Habitué de monter dans l'arène trois à quatre fois par année depuis le début de ma carrière, j'ai vécu assez difficilement les 18 derniers mois au cours desquels j'ai été contraint, pour toutes sortes de raisons, à l'inactivité presque complète.

Par contre, je dois avouer qu'après cinq années dans les rangs professionnels, j'avais besoin d'une pause et celle-ci a été bénéfique. Le temps que j'ai passé loin des feux de la rampe m'a fait le plus grand bien, quoique pour être honnête avec vous, les trois ou quatre derniers mois ont été de trop. Ainsi, je ne cache pas que je ressens une certaine peur, une certaine anxiété à l'idée d'être rouillé lors de mon duel contre Aleksy Kuziemski le 14 décembre prochain.

Vous serez peut-être surpris de lire de tels aveux, mais je dois être réaliste et franc, d'abord avec moi-même et aussi avec mes partisans. Je devrai travailler fort pour retrouver ma forme d'antan, mais je promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aiguiser mes réflexes et retrouver ma coordination à 100 % question d'être dans la meilleure forme possible pour mon combat.

Le fait d'avoir subi la défaite à ma dernière sortie a rendu l'attente encore plus insupportable. Surtout qu'il y a un espèce de mythe entourant Bernard Hopkins, qui m'a battu en mai 2011. Selon cette légende urbaine, dès l'instant où B-Hop affronte un boxeur, celui-ci n'est plus jamais le même par la suite. Dans mon cas, tranquillement, je commençais à me demander si le mythe ne deviendrait pas réalité.

Mais je suis content de savoir que l'attente achève. Je vais prouver à tout le monde que je ne suis pas fini, que le seul impact que Bernard Hopkins aura eu sur ma carrière, c'est de me rendre encore plus fort et plus mature. J'ai beaucoup appris de mes 24 rounds avec lui.

Je suis de retour à temps plein au gymnase depuis déjà un mois et demi. Comme n'importe quel sportif de salon qui n'a pas bougé depuis longtemps, les deux premières semaines de mon retour ont été ardues... surtout les réveils! Mais mon corps et mon esprit se sont rapidement habitués à la routine de la boxe et maintenant, je n'ai plus aucun problème. Mes aptitudes reviennent tranquillement et je crois qu'en temps et lieu, je serai fin prêt pour relever mon défi.

La blessure à une main qui m'a empêché d'affronter Tavoris Cloud cet été est presque complètement rétablie et il me reste encore quelques semaines pour y arriver. J'aimerais qu'elle soit à 110 % pour mon combat contre le Polonais.

Moins de six rounds serait l'idéal

En toute honnêteté, je ne savais pas qui était Aleksy Kuziemski la première fois qu'il m'a été présenté comme mon prochain adversaire. Par contre, après un certain temps j'ai eu un flashback. Je me suis rappelé de lui aux Jeux olympiques de 2004, auxquels nous avons tous les deux participé. Je l'avais vu se battre contre Beibut Shumenov, un actuel champion de la WBA, et il s'était incliné par un pointage serré.

Kuziemski a eu une belle carrière chez les amateurs et s'est battu dans deux combats de championnat du monde chez les pros. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas connu en Amérique du Nord qu'il n'est pas bon! Pour vous dire la vérité, c'est un meilleur boxeur que Denis Grachev, qui s'est incliné devant Lucian Bute en fin de semaine. À mon humble avis, Grachev est plus solide, plus tough, mais techniquement Kuziemski lui est supérieur. C'est un très bon boxeur qui n'a simplement pas encore eu de rayonnement international. C'est d'ailleurs exactement ce qu'une victoire contre moi lui procurerait, mais je n'ai pas l'intention que ça arrive.

Mon but pour le 14 décembre est de faire quelques rounds et de donner un bon spectacle. C'est sûr que je vise le K.-O., mais j'aimerais faire durer le plaisir un peu pour me dérouiller comme il faut et voir où j'en suis exactement. Si je peux le finir en moins de six rounds, je serai vraiment content.

Rien de mal à dire sur Bute

J'étais aux premières loges pour assister à la victoire de Bute et je suis conscient de toutes les critiques qu'il a dû encaisser depuis. Vous savez, c'est facile d'être négatif de l'extérieur, mais la réalité est souvent toute autre.

Bute revenait d'une dure défaite et sa confiance n'était pas à 100 %. Il nageait dans l'inconnu puisque c'était la première fois de sa vie qu'il remontait dans le ring après une défaite. Ce n'est pas facile de gérer tout ça. Il avait beaucoup de pression, beaucoup de stress. C'est sûr que je m'attendais à une meilleure performance de sa part, mais en même temps je la comprends, sa performance, parce que j'ai déjà été dans la même situation.

Je trouve que le dernier round du combat est très encourageant. Lucian a fini en force, on a revu le boxeur de la belle époque. Il était rapide, précis, aiguisé. Ça lui a peut-être pris dix ou onze rounds pour retrouver ses repères, mais s'il commence son prochain combat comme il a terminé son dernier, on va retrouver le boxeur qu'on a tant apprécié.

Vous êtes peut-être étonné de m'entendre parler en bien de Lucian Bute, mais en fait, la supposée rivalité entre nous deux n'a jamais vraiment existé. Je dirais que c'était surtout une réalité entre nos partisans. En tout cas, personnellement, je n'ai jamais eu de problème avec Lucian. Je l'ai toujours salué chaque fois que je l'ai vu. Je me suis même déjà entraîné avec lui, puisque je l'avais engagé comme partenaire dans ma préparation en vue des Olympiques. De mon côté, je n'ai jamais eu de problème avec lui et si lui en a eu avec moi, il ne me l'a jamais démontré.

Ceci dit, je crois qu'un éventuel combat entre nous deux, une possibilité qui a longtemps fait fantasmer les amateurs de boxe du Québec, est assez improbable dans les circonstances actuelles. Sincèrement, je crois que les Nordiques vont revenir dans la Ligue nationale avant que Jean Pascal et Lucian Bute ne croisent le fer. Et à ce moment-là, il sera trop tard pour un combat comme celui-là.

C'est un plaisir de renouer avec vous. Je vous invite à me suivre sur Twitter @jeanpascalchamp.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.