ATHENES, 18 août (AFP) - Robert "Bob" Bowman, personnage singulier adepte des courses de chevaux, n'est qu'un illustre inconnu pour le grand public, mais sans lui la natation mondiale serait sans doute passé à côté de l'un des plus grands champions des Jeux olympiques d'Athènes: Michael Phelps.

"Je dois beaucoup à Bob. Sans lui, je ne serais pas ce que je suis", reconnaissait avant de se rendre en Grèce Michael Phelps, qui a déjà mis dans son escarcelle trois médailles d'or, dont deux dans la même soirée de mardi, et deux de bronze.

La trajectoire du "Kid de Baltimore" et de son entraîneur et mentor sont intimement liés. Il y a dix ans, Bowman, aujourd'hui âge de 37 ans, était inconnu même au sein de la natation américaine si riche en techniciens de talent. Et Phelps un gamin de neuf ans qui aimait nager, comme il adorait le basket-ball, le football américain ou le base-ball comme les jeunes Américains de son âge.

Mais, en 1996, Bowman, qui traversait les Etats-Unis dans tous les sens en compagnie d'entraîneurs plus ou moins célèbres, écume alors pour son compte les piscines à la recherche d'un poulain capable de devenir un étalon. Il repère donc, à Baltimore, Phelps parmi quelques centaines d'autres enfants s'entraînant dans des cours de natation.

"Simplement humain"

"Il avait déjà un énorme talent et je voyais que c'était un gagneur", explique Bob Bowman qui décide, après avoir inspecté l'enfant sous toutes ses coutures comme tout bon connaisseur de chevaux, de tout miser sur cette pierre brute qu'il sait pouvoir tailler en diamant. Sûr de sa trouvaille, il lui promet, dès 1996, de le conduire au titre olympique. Normal puisque les Jeux se déroulaient à Atlanta...

Après la puberté, une croissance rapide, et d'interminables heures de travail pour parfaire son style, Phelps participe aux jeux de Sydney quatre ans plus tard à l'âge de 15 ans. Un simple rodage pour celui qui apparaît désormais comme le nageur le plus doué de sa génération.

"Ce n'est pas dur d'entraîner Michael. Ce qu'il fait paraît facile de l'exterieur, mais c'est quelqu'un qui travaille énormément. On n'est pas obligé de le motiver. Il est très responsable", explique Bowman, qui a préparé Phelps avec une froideur et un calcul hors du commun tout en se montrant, cependant, d'une grande sensibilité dès qu'il parle de son jeune protégé.

"C'est juste un jeune homme. Michael n'est pas une machine. Il est humain comme tout le monde. Des gens ont tendance à ne pas le croire, mais c'est vrai, c'est un simple être humain", assène-t-il.

"Je ne sais pas"

Bowman, élu entraîneur de l'année en 2001, se montre
même très réticent à parler de leurs relations intimes. Souci de protéger l'idôle ou respect réel de l'intimité?

Aux questionne sur les habitudes du colosse de 191 cm pour 75 kg, Bowman répond invariablement: "Je ne sais pas. J'essaie de ne ne pas être sur son dos en permanence. Il sait ce qu'il a à faire."

Mais Bowman, qui ne tarit pas d'éloges sur les adversaires de Phelps, cherche aussi à dédramatiser tous ses rendez-vous médiatiques dans les piscines: "L'important, c'est de donner le meilleur de soi-même. Et après, si quelqu'un d'autre a fait mieux, tant mieux pour lui. Tous sont des nageurs, des êtres humains simples et normaux, contents d'être ici aux Jeux", dit-il.

Cela n'empêche cependant pas Bowman d'être lui à fond derrière son poulain. Lors du 400 m quatre nages, première course de Phelps, il a souffert: "J'étais vraiment content que ça commence enfin. Tu as toujours peur d'un problème. Va-t-il faire un faux départ? Mal gérer? Mal tourner... Mais, au 150 m, je savais qu'il avait course gagnée et je me suis relâché!"

Le stress -avec la volonté de maigrir- a même conduit Bowman à perdre 10 kg depuis les sélections américaines début juillet. L'entraîneur, qui vient de s'alourdir de trois pépites d'or et de deux médailles de bronze de son élève, ajoute toutefois pince-sans-rire: "Je ne vous dirais pas combien je pèse aujourd'hui."