RDS présentera plusieurs matchs des séries éliminatoires de la NBA, dont tous ceux des Raptors de Toronto et de la série finale, du 14 avril à la mi-juin.

Mon appréciation générale de LeBron James a changé à quelques reprises au fil des ans. J’ai entendu son nom pour la première fois en 2002 alors qu’il n’était pas encore âgé de 18 ans. Il figurait sur la page couverture du réputé Sports Illustrated et son nom circulait de plus en plus sur internet, à une époque où les médias sociaux n’étaient pas encore tout à fait ce qu’ils sont aujourd’hui.

On faisait l’éloge d’un jeune prodige du ballon rond natif de l’Ohio. On nous décrivait un spécimen physique qui allait potentiellement révolutionner le basketball tel qu’on le connaissait. Rien de moins. Pour une des premières fois de son histoire, le réseau ESPN avait décidé de présenter des rencontres d’école secondaire en direct, dans le but d’être les premiers à nous faire découvrir le futur King. Tout ça me paraissait très exagéré… jusqu’à ce que je le vois à l’œuvre pour la première fois. Il était définitivement un homme parmi des enfants. Il avait déjà l’air d’un joueur de la NBA. En fait, il avait la carrure d’un secondeur au football professionnel, mais avec l’agilité et le talent brut d’une étoile de basket en devenir. Comme si on l’avait développé dans un laboratoire.

Tout ceci était inspirant et impressionnant, mais semblait trop beau pour être vrai. Encore plus quand l’équipe de son enfance, les piteux Cavaliers, héritèrent comme par magie de la possibilité de le repêcher. On s’attendait maintenant à ce qu’il offre à Cleveland le premier titre de son histoire… sans oublier de transformer la NBA dans son ensemble au passage. Rien que ça. À sa première saison, il a permis aux Cavs de remporter 18 matchs de plus que l’année précédente tout en récoltant 21 points, 6 rebonds et 5 aides par soir. À sa deuxième année, on rajouta un autre 7 gains et 6 points par match à sa contribution. Puis en 2005-2006, il a mené Cleveland à la deuxième ronde des séries pour la première fois en 13 saisons. Les attentes irréalistes à son égard étaient en voie d’être réalisées.

LeBron aura ainsi fait la pluie et le beau temps à Cleveland de 2003 à 2010 avec le bilan global suivant : 

Fiche en saison régulière : 349 victoires et 225 défaites
Titre de recrue de l’année et deux fois joueur le plus utile de la ligue
Rondes remportées en séries : 8
Présences en finale : 1
Trophées : 0

Il s’agissait d’un palmarès impressionnant, mais pas époustouflant. Il était maintenant âgé de 25 ans et croyait de plus en plus que ses chances d’accumuler des trophées s’amélioreraient sous d’autres cieux. Il a pris alors la décision audacieuse de quitter son Ohio chéri et ses fans pour le chaud soleil de Miami. Il y a joint ses amis Dwyane Wade et Chris Bosh pour former la nouvelle « super-équipe » de la planète. Il était évidemment dans son droit de faire ce choix de carrière, mais disons simplement que « la décision » ne fut pas accueillie chaleureusement aux quatre coins de l’Amérique. Par les partisans tout comme les médias (moi le premier). Surtout quand on se rappelle la façon qu’il avait annoncé le tout publiquement : en direct au réseau ESPN, en se donnant lui-même une importance exagérée aux allures présidentielles. Tout avait l’air faux et forcé. Il a d’ailleurs affirmé quelques années plus tard qu’il aurait dû faire les choses différemment, avec une dose additionnelle de maturité.

Bref, le mal était fait et le Heat était maintenant perçu comme le club de vilains de la NBA. Leur partenariat floridien durera finalement le temps de quatre saisons productives, pendant lesquelles Miami a participé à la grande finale de façon systématique. LeBron caressera le trophée ultime pour les deux premières fois de sa carrière, rajoutant quelques cordes supplémentaires et significatives à son arc.

Il faut maintenant rappeler un élément crucial qui a toujours fait partie de la texture et de la « marque » King James : son image est très contrôlée et chaque décision qui pourrait affecter sa perception publique est mesurée au millimètre près. Son entourage et lui n’avaient eu d’autre choix que d’accepter à quel point son exode vers Miami avait été mal présentée et mal reçue. Il fallait arriver à se racheter d’une façon quelconque. Accumuler des trophées à Miami n’allait pas entièrement résoudre ce problème. Et quitter pour une autre nouvelle ville sexy, comme Los Angeles ou New York, ne serait pas mieux. La meilleure façon de rapatrier du capital de sympathie serait de rentrer, sobrement cette fois, au bercail. Le public serait assurément surpris et fort probablement charmé de l’apprendre. Et en plus, les Cavs avaient été pitoyables en son absence et commençaient à accumuler plusieurs bons jeunes morceaux du casse-tête. C’était une décision gagnante sur toute la ligne. Il pouvait se refaire des amis tout en gonflant son futur CV lui permettant d’accéder au Temple de la Renommée.

