Une grande expérience journalistique! Oui monsieur! Digne des grands dossiers du "Journal de Mourial", un peu comme Brigitte McCann qui s'est déjà infiltrée dans le mouvement raëlien. Sauf que moi, c'est dans le mouvement canadien que je me suis infiltré.

Déguisé. Méconnaissable. Et à Boston. Pourquoi? Parce que de la galerie de presse, on ne voit pas tout… et il y a de ces choses qu'une caméra nous empêche de voir. Ouais, les gens agissent différemment lorsqu'ils sont filmés.

À la base, je ne suis pas partisan. Journaliste oui, partisan très peu. Ayant grandi à Lévis, avec un membre de ma famille dans l'organisation des Nordiques durant ma jeunesse, je n'avais jamais porté un chandail des Habs. Jamais avant cette semaine. Je suis content pour eux quand ils gagnent, mais mon sang n'est pas bleu-blanc-rouge. J'adore cependant me retrouver là où il y a de l'ambiance. Bref, comme des milliers de Québécois, j'ai entendu l'appel de Boston. Et Boston a subi une invasion!

On débarque en ville, moi et mon ami de longue date, le "Vincent de Thetford-Mines". Lui : chandail et casquette du Canadien (c'est un fan fini et je crois même qu'il portait aussi les bobettes du club). Moi : t-shirt du CH rouge, perruque rappelant la coupe de cheveux de l'homme des cavernes, lunettes fumées offrant un brin de discrétion… et casquette verte des Red Sox, un complément qui pourrait assurer ma survie en territoire hostile!

En marchant vers l'aréna, je constate vite que ma casquette ne fait aucune différence dans la balance. On me crie : "Go back home, you freak!" En français : "Retourne chez toi mon brave, ta présence n'est pas appréciée malgré ce look d'enfer et une odeur corporelle tout à fait agréable"… ou quelque chose du genre. Il faut dire que je ne suis pas bilingue à 100%...

Autour du TD Banknorth Garden, domicile des Bruins, la place est rouge de monde. Il est 17h, deux heures avant le match numéro 4. C'est un mardi, mais on jurerait que c'est jour férié pour les Québécois. Non, c'est juste "jour de match". Les Bostoniens, eux, ne sont que très peu nombreux. Ils ne sont pas encore arrivés, ou simplement occupés ailleurs à parler de baseball. La-ville-n'est-pas-hockey-pour-cinq-cennes.

Les quelques partisans des oursons présents se font cependant aller le "mâche-patates". Ils se sentent envahis et ils ne sont pas vraiment gentils. Ils nous traitent de FROGS. C'est pas fin pour leur entraîneur, Claude Julien, un brin ontarien mais quand même un french-canadian. Monsieur Julien ne doit pas être au courant de ces insultes puisqu'on affiche sur l'écran géant son discours de motivation envers les fans de Boston, leur demandant de crier plus fort que les nombreux partisans du Canadien.

Plusieurs de ces Américains ont mal compris le message. Plutôt que de crier plus fort que les Québécois, ils répondent à leurs chants en essayant de les insulter. Après le "OLÉ OLÉ OLÉ", on entend "YOU'RE GAY, YOU'RE GAY, YOU'RE GAY". La réponse d'un des Québécois à un chanteur américain : "Ok. Then you're losing to a gay team !". Traduction à l'attaque homosexuelle : "Dans ce cas, vous perdez contre l'équipe gaie!" J'ai rarement vu, comment dire, un gars être aussi bouché.

Une fois à nos sièges, Vincent et moi, on constate rapidement que derrière le filet de Carey Price, rangée numéro 14, on est un-peu-pas-mal en minorité en rouge. On décide donc de ne pas provoquer l'adversaire. De toutes façons, ce qui devait arriver arrive, et en deuxième période, après quelques bières, le Pas-de-classe-d'Amérique se réveille. Un homme propre de sa personne, look contemporain, 40 ans environ, assis une rangée plus haut, à quelques sièges de nous. Il se met à nous insulter, sans autre raison que notre seule présence. Et un grand manque d'amour, j'imagine.

Première attaque : "F**king faggets ! Yeah, you two fu**ing frogs, go away!"

C'est à nous qu'il parle? En me retournant, je vois ses yeux qui fixent ma tignasse, alors on dirait bien que oui! Ma réponse : "Well, thanks for being so civilized. When i'm old, I wanna be just like you. I wanna act like a grown-up too!" (Merci d'agir de façon aussi civilisée! Quand je serai grand, j'aimerais être comme vous et agir en adulte mature moi aussi!). Des voisins de la rangée, plus sympathiques, la trouvent bien bonne.

Deuxième attaque, deux minutes plus tard. Monsieur se met à crier "USA USA USA!"

La contre-attaque : "Saviez-vous que près de la moitié de votre équipe est canadienne?"

2-0 pour le Québécois. Autre but en désavantage numérique.

Troisième attaque : "The canadian dollar is weak!". Traduction : "le dollar canadien est faible". Mais de quoi tu parles, bordel? On assiste à un match de hockey et tu me parles du dollar canadien? Non seulement c'est tellement, mais tellement choquant de se faire parler de son dollar, mais en plus, tu nous montres que tu n'es pas au courant de ce qui se passe dans l'actualité puisque notre dollar est aussi fort que le vôtre, ti-père.

Fin du match, t'as perdu mon nounours.

Choisir de gagner par la parole a été une excellente stratégie pour nous. Il n'y a eu aucune violence physique dans la rangée 14 de la section 7. Par contre, la fin de match a été plus difficile pour d'autres. J'ai vu un Québécois avec un casque de hockey sur la tête se faire arracher sa pancarte "Pierre et Yvon" et pratiquement en venir aux coups avec deux ou trois vilains de 40-50 ans en voulant aller la rechercher. Il a été chanceux de s'en tirer sans douleur…

Puis, après le match, des policiers étaient dans les gradins pour gérer une situation de bagarre. Le gars en rouge était aussi rouge dans le visage. C'était du sang, pas du maquillage.

L'heure du départ avait sonné. C'était le temps de rentrer, non sans avoir la chance d'entendre un petit génie en histoire nous balancer un "GO BACK TO FRANCE" bien senti. Heureusement, ils ne sont pas tous comme ça. D'autres voisins de gradins ont tenu à nous serrer la main et nous dire qu'ils n'encourageaient pas ce dont ils avaient été témoins tout au long de la soirée.

Je n'ai pas de morale à faire à qui que ce soit, mais un peu de civisme ne fait de mal à personne. Encourager son équipe est une chose. Envoyer promener un être humain parce qu'il encourage son club, c'est un peu faible, non? Chacun a droit d'être partisan après tout. Montrez de la classe et ne tombez pas dans des gué-guerres de "mon père est plus fort que le tien". Oui, la ville est hockey. La ville n'est pas une insulte.

Là-dessus, bon match mesdames messieurs