Alors qu’une tempête de neige attaque le Québec depuis mardi, un déferlement d’un tout autre genre s’apprête à submerger nos voisins du sud cette semaine. L’édition 2017 du March Madness est déjà (enfin!) parmi nous. En ce qui me concerne, aucun événement sportif ne se compare à la Folie de mars, comme l’appellerait si bien notre ami François-Étienne Corbin. C’est d’ailleurs ma plus récente visite à « Faîtes vos Jeux » qui m’a inspiré l’approche de la chronique d’aujourd’hui.

NCAA : Un autre « March Madness » à nos portes!

Ce serait bien beau de consacrer mon texte d’aujourd’hui à des prédictions ultra précises du genre « Middle Tennessee a causé une énorme surprise en 2016 en éliminant Michigan State de façon fracassante au premier tour alors qu’ils étaient classés 15es dans leur région. Cette année, ils ont acquis notre respect, ils sont classés 12es, ils ont une équipe semblable à celle de 2016 et ils viendront à bout de Minnesota en première ronde. » Il s’agit d’une belle analyse propre et lucide, mais ça n’aidera pas beaucoup à piquer votre intérêt ni votre curiosité envers l’évènement dans son ensemble. Vous êtes plusieurs comme François-Étienne à vous intéresser de façon minime à la saison régulière du basket NCAA et c’est bien normal.

Le texte ci-dessous a donc comme mission de résumer les histoires et les enjeux importants en vue des trois prochaines semaines. Et de vous aider à remplir votre tableau de prédictions tout en vous incitant à regarder quelques matchs.

Le champion en titre, encore du solide

En 2016, les Wildcats de Villanova ont remporté le deuxième titre March Madness de leur histoire, 31 ans après leur premier. On a d’ailleurs eu droit à une des finales les plus percutantes et une des fins de match les plus mémorables de l’illustre histoire de l’évènement.

Répéter en tant que champion de ce rendez-vous annuel est excessivement difficile. Depuis 1974, ça s’est produit à deux reprises seulement. À mon avis, Villanova a plusieurs atouts pour y arriver. Leur fiche de 31-3 cette saison est grandement attribuable à la progression de deux joueurs qui figuraient parmi les pierres angulaires de l’édition championne de 2016 : Josh Hart et Kris Jenkins. Hart est un des leaders par excellence au pays et Jenkins est l’homme aux veines de glace qui a réussi le tir victorieux face à UNC en avril dernier. Les deux en seront à leurs dernières armes universitaires et vendront chèrement leur peau. Leur tableau est relativement favorable dans la région de l’Est. Il y a cependant un rival de renom qui les guette potentiellement au « Elite Eight »…

Duke – l’énigme suprême

Les Blue Devils de Duke sont classés 2es dans l’Est. Et pourtant, plusieurs experts (et quelques maisons de paris de Las Vegas) favorisent la troupe de Mike Krzyzewski pour rafler les grands honneurs une fois de plus cette année. C’est assurément l’équipe que Villanova ne voulait pas retrouver dans sa portion de tableau. Duke a amorcé l’année classée au tout premier rang aux États-Unis et regroupe autant de talent brut dans ses rangs que n’importe quel autre aspirant. En raison de multiples blessures, des sautes d’humeur répétées de Grayson Allen et de l’absence de Coach K lui-même pendant sept matchs en janvier, leur saison régulière s’est avérée bien plus pénible que prévu avec sept défaites en 18 matchs pour commencer la nouvelle année. Mais le bateau a été récemment remis à flot, tel que démontré avec quatre victoires en quatre jours contre des rivaux de taille la semaine dernière en route vers un titre de champion du tournoi ACC. Une finale de l’Est opposant Villanova et Duke le 26 mars au Madison Square Garden s’annonce probable et serait tout simplement fascinante. Allen et Jayson Tatum sont les athlètes les plus polarisants du groupe, mais leur joueur clé selon moi est Luke Kennard. C’est un garde de 6’6, de deuxième année, qui a été le roc de l’équipe pendant les multiples embûches cette saison. Il est capable de tout faire et ses coéquipiers se fient sur lui.

