La trace des Expos s'efface un peu plus, d'année en année. Le vieux stade Shea à New York, lieu de leur premier match il y a 40 ans aujourd'hui, a même cédé sa place au clinquant Citi Field, nouveau domicile des Mets cette saison.

Denis Poissant, Journal de Montréal, le 8 avril 2009

Que reste-t-il de nos Amours ? Des souvenirs, beaucoup pour certains, comme Jacques Doucet qui a fait rêver les amateurs de balle jusqu'à la fin des émissions, en 2004.

Sa voix calme ponctuée de silences évocateurs d'un coup d'éclat en devenir, a bercé nos soirées toutes ces années.

Pour lui, le 8 avril 1969 est une date impérissable, un trésor gravé à jamais dans son coeur.

«On avait l'impression de participer à quelque chose de grand», raconte celui qui travaillait alors dans la presse écrite.

«Tout était historique. Le premier coup sûr, le premier double, le premier coup de circuit. Imaginez, c'est le lanceur Dan McGinn qui avait frappé le premier coup de circuit de l'histoire des Expos, contre Tom Seaver, un jeune lanceur dont on ne savait pas encore qu'il allait connaître une si grande carrière.»

Le maire Jean Drapeau était présent, en compagnie du président John McHale et de l'actionnaire principal Charles Bronfman, à la cérémonie du lancer inaugural, rappelle-t-il.

«Le rêve de tous les amateurs se réalisait. L'engouement pour le baseball était très, très fort à cette époque. Les journaux en parlaient beaucoup, même avant l'arrivée des Expos.»

Le plus beau sport
Jacques Doucet a toujours un amour inconditionnel pour le baseball, malgré la valse des millions, l'ère des stéroïdes et la flopée de stars tombées de leur piédestal. Pour lui, ce sport reste le plus beau, le plus poétique, et le flambeau de la passion se passera d'une génération à l'autre, espère-t-il.

Il rappelle que Baseball Québec a connu, l'an dernier, une première augmentation de son membership en 15 ans. La mort annoncée du baseball ne s'est jamais matérialisée. Plusieurs jeunes Québécois cognent à la porte des majeures, et l'exemple d'un Russell Martin a le potentiel de servir de catalyseur à la jeunesse qui pousse. «Par contre, plusieurs ne savent pas vraiment c'est quoi, ce sport, depuis le départ des Expos.»

«J'aimerais bien que la ligue Can-Am vienne s'installer à Montréal ou en banlieue pour redonner le goût du baseball aux jeunes amateurs.»

Mémoire infaillible
Que reste-t-il de nos Amours ? Des flashs. Moi, c'est la merveilleuse période de la fin des années 1970, quand un petit gars de huit ans pouvait se rendre au Stade à vélo avec son lunch sous le bras, et obtenir une place dans les estrades populaires pour 1 $. Et rêver de championnat en encourageant à pleins poumons les Carter, Dawson, Raines et compagnie.

D'autres, comme Doucet, ont tout vu, tout vécu. Une question débouche sur mille réponses. «Je suis chanceux, l'Alzheimer ne m'a pas encore frappé, lance-t-il. Quand je raconte une histoire, parfois les gens sont sceptiques et vérifient, pour se rendre compte que j'avais raison. C'est encourageant !»

Le 8 avril 1969 ? Dites un nom, une manche, n'importe quoi, Doucet commente de sa voix unique, évoquant les Maury Wills, Gary Sutherland, Mack Jones, et les chouchous des Montréalais, Rusty Staub et Coco Laboy, chacun auteur d'un circuit en huitième manche lors du premier match. Ce Laboy allait devenir la recrue de 29 ans la plus populaire de l'histoire du baseball.

Ce jour-là, les Amours ont battu les Mets qui allaient remporter la Série mondiale contre toute attente , à l'automne.

Les Expos voguaient vers une victoire assez facile de 11-6, en neuvième manche, quand le lanceur Don Shaw s'est mis à cafouiller. Il a donné quatre points aux Mets avant d'être relevé par Carroll Sembera, avec deux retraits. Celui-ci a tiré l'équipe du pétrin et enregistré le premier sauvetage de l'histoire.

«On a réalisé qu'un match de baseball, ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini», confie Doucet, qui allait devenir un pionnier dans la description du baseball en français.

Histoire d'amour
Les Expos ont fini la saison avec une fiche de 52-110. Ceux qui ont vécu cette saison de baseball vous diront que ce rendement médiocre n'avait aucune importance.

Une histoire d'amour était née entre un public et une équipe. Trente-six saisons de grands bonheurs, de petits malheurs, de chances ratées. Mais surtout, de beaux souvenirs pour toute une vie.

Cela avait commencé le 8 avril 1969. Non, le temps n'a pas encore effacé tout à fait la trace de nos Amours.

Jacques Doucet entamera une quatrième saison à la description des matchs des Capitales de la ligue Can-Am, à Québec. «Ça m'a donné une deuxième vie, dit-il. On a au moins six Québécois sur 20 joueurs, et ils s'impliquent beaucoup dans la communauté.»

L'ancien descripteur des matchs des Expos travaille avec Marc Robitaille, auteur du scénario du film Un été sans point ni coup sûr, sur un livre (le premier de deux volumes) relatant l'histoire des Expos, qui sortira à l'automne. «Je voulais qu'il y ait un document qui reste à travers les âges pour témoigner qu'il y a eu une équipe de baseball à Montréal... et qu'on l'a perdue.» Cela devrait s'intituler : Il était une fois... les Expos.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault, collaborateur au site Internet de Baseball Québec.