TORONTO - Prétendants logiques à une première conquête de la série mondiale en 23 ans, les Blue Jays sont maintenant à une défaite de la catastrophe. À un revers d’être balayés en trois petits matchs par les Rangers du Texas.

Comment expliquer pareil revirement de situation?

Certains imputeront une part du blâme à David Price qui, au lieu de propulser les Jays vers la victoire lors du premier match, a prolongé sa disette en séries.

D’autres pointeront du doigt l’arbitre Vic Carapazza et sa zone de prises à géométrie variable. « Il a fait de son mieux, mais s’il regarde le vidéo de la partie, il réalisera qu’il n’a pas connu son meilleur match. Par moments, j’étais frustré derrière le marbre. En saison régulière, je me serais sûrement fait expulser. Mais en raison de l’importance de la partie, il fallait que je me contienne », a indiqué Russell Martin qui, deux fois, a été victime d’un retrait sur décision de l’officiel au marbre.

« Ça arrive de commettre des erreurs. J’en ai moi-même commise une au cours du match. Mais on n’a pas perdu à cause de l’arbitre. On a eu des tonnes d’opportunités sans arriver à en profiter », a conclu le receveur québécois en réponse aux questions des journalistes qui l’entouraient dans le vestiaire des Jays.

Une grande majorité de fans se ralliera derrière une photo qui donne l’impression que le soulier à crampons droit de Rougned Odor avait quitté le deuxième but lorsque Troy Tulowitzki l’a touché avec son gant en début de 14e manche. L’arbitre du deuxième ne l’a pas vu de cet angle. Après l’appel logé par les Jays et la révision qui a suivi, sa décision a été maintenue.

Une conclusion logique et justifiée, car une fois la partisanerie mise de côté, personne ne peut jurer sur la tête de tous les saints du ciel que les images permettent de renverser la première décision. Oui ! On a l’impression que le crampon du côté droit de l’espadrille d’Odor ne touche plus au but. Mais qu’en est-il du crampon du côté gauche? Personne ne sait vraiment.

Peut-être que l’arbitre s’est trompé. Mais ce n’est certainement pas les reprises projetées sur l’écran géant au champ centre, les cris des fans des Jays qui scandaient « Out! Out! Out! » pendant la période de délibération ou la photo qui a fait déferlé sur tous les comptes Twitter des amateurs qui suivaient le match qui peuvent le prouver. Jose Bautista a soulevé un bon point cela dit après la rencontre. « J’ai vu ce que j’ai vu sur l’écran géant et il est évident que je crois qu’il était retiré. Je sais que ce n’est pas prévu dans le protocole, mais j’aimerais que les responsables de la révision, à New York, nous donnent une explication pour comprendre pourquoi ils ont maintenu la décision. »

Les Rangers meilleurs

Au lieu de crier au vol, il faudrait reconnaître quelques points importants qui expliquent mieux encore que le travail des arbitres la fâcheuse position dans laquelle les Jays se retrouvent.

Première raison : les Rangers forment une très bonne équipe de baseball. Sans Adrian Beltre, leur grande vedette, les Rangers ont joué du baseball de qualité. Autant en défensive, qu’à l’attaque et qu’au monticule. Pendant que les frappeurs des Jays ont passé le match de vendredi à chercher le circuit, ceux des Rangers se sont contentés de petits simples ici et là. Ils n’ont pas craché sur les buts sur balles. Ils ont eu recours à un coup retenu sacrifice et ils ont gagné.

Le gérant des Jays, John Gibbons, l’a clairement reconnu dans son analyse d’après-match : « Ils nous ont surclassés lors des deux premiers matchs. Ils ont été plus constants. Et non je ne suis pas surpris. On affronte une très bonne équipe, vous savez. »

Deuxième raison : Marcus Stroman a bien lancé vendredi après une première manche difficile. Une première qui aurait même pu être catastrophique n’eut été du brio défensif de Chris Colabello. Mais Cole Hamels, le partant des Rangers, a été aussi bon que Stroman. Peut-être meilleur. Tout comme Yovani Gallardo a été aussi bon, peut-être même meilleur, que David Price jeudi lors du premier match.