La blessure crève-cœur

Dans le tableau du Mid-Ouest, il y a une histoire qui ressort assurément du lot. À « Faîtes vos Jeux » vendredi dernier, je mentionnais que j’avais un penchant envers les Ducks d’Oregon pour potentiellement gagner le tournoi. J’apprécie non seulement leur équilibre collectif mais surtout leur expérience et leur soif d’aller un peu plus loin que l’an dernier. De plus, comment ne pas être charmé par « le contenu canadien » de cette équipe? Leur meilleur joueur est un Ontarien de 21 ans du nom de Dillon Brooks. À ses côtés dans le cinq partant, on retrouve un garde torontois de 25 ans du nom de Dylan Ennis (frère de Tyler). Et pour couronner le tout, il y a le Québécois de 24 ans nommé Chris Boucher. L’histoire de Boucher est maintenant bien documentée. J’ai rédigé un long article à son sujet il y a quelques mois et j’anticipais avec fébrilité le voir goûter au March Madness pour la dernière fois. Accéder au Final Four en 2017 était son objectif avoué, voire même son rêve. Eh bien voilà que vendredi soir, sans même s’en rendre compte sur le coup, Chris s’est déchiré le ligament croisé du genou droit. Un cauchemar pour tout joueur de basket. Sa saison est terminée. Sa carrière universitaire aussi. Il vivra le March Madness habillé en civil et aura un parcours encore plus ardu que prévu à négocier dans le but de se bâtir une carrière professionnelle dans les prochaines années (dans la NBA ou ailleurs). Ma déception fut vive quand j’ai appris la nouvelle. La communauté basket du Québec tout entière te supporte pour la suite des choses, Chris.

Dans l’immédiat, Oregon doit trouver une façon de s’en remettre. Rapidement. Tous les experts qui les voyaient aller loin se sont soudainement refroidis à l’idée et les voient même être éliminés lors de la première fin de semaine. Je ne suis pas du même avis. Oui, Boucher était leur troisième meilleur marqueur et leur athlète le plus prolifique pour bloquer des tirs. Oui, leur profondeur sera mise à rude épreuve et la rotation de Dana Altman devra être modifiée. Mais ils sont capables de faire un bout de chemin sans lui quand même et les statistiques avancées nous disent que l’absence de Boucher sur le terrain cette saison nuisait de façon minime au rendement collectif. Bref, pour toutes ces raisons, et parce que Kansas et Louisville (no 1 et no 2 dans le Mid-Ouest) ont terminé leur saison régulière respective avec des défaites inquiétantes, je me mouille en vous disant que je place quand même Oregon au Final Four. Je les vois se souder davantage face à l’adversité du moment.

Enfin l’année des Zags?

Mark Few est arrivé à l’Université Gonzaga en 1989, alors âgé de 26 ans seulement. Pendant 10 saisons, il agira comme assistant pour ce petit programme obscur du nord-ouest (basé à Spokane, État de Washington) qui commencera une lente mais irrésistible ascension vers les sommets de la division 1. En 1999, quelques semaines après une saison épique où l’équipe aura remporté 28 matchs et accédé au « Elite Eight », il est nommé successeur à Dan Monson en tant qu’entraîneur-chef. Depuis ce temps, les Zags sont devenus une référence sur la scène nationale avec une fiche phénoménale de 498 victoires et 112 défaites. Un taux de victoire de 81,6 %! Le seul bémol à cette épopée de 17 saisons? L’absence d’une participation au Final Four. Et ce, même s’ils ont été classés dans le top-4 de leur portion de tableau à sept reprises. Est-ce enfin la bonne? Je crois que oui. Ils ont beaucoup de talent et de profondeur. Ils ont de gros bonshommes à l’intérieur. Ils sont étanches défensivement avec des athlètes polyvalents. Ils sont assoiffés de succès. Nigel Williams-Goss est un garde de premier ordre. Et Few est un des meilleurs au pays pour obtenir le maximum de ses troupes. Est-ce un choix partiellement émotif de ma part? Possiblement. Mais à mon avis purement rationnel, il n’y a qu’Arizona qui a le talent dans l’Ouest pour les sortir. Et les Zags sont venus à bout assez aisément d’Arizona, en terrain neutre, le 3 décembre dernier. Ils auront la confiance nécessaire pour y arriver à nouveau.

