Kawhi Leonard l’étoile filante
NBA dimanche, 7 juil. 2019. 16:35 samedi, 14 déc. 2024. 07:58J’écris ces quelques lignes en un magnifique dimanche, le 7 juillet, et je dois l’avouer, je suis en lendemain de veille. Pourtant, mes lèvres n’ont pas effleuré une seule goutte d’alcool hier. Il s’agit d’un lendemain de veille purement sportif de nature, alors que je suis encore (comme plusieurs Canadiens sans doute) un peu étourdi par les événements vécus hier. Kawhi Leonard, tout comme une étoile filante, n’aura fait que passer dans nos vies et notre imaginaire avant de partir à tout jamais. Prenons quelques minutes pour dégriser ensemble si vous le voulez bien...
L’analogie de l’étoile filante peut vous sembler un peu quétaine et ce serait légitime comme perspective. Je n’ai d’ailleurs jamais prétendu être le Molière du sport... Mais pensez-y bien quelques secondes et vous serez peut-être de mon avis. Quand on capte du regard une rare étoile filante, que se dit-on? Qu’on vient de vivre une expérience magnifique, et tout aussi éphémère. Qu’il s’agira peut-être de la dernière en son genre qu’on apercevra et qu’on se compte chanceux d’avoir été témoin du phénomène. Tout simplement. Eh bien je choisirais les mêmes mots pour décrire le passage de Kawhi à Toronto du 18 juillet 2018 au 6 juillet 2019. Douze mois magiques, historiques, mémorables... et déjà chose du passé. Il aura galvanisé une nation assoiffée de reconnaissance et de succès sur la scène nord-américaine, puis aura donné son trois semaines d’avis avant son départ.
Vous avez envie d’être fâché contre lui? De lui reprocher un manque de loyauté envers une organisation et une ville qui lui a tout donné pendant la saison? De trouver que les joueurs de la NBA ont actuellement trop de pouvoir quand vient le temps de dicter leur avenir? C’est votre droit. Mais soyons francs : en quittant les Raptors pour les Clippers en fin de semaine, Kawhi Leonard n’a absolument rien fait de mal. Pour la première fois de sa vie professionnelle, il bénéficiait de l’autonomie complète lui permettant de choisir son prochain club. Il a tout simplement opté pour un retour au bercail. De plus, les Raptors savaient très bien dans quoi ils s’embarquaient en juillet dernier quand ils ont fait son acquisition. Masai Ujiri roulait alors les dés de façon calculée. Il se débarrassait d’abord d’un gros contrat en DeMar DeRozan. Et d’un joueur qui n’allait probablement jamais le mener aux plus hauts sommets. Et il tentait sa chance avec une vedette énigmatique au bilan de santé flou et risqué. Sans oublier que ce joueur était en fin de contrat et avait exprimé un désir de se joindre tôt ou tard à un gros marché, préférablement en Californie.
Selon moi, quatre scénarios se dessinaient alors dans l’univers « We the North » pour la saison 2018-2019 :
- Kawhi n’a pas tant envie de se joindre aux Raptors, fait le minimum, rate plusieurs matchs, mène l’équipe en séries mais le parcours ne fait pas long feu et il part après la saison
- Kawhi est 100 % investi dans le projet pour un an, mène les Raptors en 2e ou 3e ronde et part après la saison
- Kawhi polarise le club, tout tombe en place, les Raptors atteignent la finale, bénéficient d’un peu de chance et le trophée se déplace au Canada pour la première fois. Kawhi part quand même après la saison.
- Kawhi domine les séries et gagne le titre à Toronto. Il tombe en amour avec la ville et l’organisation, change ses plans et décide de rester à Toronto à court, moyen ou long terme.
On aura finalement eu droit au scénario no 3. Et le no 4 est passé bien près de se réaliser. Soyons honnêtes, ça relève presque du conte de fées tout ça.
