MONTRÉAL - Samuel Dalembert est fatigué. Les Rockets de Houston ont disputé dix matchs en 17 jours depuis le début du mois de février et au lendemain d'une défaite contre les Timberwolves du Minnesota, l'entraîneur Kevin McHale vient de convier ses ouailles à un entraînement de trois heures.

Les joueurs de la NBA savaient que le calendrier de la saison 2011-12, amputé de ses deux premiers mois en raison du lock-out qui a paralysé les activités du circuit pendant tout l'automne, ne leur laisserait aucun répit. Chaque jour, Dalembert est confronté à de nouveaux exemples de cette réalité.

À l'orée de la pause du match des étoiles, le nouveau joueur de centre des Rockets ne voit pas le jour où il aura l'occasion de souffler un peu. Quelques jours de vacances dans un paradis exotique sont un luxe qu'il ne peut se permettre pour l'instant. Un week-end pour décrocher et jouer au touriste dans sa nouvelle ville pourrait aussi être bien, mais c'est une autre option qui devra attendre.

Pour la courte trêve de mi-saison, les ambitions de Dalembert relèvent davantage de la nécessité que du caprice. "Je retourne chez moi en Floride. J'ai besoin de vêtements!"

Pour le seul joueur d'origine haïtienne à évoluer dans la NBA, cette dixième campagne dans les rangs professionnels en est une d'adaptation. Embauché par les Rockets à une semaine du début de la saison après l'échec de négociations médiatisées qui visaient à amener Pau Gasol à Houston, Dalembert est débarqué au Texas à la hâte avec des bagages assez modestes pour être transportés par les mains qui lui ont permis d'aspirer les rebonds pendant huit années à Philadelphie et une autre à Sacramento.

"En ce moment, j'habite à l'hôtel et je vais aux matchs à pied, racontait Dalembert à RDS en fin de semaine. La saison est courte, c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de faire ça. Le temps de trouver un endroit et de le meubler, ça aurait déjà été le temps de partir, alors..."

Celui qui a passé une partie de son adolescence à Montréal semble prendre la vie un jour à la fois. Le contrat qui le lie aux Rockets expirera à la fin de la saison, après quoi l'équipe aura l'option de retenir ses services pour une autre année.

"C'est une business, alors on verra ce qui va arriver, mais j'aime ça ici, c'est une très bonne organisation. J'ai joué à Philadelphie, où les amateurs et les médias n'entendent pas à rire! À Houston, c'est un peu différent. Si tu fais ce que tu as à faire, tout va bien. Les gens sont un peu moins exigeants", raconte Dalembert dans un français impeccable, bien qu'entrecoupé de "you know", "yeah" et autres béquilles empruntées à la langue de Shakespeare.

Les attentes moins élevées des partisans s'expliquent peut-être par l'ampleur du défi qui s'offre à leur équipe à chaque année. Depuis la saison 1998-99, le championnat de la NBA a été remporté dix fois par une équipe de l'Association Ouest, dont cinq par les Spurs de San Antonio et les Mavericks de Dallas, des rivaux de division - et voisins texans - des Rockets.

"Jouer dans l'Ouest, c'est très différent. Dans l'Est, avec une fiche comme la nôtre, on serait deuxième ou troisième, mais ici ce n'est rien", confirme Dalembert en exagérant un brin.

"Notre calendrier était vraiment difficile au début de la saison. On a rencontré sept ou huit équipes qui avaient participé aux séries l'année précédente, la plupart du temps à l'étranger. Présentement, c'est important de profiter de nos occasions à la maison parce qu'après la pause, il ne nous restera que 15 matchs à domicile."

À la recherche d'une stabilité perdue

Après un début de carrière sous le signe de la stabilité, Dalembert a été frappé par la réalité du sport professionnel contemporain, endossant deux nouveaux uniformes en l'espace de deux ans.

