Les joueurs du Canadien ont la chance de jouer devant les meilleurs partisans du monde. Ceux qui suivaient l'équipe à mon époque ont été choyés et les partisans d'aujourd'hui rêvent de voir le Canadien connaître autant de succès que nous.

Les partisans du Canadien sont exigeants parce qu'ils connaissent le hockey. On en a eu une belle preuve mardi quand le Canadien a perdu contre la Caroline alors que personne n'a critiqué parce que les joueurs avaient fourni un effort constant. Malgré qu'ils étaient déçus, les partisans étaient aussi reconnaissants de l'effort.

Mais quand tu perds contre une équipe moins forte, les critiques sont terribles. C'était vrai dans mon temps et c'est encore vrai aujourd'hui. Dans les années 1970, on se faisait remettre sur le nez toutes nos défaites contre les équipes plus faibles.

J'ai aussi fait l'objet de critiques surtout à la fin de mon séjour avec le Canadien. Il y avait alors des petits jeunes comme Guy Carbonneau et Pierre Mondou qui me poussaient dans le dos. Les gens disaient alors que le Tricolore se devait de donner la chance à des plus jeunes.

Mais les partisans exigent beaucoup parce qu'ils connaissent le hockey. Quand je vais aux États-Unis, on m'en parle encore des amateurs de Montréal. Ici, les gens ne huent pas pour rien. À la retraite, j'ai assisté à des matchs en Floride notamment où les partisans ne sont pas aussi exigeants parce qu'ils ne connaissent pas ce sport comme ici. Je me souviens, les spectateurs floridiens rataient plusieurs jeux parce qu'ils jasaient au lieu de suivre le déroulement de la partie.

Bien sûr, les dynasties ne se bâtissent plus comme avant mais Montréal a une tradition de gagnant. Dans les années 70, nous avons contribué à augmenter le degré de satisfaction des partisans, qui en exigent encore beaucoup aux joueurs contemporains. Cette tradition met beaucoup de pression sur les joueurs.


Le septième joueur

Les amateurs deviennent ni plus ni moins qu'un septième joueur à Montréal où la foule est intimidante. D'ailleurs, un sondage mené par ESPN auprès des joueurs de la LNH révélait que Montréal arrivait au deuxième rang après Philadelphie au chapitre des villes les moins accueillantes pour l'adversaire.

Je me souviens qu'il n'était jamais facile à l'époque de jouer sur les patinoires de Philadelphie, Boston, Toronto, Québec où j'ai pu jouer trois ans contre les Nordiques. Ce n'était pas une mince tâche de faire taire ces foules.

Il est vrai que lorsque ton club gagne, tout le monde veut te battre, y compris les spectateurs. À Philadelphie, ça n'avait pas de bon sens comment la foule était derrière son équipe. C'était la même chose à Boston. Quand l'adversaire vient à Montréal, il sait que 22 000 personnes vont se ranger derrière le Canadien et ça devient intimidant. Ce septième joueur est très important.


Souvenirs à vendre

Je n'ai jamais songé comme d'autres anciens joueurs à vendre mes souvenirs comme des trophées, des bâtons et des chandails. Je dois avouer que j'en ai pas autant qu'un joueur qui était une grande vedette. On m'a néanmoins déjà approché et j'ai toujours refusé de vendre. Toutefois, j'ai beaucoup de respect pour ceux qui ont choisi de le faire.

Il faut comprendre que les grands joueurs de hockey accumulent des souvenirs de toutes sortes depuis qu'ils sont tout jeunes. Partout où ils sont passés, ils étaient meilleurs et accumulaient les honneurs très rapidement.

J'ai gardé seulement quatre répliques de la coupe Stanley et cinq du trophée Prince de Galles. J'ai aussi quelques chandails. Autant les anciens joueurs que leurs enfants ne peuvent pas garder 20 boîtes de trophées, 20 boîtes de plaques etc. Un marqueur prolifique comme Guy Lafleur, par exemple pourrait avoir un mur complet avec des bâtons. Moi, j'en ai gardé aucun, même pas celui avec lequel j'ai compté le but gagnant en 1979 contre Boston. Ce bâton, je l'ai donné à un ami. Quant à mes bagues de la coupe Stanley, j'en ai donné une à mon père et une autre à un ami. Je n'ai gardé qu'une rondelle dans ma carrière et il s'agit de celle de mon premier but qui est fixée à une plaque. J'ai sept petits-enfants et ils vont bien finir par en hériter.

Généralement, les anciens consultent leur famille avant de passer à l'action. Ils offrent tour d'abord leurs souvenirs à leurs enfants et vendent le reste. Tout ça est bien personnel. Lise Richard, la femme d'Henri, m'avait déjà dit que plusieurs rencontres avaient été nécessaires avec les enfants avant que le numéro 16 accepte de vendre ses articles.

Je respecte les anciens joueurs qui vendent leurs souvenirs. Ils le font pour des bonnes raisons.Contrairement à aujourd'hui, nous ne recevions aucune redevance sur la vente des souvenirs dans la LNH.


*propos recueillis par RDS.ca