Vous connaissez la suite… Cleveland a accédé à la finale à chacune des trois saisons depuis son retour, tout en raflant le premier trophée de la ville tout entière depuis belle lurette en 2016. Les années à Miami sont maintenant chose du passé. Ce qui nous amène à la fascinante saison en cours. J’appréhendais un LeBron potentiellement désinvesti cette année alors que son contrat vient à échéance dans quelques mois. Sans oublier le départ pour Boston de son acolyte Kyrie Irving l’été dernier. Bien que les siens aient traversé vents et marées, surtout en janvier-février, le King était là pour braver la tempête et garder le bateau à flots. Et soudainement, avec la blessure à Kyrie et un certain fléchissement récent des Raptors, il semblerait que l’Est passera par Cleveland une fois de plus.

La morale de ce récit, et le but de cet article au départ, c’était d’arriver à la conclusion suivante : LeBron James est un monstre. Un réel phénomène de la nature. Lui et Tom Brady défient toutes les lois de l’évolution humaine présentement. Leur âge augmente et devrait les pousser de plus en plus proche de le retraite (surtout Brady), mais leur productivité ne ralentit pas du tout. On dirait même qu’ils s’améliorent avec le temps, ce qui n’est pas normal quand on a 15 saisons et près de 1400 matchs dans le corps (comme c’est le cas pour LeBron). Son style de jeu et son gabarit lui font encaisser des chocs match après match, et il n’a pourtant raté qu’un grand total de 87 rencontres en 15 ans. Un véritable monument indestructible.

Ses chiffres en 2017-2018 servent d’appui idéal à ce que j’avance. Voici ses statistiques principales, avec le rang où il se situe en comparaison aux 14 saisons précédentes :

Points par match : 27,5 (5e meilleure saison sur 15)
Aides : 9,2 (1er rang)
Rebonds : 8,7 (1er rang)
« Triple-doubles » : 18 (1er rang)
Efficacité du périmètre : 54,3 % (3e rang)
Efficacité de 3 points : 36,4 % (3e rang)

Si vous croyez qu’il ralentit d’une façon quelconque, vous avez sans doute la berlue. Il est le joueur le plus complet de sa génération, ayant réussi à peaufiner une nouvelle facette de son jeu chaque saison ou presque. Et les gens qui l’entourent sont unanimes : c’est un des athlètes les plus dévoués à sa santé physique et son bien-être personnel dans l’histoire du sport. Il a des thérapeutes qui l’entourent et s’occupent de lui 365 jours par année. Et il fait sa part en étant dans un gymnase quelconque à tous les jours sans exception. Son but est de devenir un des athlètes les plus accomplis, tout sport confondus, dans l’ère moderne. La grande question est donc : est-il déjà le plus grand joueur de l’histoire de la NBA?

Dans mon esprit, il est no 2 derrière Michael Jordan. Ce qui permet à Jordan de se démarquer encore à ce jour, c’est le fait qu’il ait accédé à la grande finale à six reprises, remportant chacune d’elle haut la main. Mener son club à une fiche de 6-0 en finale, c’est presque de l’inédit. Seul l’ancien Celtic, le grand Bill Russell, peut dire qu’il a fait mieux. LeBron a déjà 8 finales à son actif, mais sa fiche de 3-5 est loin d’être idéale. Ça nous dit qu’il manque souvent un petit quelque chose à son équipe quand l’enjeu atteint son paroxysme. Ce n’est évidemment pas toujours de sa faute, mais j’ai toujours cru que la volonté de vaincre de MJ était à ce point plus forte et que rien n’allait l’empêcher de triompher. Dans le cas du King, je me garde une petite gêne à cet égard. Veut-il gagner? Assurément. Mais la longévité et l’image publique ont aussi une place importante dans son univers.

LeBron gagnera-t-il le titre de joueur le plus utile cette saison? Cet honneur reviendra probablement à James Harden. Où jouera le King la saison prochaine? Aucune idée. Mais a-t-on présentement le privilège de voir à l’œuvre un des deux meilleurs joueurs de l’histoire… aussi dominant soir après soir, saison après saison… absolument! Et je suggère que nous profitions de chaque instant.