Et que dire de cette relève des Rangers. Une relève de manchots disaient plusieurs. Une relève qui permettrait aux Jays de défoncer les clôtures une fois sur la bute.

Eh bien non!

Après avoir marqué quatre points sur les six coups sûrs frappés aux dépens de Hamels lors des sept premières manches, les canons des Blue Jays se sont contentés de deux petits coups sûrs lors des sept manches suivantes. Les Jays ont été blanchis par les cinq « manchots » que le gérant Jeff Banister a ensuite envoyés au monticule.

La relève des Jays n’a pas été mauvaise. Non. Mais pendant que les releveurs des Rangers faisaient le travail, celle des Jays n’a pas été aussi impeccable.

Rougned qui?

Et il y a Rougned. Rougned Odor qui pas une, pas deux, pas trois, pas quatre, mais bien cinq fois jusqu’ici dans la série a croisé le marbre.

Odor a marqué cinq des 11 points des Rangers. Il s’est fait atteindre deux fois par des lancers de David Price pour atteindre le premier but jeudi. Il a aussi frappé un circuit. Pas mal pour un petit frappeur campé au huitième rang tout en bas de l’alignement.

Vendredi, c’est lui qui a amorcé la poussée victorieuse en début de 14e manche alors que sa vitesse lui a permis d’obtenir un simple à l’avant-champ. Après avoir joué avec le feu au deuxième, il a atteint le marbre sur un coup sûr au centre. Lorsque Odor a glissé sauf sous la mitaine de Russell Martin, le Rogers Centre s’est éteint.

Stupéfaits, les fans des Jays se sont tus. Ils n’avaient pas encore retrouvé la parole que Chris Gimenez croisait le marbre à son tour après un autre simple à l’avant-champ attribuable à la très grande vitesse des Rangers. Cette fois par le biais de Delino DeShields.

En plus de marquer cinq points en deux matchs et d’amorcer la séquence victorieuse en 14e, Rougned Odor a multiplié les bons jeux en défensive.

« Il y a des joueurs qui savent prendre les moyens pour faire le tour des buts. Des joueurs qui ne font rien de spectaculaire, mais accomplissent des jeux importants. Son catch à main nue pour mettre fin à la 12e manche – avec Dalton Pompey au troisième, Odor a capté un roulant pas commode de Ryan Goins avant de remettre au premier à temps pour le retrait – est un exemple parfait du type de joueur qu’il est. Il fait les bons jeux », assurait son gérant Jeff Banister après la rencontre.

Avec Delino Deshields – c’est bien le fils du Delino qui a amorcé sa carrière avec les Expos en 1990 – Rougned Odor est le joueur étoile des Rangers depuis le début de la série. Le joueur tout court. Il est le grand responsable du fait que les Rangers soient à une victoire de la série de championnat dans la Ligue américaine et les Jays à une défaite des vacances.

« On a eu le dos au mur comme ça souvent cette année et nous nous sommes relevés. On doit se remettre à jouer comme on l’a fait en remportant 11 victoires de suite en fin de saison. Mais il faudra prendre les matchs un à la fois », a conclu Russell Martin, qui affichait un brin d’optimisme dans le vestiaire des Jays où il n’en régnait pas beaucoup.

À la fin de la rencontre, lorsque Kevin Pillar s’est élancé dans le vide sur une troisième prise et que les amateurs se sont mis à marcher la tête basse en direction des sorties, l’annonceur maison a salué les partisans en leur donnant rendez-vous… bientôt. Comme si lui non plus n’avait pas assez la foi pour les convier à revenir au Rogers Centre, mercredi prochain, pour le cinquième et dernier match de la série.