Quelle ligue de requins cette NBA des temps modernes! Une journée, vous êtes au sommet de la montagne. Le lendemain, votre équipe n’est plus de calibre. Les réalités évoluent à la vitesse de l’éclair. Les meilleures organisations sont celles qui trouvent des solutions rapidement. Tu t’adaptes ou tu meurs. Tout simplement.

Les Raptors de Toronto représentent un bel exemple de ces montagnes russes. Il y a deux ans à peine, ils étaient sacrés champions de l’univers. Un an plus tard, ils défendaient vaillamment leur titre en s’inclinant au septième match d'une série de deuxième ronde face aux Celtics. La saison suivante aura ensuite servi de claque en plein visage au mouvement We The North et ses fidèles. Ils auront d’abord été expulsés de leur pays et relocalisés en Floride. La COVID s’est mise de la partie, menant à un effondrement total et une séquence décourageante de défaites. En fin de saison, l’objectif était devenu de perdre le plus souvent possible pour améliorer son sort au repêchage. Difficile de s’enthousiasmer pour la suite.

De plus, les gros noms devenus immortels dans la ville Reine quittaient un à un et les partisans auront eu quelques deuils à faire en cours de saison. Le 25 mars dernier représentait le Jour J qui semblait mener aux départs de Kyle Lowry et Norman Powell, deux des Raptors les plus populaires de leur histoire. Powell fut envoyé en Oregon, mais les adieux officiels de « K-Lo » se firent attendre. Masai Ujiri n’aimait pas les offres reçues et refusait de se débarrasser de son plus grand ambassadeur pour une bouchée de pain. On se doutait que la fin était proche. Mais celle-ci n’était pas encore arrivée.

Ce n’est que la semaine dernière que le chapitre le plus glorieux de l’histoire de la concession fut finalement bouclé. Kyle Lowry évoluera à Miami la saison prochaine. Comme je le mentionnais dans mon article de mars dernier, il s’agit d’une séparation dure à excepter émotivement, mais plutôt logique sur le plan rationnel.

En ce sens, voici mon analyse des cinq plus grosses histoires dans l’univers des Raptors depuis environ un mois. Une période phare qui nous en dira long sur la suite des événements.

Neuf saisons inoubliables

La saison régulière débutera le 19 octobre prochain et Kyle Lowry portera alors l’uniforme du Heat. Ce sera très étrange comme scène. Quand « K-Lo » a initialement débarqué en Ontario en juillet 2012, on pourrait le qualifier de pseudo-inconnu dans la NBA. Les passionnés savaient qu’il avait été prolifique dans la NCAA avec Villanova. Et qu’il avait ensuite connu quelques saisons potables avec Memphis et Houston. Mais personne ne voyait en lui beaucoup plus qu’un réserviste avec une bonne dose de ténacité et de leadership.

La suite de sa carrière aura donc été d’une ascension bouleversante et inhabituelle. Rares sont les joueurs de basket qui commencent à devenir des vedettes à partir de 27 ans. Encore plus rares sont ceux qui deviennent alors le moteur d’une concession championne de la NBA. Neuf saisons plus tard, Kyle Lowry a sans contredit le C.V. le plus étoffé de l’histoire du club et sera un Raptor à vie. C’est lui qui le dit.

Tout ceci étant dit, ma raison dit que Masai Ujiri et Bobby Webster (le DG) ont bien fait de ne pas lui avoir offert un contrat de 3 ans et 85 millions garantis pour le garder à tout prix. Vaut mieux laisser un rival de l’Est signer ce chèque. Pas parce qu’il ne rendra pas de fiers services au Heat pendant un bout de temps. Mais parce qu’il aura 38 ans à la fin de ce pacte et que l’odomètre physique commence à être usé dans son cas. Il rate de plus en plus de matchs depuis deux ans et les petits bobos s’accumulent. Il y a assurément un prix à payer quand on mesure à peine 6 pieds et qu’on mène la ligue pour les charges offensives provoquées année après année.

