L’utilisation de lanceurs partants en relève. On l’a vu abondamment lors de la série de division entre les Nationals et les Dodgers. Dans le cas des Nationals, la stratégie a porté ses fruits. Patrick Corbin a été utilisé en relève à deux reprises. Max Scherzer et Stephen Strasburg ont aussi été appelés venir en renfort depuis l’enclos des releveurs. Puis les Nationals sont toujours en vie.

Dans le cas des Dodgers, on connaît tous le dénouement. Un des lanceurs les plus dominants de notre génération, un futur membre du Temple de la renommée, Clayton Kershaw a accordé deux circuits aux deux premiers frappeurs en huitième manche. Il a bousillé le travail de Walker Buehler, qui a connu tout un départ dans ce match ultime.

La photo de Clayton Kershaw, seul sur le banc dans l’abri des Dodgers illustre l’ampleur de la catastrophe pour les Dodgers. Le pari d’envoyer des lanceurs partants en relève refait surface ces derniers jours.

Phillippe Aumont a été utilisé en relève chez les Phillies et dans le baseball affilié. Il est utilisé comme lanceur partant dans la Ligue Can-Am, chez les Champions d’Ottawa. Il en connaît un bout sur la préparation d’avant-match qui diffère selon le rôle.

« Un lanceur partant fonctionne bien dans une routine. Il effectue toujours les mêmes choses avant un match et il a souvent l’impression d’avoir plus de contrôle dans une rencontre », explique-t-il.

C’est tout à fait l’inverse pour un releveur. « Il ne connaît pas le moment de son entrée dans le match et surtout, un lanceur de relève fonctionne avec l’adrénaline. On le voit quand on regarde Max Scherzer. Il est un lanceur partant, mais tu vois toute l’intensité dans ses yeux et tu vois qu’il carburait à l’adrénaline lorsqu’il a été appelé en relève. Ce n’est pas tous les lanceurs qui sont capables de se mettre dans un tel état d’esprit sur demande. C’est peut-être le cas de Clayton Kershaw. C’est difficile de voir sa routine changer et de performer quand tu n’as pas eu à le faire de cette façon tout au long de ta carrière. »

Perdant dans les deux sens

En plus de monter sur le monticule tous les cinq jours, Aumont dirige également les lanceurs des Champions. L’occasion était trop belle pour lui demander quelle aurait été sa décision s’il avait été à la place du gérant des Dodgers, Dave Roberts.

« J’avoue que j’ai été surpris de voir Kershaw revenir en huitième manche après avoir effectué le troisième retrait en septième manche. Je croyais qu’il avait été chercher le retrait au bâton et que les Dodgers allaient faire appel à leur relève, avec Kanley Jansen, qui est habitué à vivre cette pression. »

Aumont sympathise avec Roberts, puisqu’il était dans une position peu enviable. « Il allait se faire blâmer, peu importe sa décision si ce n’était pas la bonne. Si tu fais confiance à ton releveur, tu laisses ton plus gros salarié et ton lanceur le plus talentueux sur le banc. Sinon, tu es blâmé de ne pas avoir fait confiance à tes releveurs. »

Les insuccès en mémoire?

Est-ce qu’un athlète professionnel a une force mentale lui permettant d’oublier ses échecs précédents ou demeure-t-il avec lui au moment de la performance ? « Il y a seulement Kershaw qui peut répondre à cette question dans son cas personnel. Je me souviens toutefois que je me sentais imbattable dans certains stades ou face à certaines équipes. Dans d’autres cas, c’était le contraire. Après une contre-performance, tu te dis que « ce n’est pas grave. » Après deux, tu te dis que la prochaine fois sera la bonne, mais après trois ou quatre, tu finis par y penser et quand tu es sur le monticule, tu te souviens de ce qui est arrivé les dernières fois. »

Est-ce que Kershaw avait en mémoire ses insuccès en séries? Effectivement, seul lui peut y répondre. Ce que l’on sait, c’est que cette fois, il n’avait pas droit à l’erreur. « Habituellement, un lanceur partant qui donne un circuit en première manche se dit qu’il lui reste encore six ou sept manches pour se reprendre et qu’à partir du circuit accordé, il ne donnera plus rien. Lorsque Kershaw a accordé son circuit à Anthony Rendon, il savait qu’il n’avait plus droit à l’erreur. Il sait aussi ce qu’il représente chez les Dodgers et ce qu’il est censé faire pour faire gagner son équipe. Ça, c’est de la pression. Il va devoir trouver un moyen de tourner la page là-dessus et ça ne sera pas facile. Les prochaines semaines ne seront pas super amusantes pour lui. »