Tomas Plekanec est beaucoup plus que ma surprise depuis le début de l'année; il est mon joueur par excellence.

Les statistiques sont là pour le prouver. Je ne veux rien enlever à Andrei Kostitsyn, mais son réveil est dû en grande partie au brio de Plekanec, son compagnon de jeu. Et que dire de la chimie entre Plekanec et Michael Cammalleri!

J'identifie Plekanec comme mon joueur de concession chez le Canadien. Dans mon livre, pour être considéré comme « joueur de concession », un joueur doit répondre aux cinq questions suivantes. Allons voir si Plekanec répond à ces critères :

- Est-ce qu'il joue sur mon premier avantage numérique ? Oui!
- Est-ce qu'il joue sur mon désavantage numérique? Oui, il est l'homme de confiance de Jacques Martin à trois contre cinq.
- Est-ce que je peux lui donner du temps de jeu lorsqu'il reste une minute à jouer et que mon équipe gagne par un but? Oui!
- Est-ce que je peux lui donner du temps de jeu lorsqu'il reste une minute à jouer et que mon équipe perd par un but? Oui!
- Est-ce que c'est un joueur qui rend les autres meilleurs autour de lui? Oui!

Plekanec est un joueur pas très imposant mais qui joue comme un gros joueur. Je me rappelle de l'avoir déjà vu défier Vincent Lecavalier pour lui proposer un combat. Pleky finit bien ses mises en échec et il démontre une grande polyvalente; il est bon dans tous les aspects du jeu et, à mon avis, il n'a aucune faiblesse apparente.

Ce n'est pas tous les joueurs qui peuvent répondre à toutes ces questions, y compris les joueurs vedettes. Le meilleur exemple est Ilya Kovalchuk, que j'ai dirigé à Atlanta. Je n'aurais jamais confié une mission défensive à Kovalchuk, surtout à trois contre cinq.

Le Canadien digne de Ferrari

La première moitié de saison du Canadien a surtout été marquée par les blessures, mais il ne faut pas seulement mettre la faute sur les blessés pour juger de la position du Canadien au classement.

Même si le Tricolore se maintient dans la course, ce n'est pas assez. Lorsque tu utilises presque le maximum permis par la ligue en ce qui a trait à la masse salariale, tu dois t'attendre à de bons résultats.

Par exemple, si l'écurie Ferrari dépense beaucoup d'argent en F1, le constructeur automobile doit s'attendre à des victoires. C'est la même chose dans le monde du hockey.

Avant le lock-out, il y avait énormément d'écart entre les riches et les pauvres. Aujourd'hui, l'étau s'est resserré; il y a un plancher un plafond. Si deux propriétaires investissent 45 millions de dollars dans leurs joueurs et que l'une des deux équipes ne performent pas autant que l'autre, il est permis de se poser des questions quant à la chimie qui règne dans l'équipe.

Pourtant, avec une masse salariale identique, les deux équipes sont supposées avoir autant de chances de gagner. Finalement, plus souvent qu'autrement, c'est l'entraîneur qui va finir par payer le prix.

C'est ce qui me permet de penser que le Canadien pourrait connaître davantage de succès.

Gomez : un mauvais investissement

Si le Canadien est si près du plafond salarial, il faut dire que le salaire supérieur à sept millions de dollars commandé par Scott Gomez prend de la place. À mon avis, il est un très mauvais investissement par le Canadien.

Jacques Martin lui a donné toutes les chances possibles en le mettant sur le premier trio au début de la saison. Même avant que Brian Gionta se blesse, Gomez n'était pas un attaquant très explosif.

En faisait son acquisition, Bob Gainey savait que Gomez amenait avec lui un contrat très lucratif, offert par Glen Sather. À l'instar de Bobby Holik, Gomez a profité de la rivalité entre les Devils et les Rangers pour aller s'établir chez le voisin en échange d'un important contrat. Holik et Gomez : deux joueurs qui ont quitté les Devils pour l'argent des Rangers.

Lorsque Sather s'est aperçu que le pacte accordé à Gomez était une erreur, il a voulu l'échanger. C'est à ce moment que Gainey est arrivé en sauveur, ce que je n'aurais jamais fait personnellement.

Gomez est un excellent patineur mais il devrait utiliser sa vitesse pour foncer au filet plutôt que d'aller travailler dans les coins. Ceux qui défendent Gomez en disant qu'il est un fin passeur, je leur réponds ceci : à sept millions de dollars par saison, tu ne paies pas un joueur seulement pour des passes.

Encore le débat devant le filet

Carey Price ne m'a pas montré encore qu'il avait la constance d'un gardien numéro un au cours de cette première moitié de saison. Pour avoir dirigé certains jeunes gardiens comme Marc Denis, David Aebischer et Kari Lehtonen, il faut être patient.

À travers les années, j'ai pu en déduire que ce sont chez les jeunes gardiens qu'on lance la serviette trop rapidement. Il faut prendre notre temps et leur donner une chance de bien se développer.

Certains se développent sur le tard comme Dwayne Roloson et Craig Anderson. Chacun se développe à son rythme.

À Montréal, Gainey ne peut pas trop se permettre d'y aller en pleine reconstruction. L'attente du public et la pression médiatique font en sorte que Montréal est un marché bien spécial. Rien à voir avec Atlanta, où j'ai dirigé, et qu'une victoire ou une défaite n'affectait que 2000 personnes et non pas un peuple au complet.

La question à savoir qui sera le gardien lors de chaque match représente bien le climat d'incertitude présent dans la tête des entraîneurs.

Lors de mon temps derrière le banc au Colorado, c'était clair que Patrick Roy était mon gardien numéro un, soir après soir. J'avais bien averti les journalistes : si ce n'est pas Patrick qui garde les buts, je vais vous le dire. Si je n'en parle pas, c'est que ce sera Patrick mon gardien.

* Propos recueillis par Maxime Morin