Miami veut gagner maintenant. Toronto veut gagner dans deux ou trois ans. Valait mieux souhaiter bonne chance à Kyle dans ce contexte. De plus, les Raptors ont évité le scénario catastrophe et ne l’ont pas perdu pour rien au final. Le « sign and trade » orchestré avec Miami a permis d’obtenir le centre prometteur Precious Achiuwa et le vétéran garde Goran Dragic. Achiuwa obtiendra une réelle chance de devenir un joueur d’impact à Toronto alors que Dragic débutera au minimum la saison au Canada. Avec une seule saison à écouler sur son contrat, il pourra être facilement échangé à la première occasion intéressante.

Le parrain préserve son trône

Le deuxième dossier crucial de l’été? Le retour ou départ potentiel du grand gourou des Raptors, Masai Ujiri. Il avait laissé planer le doute quant à son avenir depuis au moins un an alors que son contrat venait à échéance. On savait qu’il allait être courtisé par un paquet d’organisations plus en vue et les partisans torontois craignaient de plus en plus son départ. Évidemment, c’est difficile de prévoir ou quantifier la perte d’un membre de l’état-major vu qu’il ne tentera jamais un seul tir en direction d’un panier pendant un vrai match. Mais je suis très confiant quand je vous dis que son exil après huit ans dans la Ville Reine aurait été problématique et significatif. Avant Masai, les Raptors n’étaient pas pris au sérieux aux quatre coins de la NBA. Autant par les autres directeurs généraux que par les joueurs et joueurs autonomes. Sa prestance et ses sages décisions au fil des ans ont transformé la perception générale du club. Ils étaient le sympathique petit frère avec les gilets de dinosaures. Ils sont maintenant un des dix clubs les mieux gérés du circuit. Il fallait que Masai Ujiri demeure. Il demeure ainsi le grand patron pour quelques saisons.

Un choix audacieux

Le 22 juin dernier, lors de la loterie annuelle de la NBA, les Raptors frappaient partiellement le gros lot. Alors que les probabilités statistiques leur octroyaient le 8e rang au repêchage annuel, les balles de ping-pong leur réservaient une sympathique surprise. Ils obtenaient finalement le 4e rang de sélection dans un encan où quatre joueurs ressortaient en apparence du lot : Cade Cunningham, Jalen Green, Evan Mobley et Jalen Suggs. Ils s’assuraient donc d’en obtenir un des quatre et chacun semblait bien cadrer dans le programme des Raptors pour différentes raisons. Mais plus le repêchage du 29 juillet approchait, plus les rumeurs s’intensifiaient que Toronto avait l’œil sur un certain ailier de Florida State du nom de Scottie Barnes devant l’excellent Jalen Suggs de Gonzaga.

Et coup de théâtre, les rumeurs se sont avérées vraies. Toronto a parié gros en optant pour Barnes aux dépens de Suggs. L’avenir nous dira si la décision fut la bonne. Voici ce que vous devez savoir sur le nouveau venu. Il mesure 6 pieds 9 pouces, mais ses longs bras donnent l’impression qu’il dépasse 7 pieds. Il est excellent défensivement et peut essentiellement défendre toutes les positions. Son tir du périmètre laisse présentement à désirer, mais les fondations sont assez solides. Il suffira d’y mettre les bouchées doubles en pratique. Il a appris à être initiateur d’attaque et meneur de jeu à ses heures. Et il est doté d’un charisme fou, d'un leadership hors norme et d’une soif de vaincre démesurée. Les Raptors croient qu’il sera un atout de taille à long terme et je commence à comprendre un peu mieux leur approche.

Reste que Suggs pourrait devenir très bon également et que le jeu des comparaisons sera inévitable lors des prochaines saisons.

« Spicy P » devra se prouver

Que dire de plus sur Pascal Siakam? Il a connu une progression folle depuis son entrée chez les pros en 2016. Il était le deuxième ou troisième meilleur joueur des Raps lors de la conquête du titre en 2019. Il a signé une méga prolongation de contrat de 130 millions de dollars quelques mois plus tard. Il a été nommé partant au match des étoiles en février 2020. Tout semblait baigner dans l’huile.

