MONTRÉAL – « T’as joué dans le baseball majeur ! » C’est avec les yeux encore plus brillants que le chaud soleil de mardi que certains jeunes ont scandé cette phrase quand ils ont découvert que leur entraîneur pour leur camp de baseball avait connu une illustre carrière.

Pour eux, le nom de Roberto Alomar ne voulait absolument rien dire et c’est en quelque sorte la beauté de la chose. Très impliqué dans la communauté, Alomar n’est pas débarqué dans la métropole (en compagnie d’autres anciens des Blue Jays dont Devon White) pour se pavaner, mais tout simplement pour partager ses connaissances avec la relève.

Inévitablement, Alomar et White ont prodigué leurs conseils à un auditoire des plus captifs d’une vingtaine de friands du baseball et c'était encore plus vrai une fois que la découverte avait fait le tour du terrain plus rapidement que ces deux grands noms de l’histoire des Jays pouvaient contourner les sentiers.

« C’est très amusant. Ils sont si jeunes qu’ils ne savent pas qui nous sommes. Au moins, ils peuvent ensuite aller sur Google, Youtube ou bien en parler avec leurs parents », a confirmé Alomar, originaire de Porto Rico, avec le sourire.

Alomar et White ont une fois de plus adoré leur expérience estivale dans le cadre de la cinquième année de cette tournée de camps à travers le Canada. Quand ils disposent de temps libres dans ces journées dédiées aux enfants, ils en profitent évidemment pour ressasser d’agréables souvenirs. Au sommet de cette liste, les deux élégants anciens joueurs ont savouré la conquête de la Série mondiale en 1992 et 1993.

En raison de la passionnante fin de saison dans laquelle est impliquée l’édition 2015 des Jays, le jeu des comparaisons refait surface assez souvent et occupe une grande partie de leurs discussions.

« Il y a quelques différences entre les deux formations. Je dirais que nous avions un peu plus de vitesse tandis qu’ils possèdent un peu plus de puissance. C’est quand même difficile à comparer puisque ce sont deux bonnes équipes », a évalué Alomar, intronisé au Temple de la renommée du baseball en 2011.

« On me pose cette question très souvent, mais je considère que c’est un peu injuste de les comparer dans le sens que ce ne sont pas deux équipes avec des styles similaires. Cela dit, c’est toujours bien de faire partie d’une telle comparaison parce que ça veut dire que nous étions plutôt bons, je présume », a proposé White en riant.

L’excitation entourant la poussée des Jays tient absolument la route, mais la cuvée concoctée par le directeur général Alex Anthopoulos n’a encore rien accompli comparativement à la bande de White et Alomar qui disposent de deux bagues de championnat.

Tout de même, ils se classent parmi les premiers à saluer les efforts du DG montréalais. En fait, Alomar a été consulté par Anthopoulos avant de passer à l’action.

« Parfois, quand tu veux gagner, il faut que tu roules les dés en allant chercher les joueurs qui feront la différence selon toi. C’est ce qu’il a accompli et ça fait partie de son travail d’acquérir les éléments manquants », a soutenu Alomar qui a complété sa carrière de 17 saisons avec une moyenne au bâton de ,300 et 10 gants d’or.

« Il a réussi tout un boulot. La chimie semble excellente et même meilleure qu’avant. Tout le monde est excité au Canada de voir les Jays pousser dans la bonne direction, aspirer aux séries et battre les Yankees », a décrit White (photo), un gracieux voltigeur qui s’est retiré en 2002 avec sept gants d’or.

Les deux sympathiques athlètes apprécient ce plaisant débat qui se propage depuis quelques semaines et ils s’amusent aussi de cette situation. Devon White

« La seule différence, c’est que notre équipe est formée de retraités donc la formation actuelle est meilleure parce qu’elle joue encore », a blagué Alomar.

Déjà de plus en plus populaire d’un océan à l’autre, les Jays ont poursuivi leur ascension dans le cœur des Canadiens qui s’accrochent à leur périple vers le sommet de la division Est de la Ligue américaine.

La vague se répand à un point que plusieurs Québécois affichent maintenant les couleurs des Jays même s’ils étaient considérés comme les ennemis à l’époque des Expos.

« Les Jays ont toujours été l’équipe du Canada, n’est-ce pas ? », a lancé White en plaisantant avant de se faire rappeler que ce n’était certainement pas le cas en 1994 alors que les Expos dominaient le baseball majeur avant le conflit de travail fatal.

« C’est vrai que les Expos avaient une excellente équipe cette année-là, mais sur papier, ça ne compte pas ! Je connais bien les Larry Walker, Marquis Grissom et compagnie et je les taquine souvent là-dessus », a-t-il poursuivi fier de son coup.

L’appui incommensurable des partisans

Souvent délaissé par le passé, mais pas autant que le Stade olympique, le Rogers Centre accueille maintenant des foules gigantesques et en liesse. Preuve de la frénésie qui règne à Toronto, David Price a raconté qu’il a eu besoin de près de deux heures l’autre jour pour revenir à son domicile puisque les gens ne cessaient de l’arrêter sur son scooter.

Roberto AlomarUne révélation de Mark Buehrle en dit long également. Le vétéran gaucher de 36 ans était plus que déçu quand il a été échangé à Toronto, mais il a développé une relation d’amour avec la cité canadienne.

En voyant le Rogers Centre qui déborde d’enthousiasme, Alomar revit de merveilleux souvenirs.

« C’est vraiment emballant, l’équipe a besoin de l’appui des gens pour accomplir ce qu’elle veut faire. À mon époque, le stade était plein et ça nous a donné une motivation supplémentaire tous les jours. Je sais que les joueurs actuels ressentent la même chose et ça me réjouit de voir que les fans sont de retour », a témoigné Alomar qui a joué cinq saisons pour les Jays en plus de porter l’uniforme des Padres, des Orioles, des Indians, des Mets, des Diamondacks et des White Sox.

Si les Jays ont propulsé de nouveau le baseball au cœur des priorités sportives estivales des Canadiens, ils n’ont pas encore laissé leur marque de façon aussi tangible que la formation du début des années 90 qui était menée par le quintette surnommé WAMCO pour White, Alomar, Paul Molitor, Joe Carter (auteur du célèbre circuit décisif en 1993) et John Olerud.

« Je les supporte et j’ai beaucoup de respect pour les joueurs de l’édition 2015. De notre côté, on est parvenu à laisser un héritage et je suis persuadé qu’ils pourront en faire autant », a conclu celui qui travaille comme conseiller spécial à l’organisation torontoise.