Le géant de 6 pieds 11 pouces, qui aura 31 ans au mois de mai, faisait partie des meubles chez les 76ers de Philadelphie, qui en avaient fait leur choix de première ronde en 2001. À chacune de ses quatre dernières saisons dans la ville de l'amour fraternel, il a pris part aux 82 matchs de l'équipe et n'en a amorcé que deux sur le banc. Il a affiché une moyenne de plus de dix points par match à deux reprises en plus d'apporter son importante contribution en défensive.

Puis sa brève expérience avec les Kings de Sacramento l'a laissé sur son appétit. En uniforme pour 80 rencontres, il n'a été utilisé dans le rôle de partant qu'à 46 reprises.

"On me demandait de contrôler la défensive, mais on me faisait jouer pendant 23 minutes. Ce n'est même pas la moitié d'un match. Il faut jouer pour produire des résultats. Dans les 25 derniers matchs de la saison, on m'a fait jouer et ça a fait une différence. Je contrôlais la clé, je prenais des rebonds... c'est ce que je sais faire le mieux. Mais les gens veulent que tu changes un match en 15 ou 20 minutes. Ça ne peut pas arriver, ce n'est jamais arrivé. C'était ça mon problème à Sacramento."

La saison morte est arrivée et la direction des Kings s'est montrée aussi ambivalente avec Dalembert que ne l'était le personnel d'entraîneurs. Pendant toute la durée des négociations, l'ancien élève de l'école secondaire Lucien-Pagé, dans le quartier Villeray, a senti qu'on souhaitait seulement son retour si on ne parvenait pas à trouver mieux.

"Au début, ils disaient qu'ils me voulaient, mais leurs agissements me donnaient l'impression contraire. On me demandait de revenir, on changeait d'idée et ainsi de suite. En fait, ils sont partis à la recherche d'un joueur moins coûteux et quand ça n'a pas fonctionné, ils sont revenus me voir. C'est correct, ça fait partie de la business, mais à un moment donné j'ai décidé moi aussi de regarder ailleurs."

Et finalement, Dalembert a été le plan B d'une autre équipe. "Moi, je trouve que rien n'arrive pour rien. C'est bien ici et on verra bien ce qui arrivera."

Un feu de paille à New York?

Avant que Dalembert ne débarque à Houston pour écrire le prochain chapitre de sa carrière, un jeune meneur de jeu à la recherche d'un emploi est allé se donner en démonstration devant l'état-major des Rockets. Un essai comme on en accorde à des dizaines de joueurs au cours d'une année et qui, cette fois-là, n'a convaincu personne de la nécessité d'ajouter de la profondeur à l'effectif de l'organisation.

Dalembert n'a donc jamais eu l'occasion de rencontrer celui qui aurait pu devenir son coéquipier, mais il est bien au courant de son identité. Vous vivez vraiment sur une autre planète depuis deux semaines si vous n'avez pas encore entendu parler de Jeremy Lin.

"C'est une très belle histoire, concède le Québécois d'adoption. J'ai déjà vu des choses du genre depuis le début de ma carrière, mais pas de cette magnitude."

Avec Kyle Lowry et Kevin Martin, les Rockets sont plutôt bien nantis à la position de garde et leurs dirigeants ont probablement d'autres chats à fouetter que de se ronger les ongles en se demandant ce qui aurait bien pu arriver s'ils avaient mis le grappin sur le rejet des Warriors de Golden State. C'est du moins le cas de Dalembert, qui n'est pas encore convaincu que Lin soit la réincarnation de Mark Jackson chez les Knicks de New York.

"On va voir si ça va durer... C'est la NBA mon gars, les équipes s'ajustent rapidement! Au mois de janvier, tout allait bien et on a gagné sept matchs de suite, mais nos adversaires ont commencé à nous étudier, à observer ce qu'on faisait de bien et on a ralenti un peu."

"C'est la même chose avec Jeremy Lin. Ça peut marcher pendant deux ou trois semaines, mais un jour ou l'autre, les Knicks devront se réinventer. Et si ça continue, eh bien je leur lèverai mon chapeau."