Comme plusieurs de mes collègues, je n'avais donné aucune chance au Canadien de participer aux séries éliminatoires en début de saison. Maintenant qu'il est devenu la première équipe de l'Association de l'Est à se qualifier pour le tournoi printanier, le temps est venu de faire mon mea culpa.

Il n'y a pas de honte à se dire surpris, aujourd'hui, de voir ce que cette équipe a réussi à accomplir. Il suffit d'écouter attentivement les propos de Guy Carbonneau pour constater que même l'entraîneur ne s'attendait pas à soutirer autant à cette formation. Certains joueurs ont connu une éclosion fulgurante et d'autres ont trouvé la fontaine de jouvence, avec comme résultat cette saison totalement inattendue.

Le premier nom qui vient en tête quand vient le temps d'expliquer les succès du Canadien est celui d'Alex Kovalev. Qui aurait pu prédire, en octobre dernier, que celui qu'on appelait l'Artiste porterait finalement si bien son surnom? Il y a aussi l'amélioration de Tomas Plekanec, l'arrivée des deux Kostitsyn et la progression de Mark Streit qui, pour moi, fut l'un des joueurs d'impact du Canadien cette année.

Un regard en arrière nous permet aussi de constater que l'acquisition de Roman Hamrlik s'est avérée plus qu'excellente. On savait tous qu'il n'apporterait pas la même contribution offensive que Sheldon Souray, mais défensivement, il a apporté beaucoup de stabilité et de confiance au reste de la brigade. Josh Gorges en est un autre qui s'est amélioré énormément.

On a souvent critiqué le Canadien pour ne pas laisser assez de place aux jeunes au cours des dernières années, mais le virage a finalement été fait cette année et ça a rapporté gros. On a donné de vraies responsabilités aux cadets de l'équipe plutôt que de les confiner au quatrième trio dans un rôle secondaire. Carbonneau a aussi utilisé régulièrement tous ses éléments, des vedettes aux plombiers, et ça a donné d'excellents résultats.

Ce sont tous ces éléments mis ensemble qui ont donné, jusqu'ici du moins, une saison de rêve aux partisans de la Flanelle.

Avec sept points d'avance sur les Sénateurs et cinq matchs à jouer, le Canadien pourrait difficilement glisser plus bas que le deuxième rang dans l'Est, ce qui est tout simplement phénoménal. Une telle position vient avec des avantages évidents, mais peut aussi être un couteau à deux tranchants parce que le succès fait gonfler les attentes. Le Canadien a brûlé plusieurs étapes cette saison, ce qui est fantastique, mais il devra s'attendre à ce que les choses soient plus difficiles à partir d'aujourd'hui.

Guy Carbonneau répète souvent, avec justesse, que c'est plus facile d'accéder au sommet que d'y demeurer. Arriver en séries en tant que négligé et faire son entrée comme favori, ce n'est pas la même paire de manches. Surtout qu'avec la parité qui règne dans la LNH, c'est bien beau affronter la huitième équipe au classement, mais il n'y pas 25 points qui séparent les deux équipes. Ne t'assois pas trop longtemps sur tes lauriers, parce que tu te rendras compte bien assez vite que ton adversaire est capable de courir vite lui aussi.

Il serait injuste de dire que le Canadien a profité d'un paquet de circonstances favorables pour se hisser au rang des meilleures formations de la Ligue. Il est vrai que toutes les pièces du casse-tête semblent s'être mises en place en même temps cette année, mais le Tricolore n'est pas un feu de paille. Il y a trop de jeunes talentueux au sein de cette formation pour que ses succès ne se répètent pas année après année.

Par contre, la nouvelle réalité de la Ligue nationale flottera au-dessus de la tête de l'organisation comme un gros nuage gris. Demandez aux Sénateurs d'Ottawa et aux Sabres de Buffalo si le plafond salarial pardonne aux formations qui voient éclore un paquet de bons jeunes en même temps. Je ne pense pas que Darcy Regier voulait se débarrasser, dans la même année, de deux attaquants de premier plan et de son meilleur défenseur. Mais c'est la réalité et le Canadien devra y faire face dans un avenir plus ou moins rapproché.

L'éternel cliché

Pour revenir sur la plus récente victoire contre les Sénateurs d'Ottawa, c'est vrai qu'il en ressort plein d'éléments positifs, mais je ne pense pas qu'on a vu la même équipe qui avait battu le Canadien 3-0 dix jours auparavant.

Lundi au Centre Bell, on a vu une équipe qui se cherche désespérément en défensive et qui se demande si elle possède un gardien digne du titre de numéro un. Le Canadien a fait ce qu'il avait à faire, c'est-à-dire exploiter au maximum les faiblesses de son adversaire, et les résultats ont été probants. Les Sénateurs ont oublié de se présenter pour les deux premières périodes et Montréal a mis le paquet pour mettre le match hors de leur portée. C'est exactement ce à quoi on s'attend d'une bonne équipe, surtout à domicile.

Mais attention! En troisième période, les Sénateurs se sont relevés et on a vu le résultat. Quand cette équipe se décide à jouer au hockey, pas de doute qu'elle est une puissance dans la Ligue nationale.

De cette victoire, les joueurs du Canadien ont pu tirer une leçon, une leçon qu'ils se font répéter depuis le début de la saison. Dans cette ligue, on ne peut se permettre aucun relâchement. D'ici la fin de la saison et surtout en séries, le vieux cliché qui dit qu'il faut jouer pendant 60 minutes deviendra encore plus vrai.

Garder la pédale au plancher

Si j'étais l'entraîneur du Canadien, je ne donnerais pas de congé à mes joueurs et je ne leur demanderais pas de lever le pied d'ici la fin de la saison, même si une place en séries est assurée. En fait, Guy Carbonneau n'a qu'à continuer à appliquer la même formule qu'il préconise depuis le début de la saison, soit de ménager ses protégés dans les entraînements, donner des congés aux bonnes personnes au bon moment.

Le Canadien n'est pas une équipe amochée, ni fatiguée. Plusieurs jeunes sont encore plein d'énergie et tout ce qu'ils demandent, c'est de continuer à montrer qu'ils ont leur place parmi les meilleurs de la Ligue.

Un mot sur l'Affaire Remparts-Saguenéens

Les suspensions imposées par la LHJMQ à la suite de la foire qui a éclaté au Centre Georges-Vézina étaient selon moi prévisibles. La Ligue a bien pris le temps de voir l'impact que cette histoire aurait dans les médias avant de prendre sa décision.

Il fallait montrer des dents et donner des suspensions assez imposantes, ce qui a été fait. Sept matchs pour Jonathan Roy, c'est une bonne leçon. S'il ne comprend pas avec ça, il ne comprendra jamais. Cinq matchs pour son père, c'est sévère et mérité.

Tu ne veux pas voir des événements semblables se reproduire et la Ligue devait prendre les actions nécessaires en ce sens. Personnellement, je pense que les bonnes décisions ont été prises.

*Propos recueillis par Nicolas Landry