Mordus de basket, permettez-moi de commencer cet article en mentionnant que j’espère de tout cœur que vous et vos proches allez bien en ce moment. Je me joins à la masse en proclamant que je suis très fier d’être Québécois présentement. Malgré l’incertitude et l’inquiétude qui règnent sur la planète au grand complet, on a le profond sentiment d’être entouré d’un peuple fier, soudé et déterminé à venir à bout de cet ennemi invisible. Alors restez disciplinés et ne lâchez surtout pas!

En attendant le retour de jours meilleurs, le fan de sport en moi est déstabilisé comme jamais auparavant. Depuis que je suis tout petit, mon réflexe de fin de soirée en allumant la télé a toujours été le même : je commence en faisant le tour des chaînes sportives pour me donner une idée des chocs intéressants au menu. À la quantité de sports/ligues/tournois diffusés aux quatre coins du globe en 2020, il y a toujours quelque chose à se mettre sous la dent. Mais là, depuis quelques semaines, c’est la sécheresse. Je suis en désintox sportive totale. Inutile de m’en cacher.

N.B. : j’ai cependant pas mal de plaisir à revivre des affrontements classiques et des moments forts du passé. On en ressort tout plein pour vous présentement à RDS et ça met en valeur la voûte qu’on a réussi à bâtir en 30 ans d’existence. Exemples de basket à l’appui : le parcours des Raptors de 2019 en rafales actuellement et le tout dernier match de Michael Jordan avec les Bulls en 1998 qu’on vous offrira éventuellement.

Bref, à défaut d’avoir « mon fix » habituel de NBA en direct à ce moment de l’année, j’avais besoin de graviter dans l’univers du basket aujourd’hui. J’ai donc lancé une perche à un de nos trois Québécois actuellement dans le circuit Silver et il a eu la gentillesse de m’accorder quelques minutes de son temps en ce vendredi.

La crise du coronavirus, affectant tout particulièrement l’univers du sport, Luguentz Dort l’a vécue de l’intérieur dès ses premiers moments. Le 16 février dernier, alors qu’il était de passage dans nos studios à RDS pendant la pause du match des étoiles, le jeune montréalais de 20 ans semblait filer le parfait bonheur. L’ailier recrue faisait désormais partie du cinq partant du Thunder d’Oklahoma City, partageant le terrain avec Chris Paul et plusieurs autres de ses idoles de jeunesse. Malgré son humilité habituelle, il semblait calme et très confiant. Il donnait le sentiment de croire de plus en plus qu’il avait bel et bien sa place dans la meilleure ligue du monde. De plus, son équipe surprenait tous les experts en étant essentiellement assurée de se qualifier pour les séries. Au diable la reconstruction annoncée après les départs de Paul George et Russell Westbrook.

Seulement 24 jours plus tard, tout a basculé. Le sport professionnel au grand complet a pris une tournure d’une ampleur que personne n’aurait pu envisager.

Pire que ça, Luguentz se trouva bien malgré lui dans l’épicentre du début de la tourmente. Le 11 mars, Jazz et Thunder étaient sur le point de s’affronter à Oklahoma City. Les partisans étaient déjà nombreux dans leurs sièges. Les diffuseurs étaient en ondes, prêts pour le début des hostilités. Quand tout à coup, onde de choc dans l’amphithéâtre. Rudy Gobert venait d’obtenir le résultat de son test de dépistage. Il était porteur de la COVID-19, devenant le premier athlète professionnel à obtenir cette confirmation. La confusion et l’inquiétude s’installent alors immédiatement autour du terrain. Appels à la ligue, renvoi des joueurs aux vestiaires, grogne des partisans confus. D’abord, on annonce que le match est reporté. Puis quelques minutes plus tard, le verdict de la NBA est grisant. Les activités sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Maintenant que la poussière est retombée un peu, je tenais à obtenir sa version de cette soirée historique.

Luguentz, peux-tu d’abord nous dire comment tu vas présentement et où tu te trouves?

LD : Je suis revenu à Montréal quand la NBA nous a permis de quitter nos équipes respectives afin de rejoindre nos familles. Je me sens très bien et je respecte la quarantaine stricte comme on nous a demandé de le faire.

Raconte-nous svp le 11 mars au soir en détail tel que tu l’as vécu.

