Aaron Judge des Yankees est devenu la première recrue de l’histoire du baseball à frapper 50 circuits. Même si Judge réalise le tout lors d’une saison record de circuits (5543 en date du 25 septembre), il est bon de constater qu’il n’y a pas de doute sur sa puissance pure et que l’on ne considère pas ce record comme gonflé en raison de la balle qui est différente. D’ailleurs, plusieurs expliquent la saison record en raison de la balle qui a été modifiée. L’excuse est trop facile. Si la balle a été modifiée, si peu soit elle, elle est seulement une infime partie de la réponse. Personnellement, je ne crois pas aux modifications soulevées sur la balle. Voici plutôt les vraies raisons de cette nouvelle puissance. Il y en a plusieurs, alors vous les mettrez dans l’ordre que vous voulez.

1- L’approche du frappeur est complètement différente.

L’ère « Moneyball » en 2002 plaçait la moyenne de présence sur les buts comme étant la nouvelle tendance. Sinon, à deux prises, le frappeur avait comme attitude de placer la balle en jeu pour mettre de la pression sur la défense et donc de couper dans son élan. Aujourd’hui, le frappeur a une chose en tête : frapper la longue balle, et ce, peu importe le compte. D’ailleurs, ce n'est pas seulement les circuits qui sont à la hausse. Ce sera une 12e année de suite que les retraits au bâton grimpent à une vitesse folle.

2- L’angle de lancement.

Je sais, mauvaise traduction, mais à défaut de trouver un meilleur terme en français... Donc, au moment du contact avec la balle, quel est l’angle que le frappeur se donne pour frapper la balle. Depuis des décennies, on enseignait aux frappeurs à cogner la balle au sol qui se transformait en balle en flèche. Seul le célèbre Ted Williams contredisait tout le monde en mentionnant qu’il fallait soulever la balle au lieu de la frapper vers le sol. Difficile de comprendre pourquoi personne ne l’écoutait. Deux éléments donnent raison à Williams. Les défenses spéciales empêchent de plus en plus les frappeurs de faufiler des balles au sol vers le champ extérieur. La qualité des joueurs en défense, qui couvrent de plus en plus de terrain, vient appuyer cette philosophie. L’autre aspect est la technologie. Pouvoir étudier son élan avec les données d’aujourd’hui est fascinant! Les joueurs ne parlent plus de moyenne au bâton, on parle maintenant d’angle de lancement ou la vitesse de la balle qui quitte le bâton. En étudiant l’angle de lancement, on s’est aperçu rapidement que de soulever la balle produisait davantage de puissance, mais ouvrait davantage le terrain pour d’autres types de coups sûrs. Je vous donne un exemple. Daniel Murphy des Nationals est passé d’un angle de 11,5 degrés en 2015 à 16,6 en 2016. Sa moyenne est passée de ,281 en 2015 à ,341 en 2016 tout en frappant 11 circuits de plus. Tous les stades du Baseball majeur sont maintenant équipés du système Statcast afin d’obtenir tous ces renseignements. On peut maintenant dire qu’un angle entre 25 et 35 degrés avec une vitesse créée de 95 m/h va produire beaucoup de dommage.

3- La puissance des lanceurs.

Si la tendance des circuits et des retraits sur des prises est à la hausse, il en est de même pour la vélocité des lanceurs. Il n’y a pas si longtemps, seulement, une poignée de lanceurs arrivaient à faire osciller le radar à plus de 97 m/h. Aujourd’hui, près de 8 lanceurs sur 11 atteignent des vitesses de 95 m/h et plus. Qui dit vitesse folle dit aussi manque de précision. Le lanceur de puissance n’a pas la précision sur ses tirs comme le faisait par exemple Greg Maddox qui, lui, mettait la balle où il le voulait. L’autre élément est que plus un lanceur lance fort, moins sa balle va bouger. La fameuse balle rapide tombante est de moins en moins présente parce que l’on préfère gagner 4-5 m/p de plus plutôt que de faire bouger la balle. D’ailleurs, plusieurs lanceurs tentent de développer la balle rapide coupée qui semble bouger malgré la puissance du tir, mais pas assez de lanceurs la maîtrise comme il se doit.

Revenons à Judge ou même Cody Bellinger. Judge se donne habituellement un angle de 27 degrés et produit des vitesses de plus de 110 m/h. Ce n’est donc pas un hasard que ce gars-là produise autant de puissance. Bellinger est toujours entre 22 et 25 degrés et sa puissance ne fait pas de doute. Les jeunes frappeurs jouissent maintenant de toutes ces données et vont en profiter. C'est un peu moins facile pour un vétéran de faire un tel changement dans son élan, mais s’il veut suivre la nouvelle tendance, il devra probablement s’y mettre.

Josh Donaldson avait parlé de ce phénomène en 2015 et plusieurs l’avaient invité à se taire. Donaldson paraît bien aujourd’hui et plusieurs croient à l’angle de lancement. Certains vont vous parler de la transformation de la balle, mais moi je crois à l’ajustement des frappeurs. Trop longtemps les lanceurs ont dominé. Il me semble que ça fait du bien des voir un tel spectacle et Aaron Judge devient le visage de cette nouvelle ère. À quand le film!