Le Canadien venait de connaître un fort heureuse séquence. Après les fameuses “réunions” de Denver, l'équipe avait retrouvé tout ce bel esprit collectif qui l'avait transportée vers les séries du printemps dernier. Après la défaite en prolongation contre l'Avalanche, il y eut six victoires en huit matchs, dont deux contre Boston et une contre Ottawa. La formation avait une fiche de 16-12-4-2, elle respirait la confiance et la route vers le mois d'avril s'annonçait aussi heureuse que passionnante.

Dans la petite salle d'attente de l'aéroport de Dorval, les conversations étaient joyeuses et animées. Certes, il était un peu "irritant" pour tout le monde d'aller jouer un match à Uniondale deux jours avant Noël et tout juste avant le long voyage du temps des Fêtes, mais bon, un petit effort supplémentaire contre un adversaire alors médiocre et le tour serait joué!

Dès la mise en jeu de ce match, on sentait que les joueurs du Canadien avaient parfaitement compris ce qu'ils devaient faire ce soir-là compte tenu du manque compréhensible de motivation naturelle. Aucune dentelle, rien d'extravagant, tout juste de la discipline pour endormir les Islanders, un brin d'opportunisme lors des revirements et dans le temps de le dire, on serait de retour à la maison avec une victoire!

La première période alla exactement en ce sens. Un beau but de Ribeiro sur le jeu de puissance, dix arrêts de Théodore et les Islanders qui retournent au vestiaire sans trop de confiance, "voilà un scénario qui a de quoi ravir Michel Therrien", disait-on.

Après 40 minutes, c'était encore mieux! Le Tricolore venait d'étouffer davantage son adversaire, ne lui concédant que six tirs en deuxième. Ce n'était toujours que 1-0, le Canadien n'avait aussi réussi que six tirs, mais il contrôlait parfaitement l'allure de la rencontre.

C'était le 23 décembre 2002... Il était environ 20:40 quand les joueurs des deux équipes sont revenus sur la patinoire pour amorcer la troisième période. C'est à ce moment précis que le sort de Michel Therrien a commencé à se jouer!

Une chute libre sans fin

À 9:05 de la troisième période, les Islanders marquaient leur premier but du match. A 14:24, ils marquaient le deuxième. A 19:38, dans un filet désert, ils en marquaient un troisième pour couronner une remontée qui allait laisser des séquelles permanentes chez le Canadien. Trois buts accordés contre aucun, 20 tirs concédés contre deux, toutes les batailles perdues le long des rampes, incapables de suivre le rythme imposé par l'adversaire, bref, ce fut un revirement aussi brutal qu'impossible à croire!

Depuis 20:40, le 23 décembre 2002, tel est le portrait du Canadien! À part quelques étincelles ici et là, l'équipe n'a jamais démontré qu'elle pouvait se sortir de cette chute libre. Les trois trios derrière celui de Koivu se sont effondrés lamentablement sans exception, les défenseurs ont perdu leur éclat et se sont remis à cafouiller, le jeu de puissance a sombré dans une torpeur pathétique et les bombardements en règle sur les gardiens se sont succédé à un rythme affolant. Deux maigres victoires, neuf défaites, sept petits points amassés sur un total de 24... Voilà le bilan de ce naufrage!

Toujours l'entraîneur...

Michel Therrien a donc écopé. Est-ce à dire que c'est lui qui a tourné le navire dans la mauvaise direction entre la deuxième et la troisième période, à Uniondale, le 23 décembre? Voyons donc... Est-ce à dire qu'il ne savait plus, soudainement, comment diriger une équipe de la LNH? Quand même...

Therrien a été sacrifié parce qu'à très court terme, il n'y avait aucune autre alternative offerte à André Savard pour tenter de sauver la saison actuelle. Il n'y avait, par exemple, aucune transaction possible sans défaire le noyau de l'équipe.

Therrien aura aussi été victime d'une conjugaison d'événements qui ont fortement joué contre lui. L'effondrement des derniers matchs éliminatoires contre Caroline a probablement été le premier élément de doute dans l‘esprit de la direction et des joueurs. Le départ de Guy Carbonneau vers Dallas a laissé un vide immense à ses côtés. Et plus important encore, il n'a pas été choisi, au départ par André Savard qui, on le sentait bien, n‘a jamais été totalement rangé derrière son entraîneur...

Les prochaines semaines permettront de connaître et de découvrir le nouvel entraîneur Claude Julien, un homme dont on dit beaucoup de bien et qui a une feuille de route suffisamment éloquente pour mériter ces éloges. Sa première mission avouée: transporter le Canadien en séries, ce qu'il a encore le temps de faire, avec 36 matchs à disputer.

Nous lui offrons cependant une humble suggestion à l'aube de ce nouveau mandat: cherchez à savoir, M. Julien, ce qui a bien pu se passer le 23 décembre dernier autour de 20:40. Si vous trouvez la réponse et les correctifs à apporter, vous aurez toutes les chances au monde d'atteindre votre premier objectif. Ce que nous vous souhaitons, d'ailleurs, le plus sincèrement du monde.