Il est l’antithèse de Gary Carter. Timide, réservé, discret, Vladimir Guerrero a toujours fui les projecteurs comme la peste. Il en va de même des micros des journalistes. Mais lorsque vient le temps de jaser de ses années passées à Montréal, la gêne fait place à une plus grande loquacité.

« C’est à Montréal que j’ai réalisé mon rêve. Cet endroit restera toujours spécial à mes yeux », a confié Vladimir Guerrero lors d’un généreux entretien téléphonique avec le RDS.ca.

Près de 18 ans se sont écoulées depuis le premier rappel de ce frêle, mais prometteur voltigeur issu d’un petit village isolé au sud de la République dominicaine. Doté d’un indéniable talent brut pour le baseball, Guerrero était conscient qu’il ne devait pas laisser filer l’opportunité, offerte à lui, de jouer dans le baseball majeur. Il savait trop bien que les chances d’y parvenir sont éphémères.

Vladimir Guerrero« On ne pense pas arriver facilement au baseball majeur. C’est un objectif difficile à atteindre, mais grâce à Dieu, j’y ai évolué pendant plus de 15 ans. Ça me rend très heureux de replonger dans ces souvenirs », a insisté celui qui a endossé le numéro 27 tout au long de sa carrière.

Pour une génération d’amateurs de baseball, Guerrero a marqué l’histoire des Expos au même titre que le Kid. Jeune, fringant et au sommet de sa forme physique, le Dominicain personnifiait l’image que l’on se fait d’un "5-tool player". En sept saisons dans l’uniforme des Expos, Vlad a réécrit une bonne partie du livre des records de l’équipe. Il détient entre autres la marque du plus grand nombre de circuits avec 234 longues balles.

Au cours de sa prodigieuse carrière qui a pris fin officiellement en 2013, il a été sélectionné au sein de l'équipe d'étoiles à neuf reprises. Sa moyenne globale s'établit à ,318 avec 449 circuits et 1496 points produits. Il a également totalisé 1328 points marqués, 477 doubles et 181 buts volés. L'ancien voltigeur a aussi brillé en défense en épinglant 126 coureurs sur les buts, avec son bras puissant. Des chiffres impressionnants qui pourraient lui ouvrir les portes du Temple de la renommée à Cooperstown où il sera éligible dès 2017.

Un bon endroit pour commencer

Vladimir Guerrero est arrivé à Montréal dans un contexte très favorable en septembre 1996. Ne s’exprimant qu’en espagnol – comme c’est toujours le cas en 2014 – il a abouti au sein d’une formation qui comptait dans ses rangs plusieurs joueurs latins et sur Felipe Alou, un gérant provenant lui aussi du côté est de l’île d’Hispaniola. Deux atouts qui ont grandement facilité l’intégration de ce grand voltigeur qui n’avait rien d’exubérant.

Vladimir Guerrero« Lorsque je suis arrivé à Montréal, je me suis rapidement lié d’amitié avec Pedro Martinez, qui m’a pris sous son aile. Plus tard, Andres Galarraga m’a beaucoup aidé à devenir le frappeur redoutable que je suis devenu », a estimé Vlad, laissant savoir au passage que son titre de joueur le plus utile remporté en 2004 avec les Angels représente l’accomplissement dont il est le plus fier.

Le contexte économique dans lequel le Baseball majeur était plongé à l’époque faisait en sorte que les Expos devaient accorder leur confiance aux jeunes joueurs de l’organisation.

« Je me suis senti très confortable auprès de Felipe. Il m’a donné ma véritable chance », a-t-il enchaîné. « Peu importe si je me blessais, je savais que je ne retournerais pas dans les mineures. Felipe me laissait tout le temps nécessaire pour retrouver la forme afin que je retrouve ma position par la suite. Il me donnait l’occasion de jouer tous les jours et j'étais content. »

En sécurité

Montréal est principalement une ville de hockey où le Canadien monopolise presque entièrement l’attention médiatique. Les autres sports, comme le baseball, prennent moins de place et cette caractéristique propre à la métropole, Vlad l’a toujours apprécié. Il tenait à cette intimité que lui procurait Montréal.

« Les gens ont toujours été courtois avec moi. Je pouvais me promener dans la rue avec ma famille sans être importuné. J’appréciais cette sécurité », a indiqué l’homme aujourd’hui âgé de 39 ans. « Je sortais lors de mes journées de congé sans qu’il n’arrive jamais quoi que ce soit, ni avec les partisans ni avec les gens qui me croisaient. On me saluait, c’est tout. »

Vladimir Guerrero admet qu’il aurait aimé parler le français afin de communiquer plus fréquemment avec les partisans. Il affirme en revanche qu’il rencontrait beaucoup de personnes hispanophones dans les rues de Montréal, ce qui facilitait le contact.

« Les années que j’ai passées à Montréal, je me sentais heureux. Je pense que j’aimerais retourner là-bas. Je vais m’arranger pour y aller », a-t-il pris le temps de souligner.

Ville de baseball?

L’ancienne gloire des Expos voit avec beaucoup d’optimisme les efforts de Warren Cromartie et des autres regroupements qui travaillent d’arrache-pied pour un éventuel retour du baseball majeur à Montréal.

Vladimir GuerreroIl se réjouit du fait que le stade olympique ait accueilli plus de 96 000 spectateurs en mars dernier dans le cadre de deux matchs préparatoires des Blue Jays de Toronto.

« J’étais à Anaheim lorsqu’un de mes cousins qui habite Montréal m’a appelé pour me demander si j’avais l’intention d’y aller. Malheureusement, je n’ai pas pu », a laissé savoir Vladimir, l’organisation des Angels ayant décidé de l’honorer au même moment à Anaheim.

« Si les fans collaborent de la sorte, le baseball pourrait revenir : Montréal est une bonne ville pour ce sport. Pour ma part, je me suis rapidement senti à l’aise dans cette ville. Il y a plein de joueurs qui aimaient comment on vivait ici. Je crois que tout ça peut permettre le retour du baseball à Montréal »,a ajouté le jeune retraité.

Non, Vladimir Guerrero n’a pas oublié la ville où il a saisi sa première chance. Une fois tous ces souvenirs ressassés, au moment de mettre fin à un rare retour en arrière, il initie un geste de reconnaissance, puis un souhait. « Je voudrais envoyer des salutations aux gens de Montréal. J’espère y retourner un jour. »

Il ne restera qu’à lui lancer une invitation formelle.

*Cette entrevue a été possible grâce à la précieuse collaboration de Claudine Douville. La deuxième partie sera publiée vendredi.