Samedi dernier, TMZ a publié un enregistrement auditif dans lequel le propriétaire des Clippers de Los Angeles, Donald Sterling, a émis des propos racistes sur Magic Johnson et les Afro-Américains. Ces propos ont été tenus dans le cadre d'une dispute entre Sterling et sa petite amie, V. Stiviano. Au cours des derniers jours, les dirigeants de la NBA ont mené leur enquête sur cet enregistrement et ils ont dévoilé leurs conclusions lors d’une conférence de presse mardi.

D’abord, récapitulons ce qui s’est produit jusqu’à maintenant dans le présent dossier. Au préalable, la NBA devait valider l'authenticité de cet enregistrement auditif et s’assurer qu’il n’avait pas été altéré. Il importe de mentionner que V. Stiviano est la partie défenderesse dans une poursuite instituée par la famille Sterling alléguant qu'elle leur aurait détourné plus de 1,8 million $. D’ailleurs, plusieurs croyaient que la teneur de cet enregistrement était discutable en raison de cette poursuite. Comme TMZ était en possession de la version originale de cet enregistrement, la NBA ne pouvait signifier un subpoena (citation à comparaître) ou y annexé un duces tecum, sans consentement, ni autorisation du Tribunal pour la contraindre à lui remettre cet enregistrement.

Fondamentalement, la NBA doit veiller à ce que toutes ses équipes se comportent dans le respect des droits et libertés des personnes. Aux États-Unis, comme ici, il y a des dispositions légales qui interdisent aux entreprises privées de faire de la discrimination fondée sur la race. En l’espèce, il s’agit d’une opinion personnelle émise par Sterling et elle ne reflète pas forcément celle des Clippers. Les remarques de Sterling ont toutefois été jugées préoccupantes par la ligue.

Décision de la NBA

Au terme de son enquête, la NBA a suspendu Sterling à vie et lui a imposé une amende de 2,5 millions $ US. Bien entendu, une amende de 2,5 millions $ peut sembler anodine sachant que Sterling vaut 1,9 milliard $. Néanmoins, il s’agit de l’amende la plus élevée qui est autorisée par la ligue. L’amende n’est pas surprenante, mais la suspension à vie l’est un peu plus. Bannir Sterling à vie de la NBA est une sanction très sévère qui créera un précédent. Il importe de comprendre que la NBA peut suspendre un propriétaire, mais qu’elle n’avait jamais utilisé ce pouvoir jusqu’à maintenant. À ce titre, il existe l'article 35 de la Constitution de la NBA, lequel permet au commissaire de suspendre les propriétaires pour toute conduite préjudiciable à la ligue. Par ailleurs, l’article 24 (1) de la constitution de la NBA octroie au commissaire le pouvoir d'imposer toute sanction qu'il juge appropriée en cas d’une inconduite qui n'est pas expressément couverte par ladite constitution.

Qui plus est, le commissaire de la NBA, Adam Silver, a recommandé que les propriétaires de la NBA forcent efficacement Sterling à vendre les Clippers. Il s’agit cependant d’une portion un peu plus nébuleuse du dossier. Le problème est que les statuts de la NBA n’ont pas de base légale suffisamment contraignante qui permettrait à la ligue de retirer à Sterling son droit de propriété auprès des Clippers. Les règlements de la NBA permettent à la ligue de destituer un propriétaire, mais seulement dans des circonstances circonscrites. Selon l'article 13 de la Constitution, pour forcer la vente, l'approbation des autres propriétaires de la ligue est nécessaire par plus du trois quart des voix. Or, les situations énumérées concernent principalement des inconduites financières et aucune d’entre elles ne s’applique directement à Sterling. Cela dit, l’article 13 prévoit une disposition sur la conduite éthique en affaires, laquelle Sterling a potentiellement enfreint en tenant des propos racistes. Quant au vote, il est évident qu’aucun propriétaire ne va défendre les remarques racistes de Sterling, mais il est possible que certains d’entre eux se questionnent sur la légitimité de l’article 13 en ce qu’il n’est pas spécifiquement conçu pour la conduite que Sterling a enfreint. Cela dit, cette disposition est très vague et n’accorde pas pour autant le droit à la NBA de forcer un propriétaire à vendre son équipe.

Dans un autre ordre d’idées, il appert que Sterling a admis que sa voix était bel et bien celle qui apparaissait sur l’enregistrement. Il faut comprendre qu’en Californie, enregistrer volontairement une conversation confidentielle sans le consentement d’un participant constitue une infraction criminelle. En revanche, les victimes d’un enregistrement illégal peuvent intenter des poursuites civiles en réclamation de dommages et intérêts. Cela dit, il ne faut pas oublier que TMZ est une entreprise médiatique détenant une liberté d'expression et de presse assez étendue. Il n’en demeure pas moins qu’elle pourrait être poursuivie pour avoir publié des informations confidentielles s’il est démontré qu’elle l’a fait sans droit. De ce fait, si la conversation était confidentielle et que Sterling n'y avait pas donné son consentement, il est possible que cet enregistrement soit qualifié d’illégal. Malgré tout, le commissaire pourrait sanctionner Sterling en raison de l'impact négatif que cet enregistrement a eu sur la ligue. Notons entre autres la perte d’importants commanditaires, les joueurs qui ont boycotté les matchs et même le président Barack Obama qui est intervenu dans ce scandale.

Si toutefois il est forcé de vendre son équipe, Sterling pourrait aussi répliquer avec une poursuite alléguant que les propriétaires de la ligue ont agi illégalement. Il est possible que Sterling prétende que la ligue a violé des clauses de non-concurrence prévues à son contrat de travail. Sterling pourrait également instituer une poursuite en alléguant que sa sanction est disproportionnée.

Rappelons-nous toutefois que Sterling est un avocat de formation qui a la réputation d’être très litigieux dans la gestion de ses affaires personnelles. Dans une telle optique, il ne serait pas étonnant de le voir répliquer sous peu.