Chaque équipe qui a la prétention d’aspirer aux grands honneurs compte sur un partant avec les mots « as lanceur » tapissés sur lui. Les Dodgers ont Clayton Kershaw, les Yankees comptent sur Luis Severino et les Astros se fient sur Justin Verlander et Gerrit Cole chaque semaine.

Les Phillies, qui peuvent maintenant faire partie de ce groupe, sont menés par l’as droitier, Aaron Nola. Un lanceur de 25 ans, repêché et développé par les Phillies. Alex Agostino, recruteur québécois à l’emploi de Philadelphie, est bien aux faits de l’évolution du dossier de Nola.

Il faut d’abord savoir que le repêchage est complexe au baseball. Les exigences salariales du joueur, son choix de poursuivre des études universitaires ou d’accéder au baseball professionnel et la présence des agents complexifient le repêchage. Nola a été repêché en 22e ronde par les Blue Jays à sa sortie de l’école secondaire. Toronto a pris un risque sachant que Nola désirait entamer des études universitaires et être admissible à nouveau au repêchage quelques années plus tard.

Nola a donc été repêché à nouveau, en première ronde, à l’âge de 21 ans.

Agostino se rappelle que le choix de Nola en première ronde faisait consensus en 2014 au sein des Phillies.

« J’avais un oeil sur le lanceur Sean Newcomb qui faisait partie du territoire que je couvre. C’était un gaucher qui sortait de l’ordinaire. Il a été repêché un peu plus tard en première ronde, mais je n’avais pas de problème à voir les Phillies repêcher Nola, puisqu’il avait un excellent potentiel. J’étais bien d’accord, en fait. On voyait aussi que c’était une bonne personne. Ça compte lorsque vient le temps de repêcher un joueur. C’est un lanceur qui a choisi d’aller à l’université de sa région – Bâton Rouge en Louisiane – et qui voulait performer devant ses proches », explique Agostino.

En d’autres mots, ce Nola n’avait pas peur d’évoluer sous les projecteurs et de faire face à la pression.

Lorsqu’on analyse le repêchage de 2014, on constate que les seuls joueurs repêchés devant Nola qui ont une carrière établie dans les majeures sont le voltigeur Kyle Schwarber et le lanceur Carlos Rodon. Philadelphie a donc frappé un coup de circuit. Le genre de prises qui est essentiel aux succès d’une équipe, selon Agostino.

« Toutes les équipes vont se tromper, mais si tu veux faire partie des meilleures, tu dois mettre la main sur les joueurs qui peuvent changer ton organisation quand tu as l’occasion de les repêcher. Regarde ce que les Astros ont fait. Ils étaient parmi les pires équipes et ils ont repêché des joueurs comme George Springer, Alex Bregman et Carlos Correa », fait remarquer Agostino.

Si Philadelphie a jeté son dévolu sur Nola en première ronde, c’est qu’on le croyait capable d’évoluer dans le baseball majeur. On ne croyait pas nécessairement qu’il allait être finaliste au Cy-Young dès l’âge de 25 ans, avoue Agostino.

« Lorsque tu examines un joueur, tu fais sa projection. On voyait en Nola un style de lanceur partant numéro 3 qui pourrait être lanceur dans le baseball majeur durant de nombreuses années. Lorsque ce type de joueur est disponible, tu le repêches », dit-il.

Un moment stressant

Il n’y avait pas de doute sur le choix de Nola au 7e rang du repêchage de 2014. Restait donc à savoir si Nola allait être toujours disponible. Au fait, est-ce que les organisations du baseball majeur sont victimes de coulage d’information lors du repêchage?

« Il peut arriver que nous ayons une idée de ce que les équipes devant nous s’apprêtent à faire. Nous connaissons les recruteurs des autres organisations qui couvrent les mêmes régions que nous. Il y a aussi des agents qui essaient de faire la promotion de leurs clients en disant aux équipes qu’ils ne seront plus disponibles à leur rang de sélection. Ce n’est pas tout le temps le cas, donc il faut être attentif à la réalité », raconte Agostino.

Un plan accéléré

Puisque Nola a été repêché par les Phillies à l’âge de 21 ans, Philadelphie a dressé un plan qui l’amenait dans les majeures rapidement. Nola a exécuté ce plan à merveille, puisqu’il a effectué ses débuts lors de la saison suivante, en 2015, avec ses 13 premiers départs dans les majeures.

« Tu vois qu’il a dépassé nos attentes. Il a été dominant dans le baseball mineur et c’est à ce moment que nous nous sommes dit qu’il pouvait être encore plus qu’un troisième partant. Il l’a prouvé l’an dernier en était un des meilleurs des majeures. »

Nola a récolté 17 victoires et il a maintenu une moyenne de points mérités de 2,37, avec 224 retraits au bâton.

Benjamin Pelletier sur la voie de service

Le cas du voltigeur québécois, Benjamin Pelletier, est tout à fait différent de celui de Nola. Il serait injuste de comparer le potentiel de Pelletier à celui de Nola, un joueur au talent exceptionnel.

Pelletier est toutefois le plus jeune joueur repêché de l’histoire du baseball majeur.

Benjamin Pelletier« J’ai dû m’assurer que Pelletier était admissible au repêchage puisqu’il n’avait que 16 ans, se remémore Agostino, qui a suivi le parcours du Québécois bien avant son année de repêchage. Je me souviens même qu’Alex Anthopoulos – il était directeur général des Blue Jays de Toronto à ce moment – m’a contacté pour me demander si Pelletier était admissible. Je lui ai dit à la blague de faire ses devoirs lui-même. »

Le coup de bâton naturel de Benjamin Pelletier a été l’élément premier qui a servi Agostino pour convaincre ses employeurs de repêcher un joueur de 16 ans. Puisqu’à cet âge, on s’entend qu’on parle d’un développement à long terme.

« Je connais Benjamin depuis longtemps et peu importe son niveau, il sortait de l’ordinaire avec le naturel de son coup de bâton », détaille Agostino.

Pelletier a conduit durant environ 8 h pour effectuer quelques élans devant les dirigeants des Phillies qui voulaient voir ce dont était capable le jeune Québécois. N’en demeure pas moins qu’un trajet de 8 h en automobile pour frapper des balles pendant 10 minutes... c’est court.

Agostino a donc pris les moyens pour que Pelletier puisse rencontrer des joueurs comme Ryan Howard et Mikael Franco. Il a pu échanger avec eux et frapper quelques balles en leur compagnie. Les huit heures de voiture deviennent encore plus faciles à digérer, s’imagine-t-on.

Pelletier poursuit présentement son développement au niveau A, avec les BlueClaws de Lakewood. Le voltigeur a connu une bonne saison l’an dernier avec une moyenne au bâton de ,277 dans une saison écourtée au niveau A.