Meilleure fiche du baseball à la fin du mois de juillet - des mots que personne à Pittsburgh n’osait prononcer depuis des lunes, freinés par une disette qui s’éternise depuis plus de 20 ans déjà. Sauf que le pessimisme perpétuellement associé au destin des Pirates pourrait enfin rencontrer son agréable conclusion quand l’automne se pointera le bout du nez dans un peu plus d'un mois.

En balayant les Cards de St Louis lors d’un programme double mardi, les Pirates ont amélioré leur fiche à 64-42, la meilleure du baseball majeur devant les Red Sox qui ont deux défaites de plus et autant de victoires. De ce fait, les boucaniers de la ville de l’acier trônent au sommet de la division Centrale de la Nationale, 1,5 match devant les puissants Cardinals.

Pour les Pirates, c’est la première fois depuis 1992 qu’ils contrôlent leur division à l’aube du mois d’août.

À l’époque, les Pirates remportaient la division Est de la Nationale, neuf matchs devant les Expos. Une version svelte et moustachue de Barry Bonds patrouillait le champ gauche en route vers son deuxième titre de joueur par excellence de la saison régulière. Jim Leyland, maintenant à la barre des Tigers, remportait le titre d’entraîneur de l’année et Tim Wakefield, à sa première saison dans la MLB, se méritait le titre de recrue de l’année dans la Nationale.

Bref, la dernière saison victorieuse à Pittsburgh existe dans un passé très lointain, à la limite de la réalité parallèle. Depuis ce temps, Bonds est devenu un paria, Wakefield a remporté deux championnats avec les Red Sox de Boston et la cave de la division Centrale de la Nationale est meublée en grande partie aux couleurs des Pirates.

L’improbabilité de la saison des Pirates a pris le monde du baseball par surprise cette saison, alors qu’une bande de rescapés et de jeunes loups fait la vie dure aux forces établies d’un sport traditionnellement conservateur.

Russell MartinLe malheur des uns…

Menottés par un budget restreint, les Pirates ont l’habitude d’appliquer une économie de bouts de chandelles afin de mettre sur le terrain une équipe complète. Pour ce faire, il n’était pas rare de voir la formation se contenter des mal-aimés des autres équipes qui acceptaient de venir jouer à Pittsburgh devant le désintérêt des marchés plus alléchants comme New York, Boston ou Los Angeles.

Cet été, les Pirates ont eu la main heureuse avec plusieurs de leurs acquisitions, en commençant par l’étroite relation entre le personnel de lanceurs et le receveur québécois Russell Martin.

Martin, à la suite de deux saisons en dents de scie dans l’uniforme des Yankess, a rejoint les Pirates l’hiver dernier en acceptant l’offre contractuelle de deux saisons offertes par l’équipe. Les Pirates ont profité de l’hésitation des Yankees afin de réclamer les services d’un receveur d’expérience qui, à 30 ans, possède encore un élan de qualité dans un alignement de tous les jours. De retour dans la Nationale, Martin contribue autant offensivement, avec une moyenne au bâton de ,247 et 9 coups de circuit, que défensivement en dirigeant le personnel de lanceurs des Pirates qui compilent la meilleure moyenne de points mérités des majeures cette saison (3,02).

Le Québécois n’est pas le seul qui s'est trouvé un second souffle à Pittsburgh, loin de là.

Depuis la saison 2007, qu’il a ratée dans son entièreté tandis qu’il se remettait d’une opération au coude (la fameuse Tommy John), Francisco Liriano connaissait surtout des bas dans l’organisation des Twins du Minnesota. Perçu comme un as en devenir avant son opération, Liriano a emprunté une longue route sinueuse afin de rétablir sa réputation et ses succès, trop marginaux au goût des Twins, ont fini par lui coûter sa place dans la rotation de l’équipe qui l’a fait connaître. Le gaucher a d’ailleurs bien failli ne jamais revêtir l’uniforme des Pirates, lui qui s’est fracturé le bras droit avant même de finaliser l’offre initiale de l'équipe d’une valeur de 12,75 millions de dollars. Liriano, sans levier de négociation, a restructuré l’offre des Pirates et a finalement accepté un contrat d’une seule saison pour la somme majorée d’un million de dollars, doublé de plusieurs bonis à la performance. Inquiets, les Pirates ont investi à reculons en raison des nombreuses blessures de Liriano. Depuis, le lanceur dominicain mène l’équipe au chapitre des victoires (avec 11) et est troisième pour les manches lancées.

Liriano, épaulé par A.J. Burnett (un autre rescapé des Yankees) et Wandy Rodriguez (un projet récupéré des Astros), assure une stabilité à la rotation des Pirates et l’expérience des trois vétérans pave la voie pour l’autre secret du succès de l’équipe : le virage jeunesse.

Des jeunes avec les dents longues

En effet, en plus de compter sur son lot de vétérans à bon marché, les Pirates comptent l’un des bassins de jeunes les plus prometteurs du baseball en vertu des mauvaises performances perpétuelles de la formation au cours des dernières années. L’accumulation de jeunes joueurs talentueux aura fini par payer pour l’organisation qui, depuis le début de la saison, récolte les bénéfices d’une trop longue léthargie, en commençant par l’arrivée de nouveaux bras de qualité au monticule.

