue à son personnel de lanceurs. « C’est ça le baseball », que Martin a répété en se balançant sur la chaise installée devant son casier.

Quart-arrière respecté

Pendant mon échange avec Russell Martin, John Gibbons est passé devant le casier de son receveur. Le gérant qui retraitait alors vers son bureau, a tendu le poing vers Martin en lançant tout bas : « tu as fait du gros travail derrière le marbre. »

Ardent défenseur de son receveur, John Gibbons attribue une grande part des succès des lanceurs des Jays au travail de gestion effectué par Russell Martin derrière le marbre.

Avant le match d’hier, les Jays affichaient une moyenne de 3,69 points accordés par match. La meilleure de la Ligue américaine. La meilleure des Jays depuis la saison 1991. La quatrième plus basse de leur histoire.

Les lanceurs revendiquaient 818 retraits sur des prises. Malgré la défaite, ils en ont ajouté 12 au cours de la rencontre. Ce qui les place au quatrième rang dans l’Américaine.

Et c’est Russell Martin qui orchestre leur travail alors que la sélection des offrandes lui revient au lieu d’être commandée du banc.

« C’est sûr que j’ai mon mot à dire. Je suis comme le quart-arrière. J’ai des tas de données sur les frappeurs qu’on affronte. Je sélectionne les tirs en fonction de notre plan de match, de leurs forces, de leurs faiblesses aussi. Mais ce sont les gars sur la butte qui exécutent ensuite. Ce sont eux qui font le reste du travail. Je fais ma part, mais ils en ont une très grosse à remplir aussi. Et cette année, ils le font très bien. C’est juste plate que deux longues balles soient venues nous faire mal en fin de match. Qu’elles aient annulé la performance de Liriano qui méritait un bien meilleur sort », a ajouté Martin.

Toujours dans la course

Malgré leur revers crève-cœur, les Jays sont toujours dans la course aux séries.

Bon! La défaite concède le titre de champions de la division Est aux Red Sox que les Blues Jays ne peuvent plus rejoindre même s’ils les croiseront vendredi, samedi et dimanche à Boston pour compléter le calendrier régulier.

Mais derrière les Red Sox, les Jays maintiennent leur position de commande dans la course aux équipes repêchées dans la Ligue américaine. Vrai que les Orioles, forts du gain arraché en fin de match, s’approchent à un match des Jays et que les Tigers de Detroit sont toujours dans la course eux aussi. Mais les Jays semblent les mieux placés. Surtout que les Red Sox, maintenant assurés du championnat, pourront entièrement se concentrer en fin de semaine prochaine aux célébrations entourant les trois derniers matchs en carrière de David Ortiz au Fenway Park, sans se soucier vraiment du résultat final de ces trois parties historiques.

« On est encore dans la course, mais en même temps on veut gagner tous nos matchs. À tout le moins le plus possible. On avait le contrôle de la partie ce soir et on l’a échappée. On va tenter de se reprendre tout de suite demain dans le cadre de notre dernier match à la maison et de finir ça avec trois victoires en fin de semaine pour mettre toutes les chances de notre côté », a conclu le receveur étoile des Jays.

Si les quatre derniers matchs de la saison ne suffisent pas aux Jays pour confirmer leur place en séries, Russell Martin et ses coéquipiers espèrent avoir la chance de pouvoir au moins compter sur la tenue d’un match suicide contre l’un ou l’autre des adversaires encore impliqués dans la course.