L'un des joueurs qui domine dans la Ligue Américaine affiche une moyenne au bâton de ,338, et s’il continue sur cette lancée, il terminera la saison avec environ 240 coups sûrs et 80 coussins supplémentaires. Ce sont des statistiques qui pourraient le placer au coeur des discussions pour une sélection sur l’équipe d’étoiles et le titre de joueur par excellence.

Sauf que son nom est Melky Cabrera, celui-là même qui a été suspendu pour utilisation de substances prohibées il y a deux ans.

Que faut-il en penser?

Pour faire simple : ce que vous voulez.

Si vous choisissez de prendre seulement en considération ses performances et de lui laisser le bénéfice du doute en présumant qu’il est propre, eh bien, c’est votre droit. Si vous considérez simplement Cabrera comme un joueur qui a su rebondir suite à la maladie – une tumeur a été détectée au niveau de sa colonne vertébrale la saison dernière –, c’est raisonnable. Selon les nouvelles règles établies par l’Association des joueurs de la MLB, Cabrera, comme tous les autres joueurs, est sujet à des tests inopinés plus fréquents qu’auparavant. Vous pouvez donc estimer que les accomplissements de Cabrera en ce début de saison sont légitimes.

Et si vous êtes toujours sceptiques quant à son statut de tricheur, c’est parfaitement compréhensible. Le voltigeur, un bon ami d’Alex Rodriguez, a été libéré par les Braves à l’âge de 26 ans avant de connaître soudainement une ascension fulgurante parmi l’élite des frappeurs au même moment où il devenait un client de Biogenesis. À sa deuxième saison sous ce statut de joueur vedette, Cabrera a été déclaré positif. Plutôt que d’assumer ses actions, il a tenté de cacher la vérité.

Il a depuis obtenu un contrat de deux ans et 16 millions de dollars de la part des Blue Jays et maintenant, alors qu’il s’apprête à tester le marché des joueurs autonomes à l’automne, il connaît un départ canon. Ses chiffres ressemblent énormément à ceux qu’il a présentés l’été où il a été suspendu.

Si vous pensez que c’est plus qu’une coïncidence et qu’il triche, c’est qu’il a mérité de telles présomptions. Bien que l’Association mérite beaucoup de crédit pour avoir augmenté la fréquence des tests antidopage et la sévérité des sanctions, le fait est que sous l’actuelle politique, le risque de se doper en vaut encore la chandelle.

Si Cabrera conclut la campagne avec de telles statistiques et aucun résultat positif, peut-être pourra-t-il aller chercher un contrat de trois ans et 30 M$ - sinon plus. S’il échoue encore à un test après la signature de ce nouveau contrat, il écopera une année de suspension en tant que récidiviste tout en conservant malgré tout le deux tiers de son salaire.

Imaginez un braqueur de banque qui se fait pincer, mais qui écope d’une période de probation sans peine de prison et qui peut conserver le deux tiers du magot… C’est la faille dans le système antidopage et elle ne sera pas réparée de sitôt parce que l’Association des joueurs ne veut pas permettre aux équipes d’annuler un contrat.

Dans une telle situation, il ne faudrait pas plaindre l’organisation impliquée. Elle a entre ses mains les mêmes informations que nous tous, peut-être même plus, et a tout de même décidé de faire un pacte avec le diable. Les Mets de New York ont accordé à Bartolo Colon une entente de deux ans et 20 M$ sachant qu’il est pourtant insensé qu’un joueur qui fêtera ses 41 ans dans 18 jours lance une meilleure balle rapide qu’il y a huit ans. Les Cardinals de St Louis, eux, ont consenti un contrat de quatre ans et 53 M$ à Jhonny Peralta durant l’hiver, soit après qu’il ait été pris en grippe pour son implication dans le scandale Biogenesis. Ils ont pris le risque que ses solides performances de 2013 n’étaient pas simplement dues à ce qu’il a consommé. Aujourd’hui, Peralta frappe pour ,232, dont sept circuits. Si le pari ne s’avère pas aussi payant que prévu, c’est qu’ils l’auront peut-être cherché.

Les autres joueurs ressentent plus que jamais de la colère et de l’hostilité envers ces tricheurs parce qu’ils ont tenté de voler de l’argent grâce à cette tactique malhonnête. Même si Cabrera approche ,400 de moyenne, certains joueurs admettront en privé qu’ils ne vont jamais voter pour lui sur l’équipe d’étoiles. Et Cabrera n’obtiendra probablement pas suffisamment de support de la part des amateurs non plus. Resterait à voir si John Farrell, le gérant des Red Sox, prendrait la difficile décision de l’intégrer sur sa liste de réserve.

Si Cabrera fait l’équipe, c’est qu’il l’aura mérité de par sa production. S’il est écarté, il l’aura là aussi mérité.