Jeff Locke, à sa première saison à titre de partant à temps plein dans les majeures, compile une fiche de 9-3 en 20 départs cette saison, menant l’équipe au niveau de la moyenne (2,15) et des manches lancées (119,2). À 25 ans, Locke a été sélectionné pour le Match des étoiles et laisse présager de belles choses pour l’avenir des Pirates au monticule, surtout qu’aux yeux de plusieurs il n’est pas le meilleur « jeune bras » de l’organisation.

Gerrit Cole, le premier choix global du repêchage de 2011 par les Pirates, a fait ses débuts dans la MLB au mois de juin et s'illustre depuis au pied de la rotation de l’équipe. Avec sa rapide flamboyante (qui atteint parfois les 100 milles à l’heure), Cole a remporté ses quatre premiers départs et compile depuis une fiche de 5-4, n’accordant jamais plus de trois points mérités au cours d’un même départ depuis le début de sa carrière.

Locke et Cole seront éventuellement rejoints par le lanceur canadien Jameson Taillon, le deuxième choix global du repêchage de 2010 derrière Bryce Harper. Taillon, qui évolue encore dans le AA, devrait recevoir un premier coup d’œil en septembre en audition pour la saison prochaine et il pourrait contribuer marginalement à la course aux séries des Pirates.

Au bâton, Pedro Alvarez a trouvé son rythme à sa quatrième saison dans les majeures, lui qui mène l’équipe au chapitre des circuits (27) et des points produits (69). Le puissant bâton d’Alvarez a toujours été prometteur pour les Pirates et l’éclosion tant attendue s’est finalement produite cette saison, solidifiant le cœur de l’alignement de l’équipe aux côtés d’Andrew McCutchen.

Starling Marte, à sa première saison complète, est aussi une révélation pour les Pirates au champ gauche. Il compte déjà trente buts volés cette saison et sa vitesse, autant sur les sentiers qu’en défensive, dynamise l’équipe en entier et sa stabilité en tant que premier frappeur met la table pour tous les succès offensifs de l’équipe. Cette contribution surprise de Marte a permis aux Pirates de ne plus jongler avec le haut de l’ordre des frappeurs et sa défensive spectaculaire offre de fiers services aux lanceurs de l’équipe.

Avec ses jeunes as, Alvarez, Marte et McCutchen, qui n’est âgé que de 26 ans, les Pirates présentent un noyau solide pour l’avenir et ultra-compétitif cette saison. Cette dose de jeunesse contagieuse doublée d’une expérience tangible offerte par les vétérans permet aux Pirates d’aspirer aux éliminatoires pour une première fois depuis 1992 et à ce stade-ci de la saison, dans leur position actuelle, l’espoir n’est plus une œuvre de science-fiction à Pittsburgh.

Les voltigeurs des PiratesMaintenir le cap

Plus que tout, les Pirates doivent s’accoutumer à cette nouvelle culture gagnante qui s’installe au PNC Park.

Avec 56 matchs à jouer, les Pirates ont déjà fait le gros du travail afin d’obtenir une première saison gagnante en plus de vingt ans. L’an dernier, ils n’ont pas été en mesure de capitaliser à la suite d’un bon mois de juin et ils ne se sont mérité que 79 victoires, ce qui représentait tout de même la meilleure fiche de l’équipe depuis l’éclatante saison de 1992. De 72 victoires en 2011 à 79 en 2012, les Pirates pourraient terminer la saison 2013 aux alentours des 95 victoires s’ils maintiennent le cap. En conservant la moyenne de matchs remportés actuelle (,604), les Pirates termineraient la saison avec 97 victoires. Pour faire un comparatif avec l’an dernier, les Cardinals se sont emparés de la cinquième et dernière place en éliminatoires avec une fiche de 88-74.

Les chiffrent sont donc favorables pour les Pirates qui n’ont pas d’amélioration concrète à apporter, sinon celle de poursuivre sur une lancée fulgurante au lieu de regarder le train passer.

Les Cards, avec le deuxième meilleur dossier dans la Nationale, souffleront inévitablement dans le cou des Pirates pour le titre de la division, et ce, jusqu’à la fin du mois de septembre. Cette rivalité, en plus de celle avec les dangereux Reds, rendra la dernière portion du calendrier plus corsée pour les Pirates qui devront aussi visiter les Rangers dans l’Américaine lors de leur seule série interligue du mois de septembre. Par contre, le dernier sprint de la saison pourrait être bénéfique aux Pirates qui joueront 11 de leurs 17 derniers matchs contre les Cubs et les Padres qui sont déjà virtuellement écartés de la course aux séries, les deux formations vivant des saisons difficiles.

Quoi qu’il en soit, les Pirates seront à surveiller lors du dernier tiers de la saison.

Une nouvelle réalité qui est la bienvenue dans l’ombre des scandales entourant les produits dopants. La MLB a besoin d’un bon déridage au niveau de son image de marque et les Pirates, jeunes et ambitieux, contribuent à ce nouvel épisode dans la grande histoire du baseball.

Même que l’optimisme est de mise dans le cas des Pirates qui seront, à moins d’une série de malencontreuses malchances, de sérieux aspirants vers un périple en Série mondiale.