LD : Je suis arrivé à l’aréna en fin d’après-midi comme pour n’importe quel autre match local. On a fait l’échauffement et les formations partantes des deux équipes ont été présentées à la foule. Le premier quart était sur le point de commencer quand un homme s’est amené un peu en panique sur le terrain pour parler avec les arbitres. On a appris par la suite que c’était un médecin du Jazz. Après quelques minutes, on nous a simplement demandé de retourner au vestiaire. Ensuite, ils sont venus nous adresser la parole pour nous dire qu’un joueur du Jazz venait d'être déclaré positif au coronavirus. Ils n’ont pas confirmé son identité, mais on a su rapidement par les médias sociaux qu’il s’agissait en fait de deux joueurs du Jazz : Rudy Gobert et Emmanuel Mudiay. Les deux étaient restés à l’hôtel et n’étaient pas dans la formation pour le match. Tout le monde dans l’équipe était secoué et un peu inquiet. D’abord, ils nous ont demandé de laver nos mains et prendre une douche avant de rester en quarantaine dans le vestiaire, en disant qu’on y passerait peut-être plusieurs heures. Mais finalement, après avoir pris notre température, ils nous ont renvoyé à la maison, en disant de rester là et qu’ils nous appelleraient demain. Deux jours après le match, on a passé nos tests de dépistage. Et quatre jours plus tard, nos résultats sont enfin rentrés et tout le staff du Thunder était négatif.

Voyez la confusion qui régnait avant le match Jazz-Thunder.

Par après, on a appris que Donovan Mitchell du Jazz avait aussi contracté le virus. Tu as eu un contact avec lui sur le terrain le 11 mars?

LD : Oui, quand j’ai vu deux jours plus tard qu’il avait aussi testé positif, je me suis rappelé qu’on avait fait un « fist bump » juste avant que le match doive débuter. Et que lui et Chris Paul s’étaient fait l’accolade. C’est un peu fou de repenser à toute la scène. Je suis juste soulagé que toute notre équipe n’ait rien attrapé, et de savoir que les joueurs du Jazz se portent bien aussi.

Est-ce que la NBA et/ou le Thunder communiquent régulièrement avec vous pour vous tenir au courant des développements?

LD : On reçoit quelques messages ou mémos officiels, mais rien de trop précis ou détaillé pour l’instant. Personne ne sait quand les matchs pourront recommencer, donc c’est difficile pour eux de nous guider. Mais ils nous ont fait comprendre que ça allait sûrement être long. Le club nous demande de rester le plus en forme possible malgré les conditions difficiles.

Justement, que fais-tu pour garder la forme présentement à Montréal?

LD : Ce n’est pas facile. Je fais beaucoup de push-ups, de sit ups et des poids tous les jours à la maison. Et je m’assure de bien manger parce qu’une bonne nutrition peut aider aussi. Mais je n’ai pas vraiment pu faire de cardio encore. Ma quarantaine officielle de 14 jours est sur le point de se terminer alors je commencerai sûrement du jogging très bientôt.

LeBron James a déclaré hier qu’il ne faudrait pas brusquer le retour au jeu cet été (si retour il y a) . Qu’il faudra bien faire les choses, avec un mini-camp d’entraînement + quelques matchs de saison régulière avant de débuter les séries. Tu es d’accord avec lui?

LD : Si LeBron le dit, il a sûrement raison! Ce n’est certainement pas moi, en tant que joueur recrue, qui va prétendre le contraire. Je vais être prêt à tout et me présenter quand et où on me dira d’aller. Mais ce serait sûrement sage de permettre aux joueurs de bien reprendre la forme avant de relancer la saison parce que sinon les blessures pourraient devenir un problème. Et ça aiderait à rétablir un peu de chimie d’équipe aussi.

Et potentiellement d’avoir à jouer dans des arénas vides, ça te dit quoi?

LD : Ce serait vraiment étrange. J’ai toujours été habitué à une foule, petite ou grande, pour donner de l’énergie au match. On préférerait jouer avec partisans, mais seulement si c’est sécuritaire. Si on nous demande de jouer à huis clos, on s’adaptera.

Cette pause semble particulièrement dommage sur le plan sportif pour toi. Tant au niveau individuel que collectif, vu que tout allait si bien…

LD : Oui, mais ça ne change pas tout le travail positif que j’ai fait jusqu’à présent pour me tailler une place avec le Thunder après avoir débuté la saison dans le G-League. Et ça n’efface pas non plus mon désir de progresser, de prouver ma valeur et d’aller encore plus loin quand les matchs reprendront. Ce sera juste une question d’être patient.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler Luguentz. On espère que notre prochaine discussion aura lieu quand la NBA sera sur le point de recommencer

LD :  Moi aussi, merci à vous