J'aurai le plaisir de participer aux festivités entourant le retrait du numéro 29 de Ken Dryden la semaine prochaine au Centre Bell. Son invitation m'a fait chaud au coeur et je suis content de voir qu'il ne m'a pas oublié.

J'ai toujours eu une excellente relation avec Ken. Ma première épouse était anglophone et elle s'entendait à merveille avec sa femme.

Sur la glace, les joueurs avaient pleinement confiance en lui. Quand on tirait de l'arrière, on savait qu'il allait nous garder dans la partie. Lors du septième match de la demi-finale contre Boston en 1979, il avait réussi en prolongation deux gros arrêts contre Terry O'Reilly et Rick Middelton avant que je compte le but de la victoire.

Au commencement de ces mêmes séries, on avait eu du mal à se défaire de Toronto et Scotty Bowman avait décidé de faire appel à Michel Larocque, qui s'était malheureusement blessé lors d'un réchauffement d'avant-match. Dryden avait donc repris sa place et on connaît la suite

Ken était un homme effacé qui passait beaucoup de temps à lire. Ça ne l'empêchait pas de venir luncher avec nous après tous les entraînements. Je n'oublierai jamais quand Ken a prévenu tout le monde de ne pas lui payer une bière parce que lui, ne leur en paierait pas. Il avait eu le courage de nous donner l'heure juste!

À l'occasion, il a été mon compagnon de chambre. Un soir sur la route, je suis rentré à deux heures du matin. Quand je suis arrivé, je l'ai trouvé en train de lire et un tas de journaux étendus sur le lit. Il m'avait demandé si ça me dérangeait s'il continuait à lire. Je ne sais pas combien de temps il a lu, alors que j'étais dans mon sommeil.

Ken aimait beaucoup les voyages au Minnesota où on retrouvait les amis d'université de Bill Nyrop. On faisait la fête et Ken se laissait aller. Il se sentait bien dans cet environnement et aimait se retrouver entre universitaires.

Il ne parlait pas souvent de ses lectures. Quand les gars abordaient un thème politique, il animait les discussions avec Serge Savard. Parfois, Bob Gainey et Jacques Lemaire s'en mêlaient aussi.

Il avait choisi de quitter le hockey parce qu'il ne trouvait plus la motivation nécessaire pour venir à l'aréna tous les jours. Je le respecte beaucoup parce qu'il avait été honnête envers lui-même et ses coéquipiers. Ça aurait été facile pour lui de s'accrocher pour continuer à toucher son salaire. Ça prend du courage pour tourner le dos à tout cela au début de la trentaine. L'honneur qui lui sera rendu lundi est pleinement mérité.

Quitter la famille

Jouer pour le Canadien dans les années 1970, c'était comme faire partie d'une famille. La formation changeait très peu et les transactions étaient peu nombreuses. Alors quand arrivait le jour de partir, c'était extrêmement difficile. J'ai vécu cette pénible expérience en 1981 quelques mois après notre élimination en trois parties face Wayne Gretzky et les Oilers d'Edmonton.

Je venais de signer un contrat de trois ans et je ne m'attendais pas à être laissé sans protection au camp d'entraînement. J'ai eu très mal et mon ego en a pris pour son rhume car je croyais sincèrement pouvoir encore aider l'équipe, mais il y avait des jeunes comme Pierre Mondou et Guy Carbonneau qui émergeaient.

La seule chose qui est parvenue à me remonter le moral a été le fait que Scotty Bowman est venu me chercher pour aller jouer avec les Sabres de Buffalo.

À mon premier match au Forum contre le Canadien, j'étais totalement absent de moi-même. Si l'entraîneur m'avait dit que je ne jouais pas, je pense que j'aurais été soulagé. Mentalement, je n'étais pas prêt et je n'arrivais pas à me préparer. J'avais l'impression que j'allais être incapable de jouer contre mes anciens coéquipiers. Aujourd'hui, l'appartenance en moins, ce n'est plus la même chose.

C'était très émouvant de quitter. Devant les gars, on était déçu et on refoulait nos émotions mais une fois à la maison, c'était autre chose. Quand je suis sorti du vestiaire du Canadien la dernière fois, j'avais croisé Pierre Mondou qui m'avait fait une chaleureuse accolade. Si je m'étais laissé aller, j'aurais pleuré tellement j'étais triste. Une fois à la maison, je ne vous cacherai pas que j'avais versé quelques larmes.

C'est en jouant à Buffalo que j'ai compris que la pression tous les jours était nécessaire et qu'il ne fallait pas se contenter d'un match nul. Cette organisation était totalement différente de celle du Canadien. Buffalo n'avait jamais gagné la coupe Stanley et ça paraissait. Il n'y avait aucune pression même si nous avions une très bonne équipe avec entre autres Gilbert Perreault, Robert Sauvé dans les buts et Danny Gare

Mon coéquipier Pete Mahovlich avait aussi trouvé difficile d'être échangé aux Penguins de Pittsburgh pour Pierre Larouche. Il avait été très déçu. Aujourd'hui quand il a une occasion de revenir dans le giron du Canadien, il l'accepte avec un grand plaisir. Quitter le Canadien lui a fait mal.

Sur ce, à bientôt.


propos recueillis par RDS.ca