L’article apparu il y a deux semaines sur ESPN.com fait encore parler. Cette histoire datant de 2013 où Stephen Curry, membre des Warriors de Golden State de la NBA, et son équipe de gestion comprenant son agent et son père Dell Curry se préparaient à rencontrer les représentants de Nike à Oakland afin de négocier une nouvelle entente commerciale pour Steph avec la plus grande marque sportive au monde.

Connaissant bien l’univers de la NBA en raison de nombreuses années passées à New York et en Europe, je voulais vous relater un peu d’histoire sur l’industrie de la chaussure sportive. J’ai bien vécu et apprécié les années glorieuses de Michael Jordan et des Bulls de Chicago. C’était à cette époque que nous avons été témoins du summum des ententes commerciales entre les manufacturiers de chaussures de basket et les grands joueurs de la NBA.

Ceci remonte aux années 1970 avec Julius Irving, le célèbre « Dr. J » des 76ers de Philadelphie, et évidemment Larry Bird et Magic Johnson qui sont arrivés ensemble un peu plus tard dans la ligue soit en 1979. Ces trois joueurs légendaires portaient tous des souliers de marque Converse, et de ce fait, les jeunes des quatre coins de l’Amérique étaient fiers de porter les leurs. Y compris un jeune joueur évoluant au niveau universitaire  pour les Tar Heels de North Carolina de la NCAA. Ce jeune joueur était nul autre que Michael Jordan. 

Jordan portait les souliers de marque Converse parce que son entraîneur à North Carolina, Dean Smith, avait lui-même une entente commerciale avec eux. Mais lorsque Jordan fit son entrée dans la NBA, il rêvait de s’entendre avec adidas. Malheureusement pour lui, adidas avait de sérieux problèmes organisationnels à ce moment, alors Jordan, à la demande de Dean Smith, rencontra de nouveau Converse. La rencontre fut positive jusqu’à ce que Jordan leur posa deux questions critiques : où allait-il le positionner dans la mise en marché tenant compte de la présence de joueurs comme Irving, Bird et Johnson? Et qu’envisageaient-ils comme innovation pour la marque Converse?

Converse n’avait pas de réponses pour Michael Jordan, et comme on dit, « the rest is history ». Jordan signa une entente de cinq ans avec Nike quelques mois plus tard à raison de 500 000 $ par année, et les Air Jordans firent leur apparition dans notre société en 1984.

Nike avait vu ses ventes mondiales gonfler de 28 millions $ par année en 1974 à 867 millions $ également par année en 1983. Mais le 15 octobre 1984, Nike introduisait la nouvelle chaussure, Air Jordan I, et en une année, les ventes de cette chaussure totalisèrent 100 millions $.

Tout ceci a atteint un niveau gigantesque avec la venue de David J. Stern comme nouveau commissaire de la NBA au même moment que l’arrivée dans la ligue de Michael Jordan. Stern, avocat de profession, fut un grand visionnaire du sport mondial, et également un génie marketing qui maîtrisait absolument tous les aspects des affaires du sport. Ce duo aura permis à la NBA de s’élever dans une stratosphère unique sur la planète, en particulier grâce aux exploits de Jordan et de son règne de sportif le plus connu au monde. Plus tard, soit en 1997, Nike a repositionné les Air Jordans en tant que catalyseurs d’une toute nouvelle marque, une sous-division de Nike, appelé The Jordan Brand.

Sautons presque 20 ans et nous nous retrouvons aujourd’hui en 2016. Selon ESPN, Nike domine cette industrie aujourd’hui avec près de 74 % des joueurs de la NBA, et 95,5 % du marché de la chaussure de basketball dans le monde. LeBron James possède un contrat à vie valant plus de 500 millions selon USA Today, et Kobe Bryant, Kevin Durant, Kahwi Leonard, ainsi que plusieurs autres vedettes portent également des Nike dans la NBA. 

Mais pas Steph Curry.

Celui qui est largement considéré comme le meilleur joueur de basketball au monde porte des Under Armour. Curry, champion en titre en 2015 avec les Warriors, joueur le plus utile à son équipe la saison dernière et encore favori cette saison, et surtout, leader incontesté des Warriors, détenteurs de la meilleure fiche de la ligue avec 69 victoires contre seulement 9 défaites, qui pourchassent actuellement le record absolu des Bulls de Chicago de 72-10 établi en 1995-1996.

À son arrivée dans la NBA en 2009, Curry portait des Nike. Mais dans cette rencontre de négociation en 2013, Nike l’a tout simplement échappé. Et Under Armour l’a mis sous contrat. Apparemment, Steph Curry ne semblait pas être une priorité pour Nike, qui refusait de lui donner son propre camp de basketball pour jeunes à son nom. Curry avait grandi en rêvant à ce privilège, ayant lui-même pris part aux camps de ses joueurs favoris de la NBA comme Chris Paul des Clippers de Los Angeles. Mais Nike n’avait pas porté attention aux intérêts du jeune Curry, et il décida de quitter l’organisation suprême pour s’en aller vers Under Armour qui cherchait son pilier marketing pour préparer son entrée dans le monde du basketball. Outre Curry, Under Armour possède aussi les droits sur une des grandes vedettes du golf de la PGA, soit Jordan Spieth. Les succès de Spieth en 2015 auront permis à Under Armour de devenir une marque mondiale dans les affaires du golf. 

Steph Curry est actuellement en route vers l’une des meilleures saisons de l’histoire de la NBA. On le considère déjà, à juste titre, comme le meilleur tireur de l’histoire de la ligue.  Ce n’est pas peu dire quand on pense aux meilleurs marqueurs de la ligue depuis 1946. Il a fracassé son propre record de tirs à trois points dans une saison, établi l’an dernier avec 286 en 82 matchs. Il en a déjà 382 avec encore quatre matchs à jouer.

Pour Under Armour, l’arrivée de Curry avec l’équipementier sportif signifie une valorisation boursière énorme. L’impact exclusif de Curry pour l’entreprise est estimé à plus de 14 milliards $ selon ESPN. Âgé de seulement 28 ans, l’avenir de Steph Curry est inestimable. Les Warriors pourraient devenir les prochains Bulls de Chicago tellement ils sont dominants, et Curry est en voie de changer la façon de jouer au basketball. Il influence les jeunes partout au monde. Il est relativement petit dans la NBA à 1,95 m, mais il drible, tire et manipule le ballon comme personne auparavant. Ce qu’il fait fondamentalement, c’est donner espoir aux jeunes du monde entier en leur prouvant qu’ils peuvent pratiquer le basketball, et même exceller, sans mesurer 2,10 m. Et dire que pour une entente annuelle valant autour de 5 millions $ et un peu d’attention, il serait encore chez Nike. Leur erreur a été d’avoir complètement sous-estimé le talent et le potentiel de Steph Curry, comme les grandes universités américaines comme Duke, North Carolina, Kentucky, Louisville et Kansas qui ont tous jugé que Curry ne méritait pas une place et une bourse sportive avec leurs institutions. Le petit collège de Davidson en Caroline l’a récupéré en 2006, et comme on dit, « the rest is history ».