Croyez-vous donc que le pari en a valu le coup finalement pour Ujiri? Même pour une seule saison. Euh... poser la question à ce point, c’est y répondre. Il s’agira de la transaction la plus marquante et la plus payante à court terme dans l’histoire de la NBA. Kawhi a pris les Raptors en main... une équipe qui n’arrivait jamais à atteindre la grande finale... et les aura transformés en champions de façon quasi instantanée! Rien de moins. Ce titre, il restera gravé à jamais dans les annales du sport professionnel canadien. Juste pour cette raison, Kawhi aura sa statue devant l’amphithéâtre un jour. Et verra peut-être même son numéro se faire retirer.
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Les Raptors ont une question fondamentale à se poser : tiennent-ils absolument à défendre leur titre à tout prix avec le reste du noyau encore en place? Ou préfèrent-ils amorcer l’inévitable reconstruction dès maintenant? Masai Ujiri est prêt à exécuter les deux scénarios sans problème. Ce sera probablement aux propriétaires de MLSE de trancher. Si on tient à rester compétitif, on tentera d’échanger les contrats à court terme de Marc Gasol/Kyle Lowry/Serge Ibaka contre des contrats volumineux de joueurs vedettes. Si on préfère se repositionner avantageusement à moyen terme, on va garder Pascal Siakam, Fred VanVleet et OG Anunoby comme base et on va échanger le trio Gasol/Lowry/Ibaka contre des choix et/ou des jeunes.
Les Lakers eux sont amèrement déçus du choix de Kawhi car ils étaient à un cheveu de réunir un des trios le plus percutants de l’histoire de la NBA. Maintenant, ce sera Anthony Davis, LeBron James et un paquet d’acteurs de soutien au potentiel très limité. Si la santé est au rendez-vous pour leur duo, ils feront partie des dix clubs prétendants aux grands honneurs cette saison. Mais leur candidature n’est plus en haut de la pile à mon sens.
Quant aux Clippers, je suis de l’avis qu’ils ont fait ce qu’ils avaient à faire dans le contexte. Quand le clan de Kawhi leur a dit « on va signer avec vous si vous obtenez Paul George du Thunder », ils savaient que le prix à payer allait s’avérer exorbitant. Sam Presti, le DG pour OKC, avait toutes les cartes dans son jeu. Il possédait le seul atout que reluquaient les Clippers et il n’était pas vraiment dans l’obligation de conclure une transaction si celle-ci n’était pas à son goût. La facture finale fut sans précédent : le garde canadien Shai Gilgeous-Alexander (probablement un futur all-star) + le solide Danilo Gallinari + quatre choix de premier tour non protégés + un choix protégé + 2 pick swaps potentiels. Tout ça en échange d’un bonhomme de 29 ans avec une blessure majeure dans son CV, et des problèmes d’épaules la saison passée.
C’est payé cher, mais je l’aurais fait à leur place. Premièrement, il faut le voir comme le prix requis pour faire l’acquisition à long terme de 2 des 12 meilleurs joueurs de la ligue, pas seulement George. Deuxièmement, ils seront quand même beaucoup mieux entourés dans leur vestiaire du Staples Center que LBJ et AD dans l’autre. Avec des acteurs de soutien de qualité comme Lou Williams, Patrick Beverley, Landry Shamet, Rodney McGruder, Montrezl Harrell, Maurice Harkless et Ivica Zubac, ils seront coriaces en défense et équilibrés en attaque. En date de ce matin, n’en déplaise à mon collègue Peter Yannopoulos, c’est le club que je favoriserais légèrement pour remporter l’Association Ouest devant les Lakers, les Nuggets, les Blazers, le Jazz, les Rockets, les Warriors, les Mavericks et les Pelicans.
Et quant à la NBA dans son ensemble, je crois qu’elle demeure gagnante de la folie des sept derniers jours. La médiatisation du circuit est plus forte que jamais. Le niveau d’excitation douze mois par année est inégalé par les autres circuits majeurs. Et avec la blessure de Thompson, le départ de Kevin Durant vers l’Est et le fait que Kawhi n’ait pas créé de trio infernal en doré, la parité sera plus forte que jamais en 2019-2020. Je crois qu’une dizaine de clubs pourront légitimement commencer la saison avec des aspirations réelles de tout rafler. Ce qui n’était pas le cas depuis quelques années maintenant.
Sur ce, je vous souhaite un bel été. Au plaisir de se retrouver dans quelques mois!