C’est alors que les problèmes ont débuté. Il a paru particulièrement affecté par les conditions dans la bulle à Orlando. Il devenait l’ombre de lui-même offensivement. Le tout s’est poursuivi la saison suivante avec quelques soirées intéressantes suivies de périodes vraiment difficiles. Il manquait de justesse des tirs qui auraient pu offrir des victoires dramatiques au club. Les médias devenaient de plus en plus critiques à son égard. Il a raté 16 matchs au final, en grande partie en raison de la COVID. On apprenait récemment que Masai était disposé à écouter des offres d’échanges impliquant sa vedette camerounaise. Et la cerise sur le sundae fut l’annonce que Pascal avait été opéré à l’épaule le 11 juin et qu’il devrait s’absenter pendant un bon cinq mois, ratant le début de la prochaine saison.

Voici mon constat à son sujet : il sera encore un membre des Raptors à son retour au jeu. Il n’est pas nécessairement aussi bon que ses performances de feu en séries 2019. Et il n’est certainement pas aussi mauvais qu’à ses pires moments en 2020-2021. On ne peut pas lui demander d’être le mâle alpha sur un club aspirant au titre. Mais il peut exceller dans un rôle de deuxième ou troisième star offensive dans un groupe aspirant aux plus hauts sommets.

Le noyau demeure solide

Voici donc la charte de talent à jour, par position, en vue de la nouvelle saison :

5)            Achiuwa – Birch

4)            Siakam – Boucher

3)            Anunoby – Barnes

2)            Trent – Dragic

1)            VanVleet – Flynn

Cette charte vous aura donc permis de constater les faits suivants :

- Le montréalais Khem Birch a signé un nouveau pacte de 3 ans/20 millions $ pour demeurer un membre du club qu’il adorait durant son enfance. C’est une entente juste pour tout le monde car le centre canadien a encore une certaine marge de progression offensive et une belle polyvalence défensive.

- L’année d’option de l’autre montréalais du groupe, Chris Boucher, vient d’être exercée par les Raptors. Il touchera essentiellement le même montant annuel que Birch et on lui demandera d’en faire autant aux deux extrémités du terrain. La progression de Boucher a été fulgurante et inespérée la saison dernière. Nick Nurse doit dorénavant l’inclure dans sa rotation et le prendre au sérieux. Tant qu’on ne lui demandera pas de jouer 35 minutes par match à la position de centre, sa productivité demeurera à un très haut niveau selon moi.

- Gary Trent était joueur autonome avec compensation et il était impératif que les Raptors le gardent à long terme. Sinon, pourquoi l’avoir obtenu des Blazers en mars dernier contre Norm Powell? Trent n’a que 22 ans et devient le nouveau franc-tireur du club. Une somme de 54 millions pour 3 ans semble cher payé au premier regard. Mais dans la folie du marché actuel, la valeur semble relativement juste. À lui de démontrer maintenant qu’il saura s’améliorer défensivement et devenir une source fiable d’attaque.

- Le flambeau a été officiellement passé des mains de Lowry à Fred VanVleet pour la suite des choses. « Steady Freddie » aura appris du meilleur et démontre le même type de résilience comme meneur de jeu qui permettra aux Raptors de préserver une certaine continuité. La culture organisationnelle demeure très solide avec le retour de Masai et le noyau de joueurs au caractère hors norme comme FVV.

En résumé, les Raptors ne sont pas tout à fait équipés pour abattre les Nets, Bucks ou Heat de ce monde. Mais plusieurs facteurs joueront en leur faveur cette saison pour reprendre une place en séries dans l’Est :  défense collective de premier plan, belle profondeur, soif de reprendre leur place parmi l’élite, fin des spéculations sur Lowry, portrait flou après le top-3 dans l’Association, retour au bercail devant leurs fans, etc.

La nouvelle saison ne peut donc pas arriver trop vite!