La portion de tableau « glamour »

Les résidents de la ville de Memphis ont sauté de joie lors du dévoilement du tableau dimanche soir. Et pourtant, pour une troisième année de suite, l’Université Memphis ne participe même pas au tournoi. Leur bonheur est attribuable à la présence potentielle de trois programmes légendaires dans leur ville lors de la deuxième fin de semaine de la compétition. Les Tar Heels de North Carolina, dirigés par Roy Williams; les Wildcats de Kentucky, menés par John Calipari; et les Bruins de UCLA, entraînés par Steve Alford. Ils arrivent respectivement aux 5e, 2e et 1er rangs au chapitre des titres nationaux remportés avec un total collectif de 24 trophées. Une brochette de luxe! Bien malin est celui qui arrivera à prédire le club qui sera couronné roi de la montagne dans cette région. Les Tar Heels ont encore sur le cœur leur dramatique défaite en finale 2016. Ils ont perdu quelques éléments clés de cette édition mais regorgent de profondeur et de joueurs d’expérience en mesure d’attaquer le panier avec aisance. À l’instar de UNC, Kentucky présente un visage jeune mais ultra-talentueux, comme à chaque année. Malik Monk est probablement le marqueur le plus naturel dans le tournoi et son complice De’Aaron Fox s’affiche comme le meneur de jeu le plus rapide/explosif. Quant à UCLA, c’est mon choix pour battre les deux aspirants ci-haut et accéder au Final Four. J’adore la vision et la présence de leur garde vedette, Lonzo Ball. Ses aptitudes de « showman » me laissent croire qu’il lèvera son jeu d’un autre cran sous les réflecteurs de l’ultime tournoi. Leur défense m’inquiète un peu mais leur attaque collective m’apparaît quasi impossible à arrêter. Du basket mémorable à prévoir les 24 et 26 mars au Tennessee.

Les vedettes de demain, à surveiller aujourd’hui

Parlant de Malik Monk et Lonzo Ball, ils figurent en tête de la liste de joueurs qui évolueront au March Madness 2017 et (fort probablement) dès novembre prochain parmi les recrues à découvrir dans la NBA. En voici quatre autres dignes de mention :

Jayson Tatum, ailier, Duke : On parlait de lui comme le meilleur « freshman » au pays avant le début de la saison. Mais il a été sérieusement ralenti par une blessure au pied et son éclosion s’est fait attendre. Depuis le 15 février toutefois, avec une moyenne de 19 points par match, il se révèle comme le joueur qu’on attendait et comme un choix top-3 du prochain repêchage. Le meilleur des quatre ou cinq futurs joueurs NBA à la disposition actuelle de Coach K. Comparatif NBA : Carmelo Anthony/Rudy Gay.

Lauri Markkanen, avant/centre, Arizona : Âgé de 19 ans seulement, ce Finlandais d’origine décidera comment loin il veut que les Wildcats de Sean Miller progressent dans le tournoi. Mesurant 7 pieds, à sa première (et seule) saison dans le désert, le gentil géant a connu une saison qui aura dépassé toutes les attentes du programme avec huit sorties de plus de 20 points et seulement cinq de moins de 10 points. Son style s’apparente à celui de Kristaps Porzingis avec les Knicks. Il n’est pas particulièrement physique ni robuste, mais sa touche de balle est sublime et son tir est impossible à bloquer. Comparatif NBA : Porzingis/Ryan Anderson.

Josh Jackson, garde/ailier, Kansas : Voici un autre joueur de première année qui aura pulvérisé les attentes à son endroit en étant ultra productif et régulier match après match. Jackson est un ailier de 6’8, 210 livres qui arrive à s’imposer un peu partout sur le terrain. Il est explosif et possède le physique de l’emploi. Sa seule faiblesse sur le terrain est son tir de l’extérieur, mais cette facette de son jeu s’est améliorée chaque semaine cette saison. Autre élément à surveiller : il a été suspendu par son entraîneur Bill Self lors du match d’ouverture du tournoi de l’Association Big 12 la semaine dernière pour quelques problèmes hors terrain. Rien de majeur, mais des pépins supposément récurrents cette saison. Il sera disponible en fin de semaine et devra se racheter auprès de ses coéquipiers, ainsi que les dépisteurs de la NBA. Les Jayhawks ont d’ailleurs été vaincus par TCU, une équipe plutôt médiocre, lors du match en question raté par Jackson. Ça vous démontre son importance aux succès de l’équipe. Comparatif NBA : Kawhi Leonard.

Jonathan Isaac, ailier, Florida State: Il s’agit d’une valeur un peu plus méconnue que les autres dans cette liste. Certes, Isaac joue dans le très relevé ACC et n’est pas passé sous le radar cette saison. Mais on a parlé de cet ailier de 6 pieds 10 pouces, âgé de 19 ans, beaucoup moins que d’autres en 2016-2017. Pourtant, plusieurs dépisteurs adorent son talent brut en le comparant favorablement à tous les autres espoirs mentionnés précédemment dans cet article. Il est athlétique, polyvalent, possède de très longs bras et traverse le terrain comme une gazelle. Son tir de l’extérieur est fluide et son potentiel offensif apparaît illimité. Comparatif NBA : Kevin Durant/Rashard Lewis.

Vous voulez des surprises?

Bon, c’est bien beau toutes ces informations… mais vous voulez probablement un peu d’aide pour remplir vos tableaux en choisissant quelques surprises au premier tour. Idéalement les bonnes. Alors je me lance en ciblant quatre duels névralgiques. Si je me trompe, soyez indulgents à mon égard…

**Middle Tennessee (no 12) battra Minnesota (no 5) dans le Sud. Pour les raisons énumérées en début de chronique. Je vois même ces Blue Raiders accéder au Sweet 16 en battant ensuite le gagnant du duel Butler/Winthrop.

**Wichita State (no 10) battra Dayton (no 7) dans le Sud. Un choix populaire en raison du fait que les Shockers devraient être classés plus haut que leur rang attribué par le comité de sélection. Ils sont déjà allés à la guerre et le tournoi ne les intimide aucunement.

**UNC Wilmington (no 12) battra Virginia (no 5) dans l’Est. Les Seahawks marquent en moyenne 85 points par match, ce qui leur octroie le 10e rang (sur 351). Les Cavaliers de Virginia en marquent seulement 66, ce qui les place au 311e rang national. Évidemment, c’est un argument un plus simpliste et ça ne veut pas dire que la marque finale sera 85 à 66. La défense des Cavaliers est une des plus étanches aux États-Unis encore cette année. Mais je crois que leurs problèmes fréquents du périmètre et leur mauvaise fin de saison (fiche de 6-7 depuis le 29 janvier) viendront les hanter au pire moment.

**Xavier (no 11) battra Maryland (no 6) dans l’Ouest. Les Terrapins de Maryland sont menés par l’excellent Melo Trimble ainsi que l’Ontarien de première année Justin Jackson. Ils sont talentueux mais très jeunes alors que trois de leurs quatre meilleurs marqueurs sont des recrues n’ayant jamais vécu le tournoi. Ce sera trop en demander cette année face à une équipe très expérimentée et combative de Xavier.

Final Four – un premier jet

Si vous avez été attentifs, et que je suis conséquent dans mes propos, vous aurez donc déduit que le Final Four de mon tableau de prédictions sera composé de Duke, Gonzaga, Oregon et UCLA. Trois équipes de la côte Ouest et un champion éternel. Les chances que les quatre équipes me donnent raison sont plutôt faibles. Mais à quoi bon serait ce guide de survie du March Madness 2017 si je ne prenais pas quelques risques bien calculés tout en vous informant un peu?

En vous souhaitant la meilleure chance dans vos pools, je vous rappelle que les festivités débutent jeudi à midi. Et je vous retrouverai avec plaisir avant chaque nouvelle fin de semaine en vous offrant une nouvelle chronique sur le RDS.ca.