On va être clair sur un point concernant le changement de la garde annoncé à la tête du Canadien. Si Pierre Boivin avait eu le choix, on ne serait pas en train d'annoncer qu'il va éventuellement céder son siège de président. Il aurait certainement accepté avec plaisir de rester à la tête du Canadien durant plusieurs années encore.

Boivin a été tassé, pas de doute là-dessus, mais il l'a été pour les bonnes raisons. Un propriétaire, qui a dépensé 600 millions de dollars pour acquérir l'équipe et qui a le profil d'un chef d'entreprise compétent, a pleinement le droit de la diriger à sa façon.

Cette décision n'a rien à voir avec les compétences administratives de Boivin. C'est un homme qui a structuré solidement l'organisation durant ses 11 années à la présidence du Canadien. Il a eu à planifier deux processus de vente durant lesquels il a personnellement investi beaucoup de temps et d'énergie. La tâche était de taille puisqu'il est très rare qu'une entreprise de la prestance et d'une riche tradition comme celle du Canadien, soit appelée à changer de propriétaires deux fois dans la même décennie. Sous sa gouverne, l'entreprise la plus en vue au Québec est aussi devenue l'une des plus florissantes.

C'était une question de temps avant que Geoff Molson, choisi par ses frères Andrew et Justin pour veiller sur cet investissement majeur, prenne charge de toutes les opérations. Déjà, il a son bureau à l'étage administratif du Canadien, ce qui lui permet d'avoir l'oeil sur les faits et gestes de ses principaux lieutenants.

Le changement qu'on vient d'annoncer faisait sans doute partie des plans quand il s'y est installé. C'était assez évident que Geoff Molson n'allait pas entrer comme un train au Centre Bell en apportant d'importants changements du jour au lendemain dans les opérations quotidiennes de l'équipe. Le remplacement de Boivin s'est donc fait avec diplomatie et dans l'harmonie. D'ailleurs, on a reconnu son immense contribution au succès financier du Canadien en lui offrant d'y rester associé par le biais d'un poste au sein du conseil d'administration.

Âgé de 39 ans, M. Molson arrive au coeur de sa brillante carrière d'homme d'affaires. Il est assez évident qu'il désirait avoir la main mise sur tout ce qui se passe chez le Canadien et dans le Centre Bell.

La famille Molson est reconnue pour ne jamais causer d'ingérence auprès des gens qu'elle chapeaute. Dans un an, quand les changements annoncés seront devenus officiels, les Molson seront donc beaucoup plus libres de mener la barque à leur guise. On ne s'attend pas à ce que Geoff Molson fasse de l'ingérence dans les affaires quotidiennes de hockey, mais il sera certainement très bien placé pour établir sa propre philosophie d'organisation. Comme celle, par exemple, concernant le fait français dans le vestiaire. Sur ce plan, celui qui n'a pas mis de temps à trouver une solution au retrait du chandail d'Émile Bouchard, ne laissera sûrement pas aller les choses en restant assis sur ses mains.

L'été dernier, le défenseur François Beauchemin désirait ardemment porter ce chandail, mais on lui a préféré, au même salaire, Jaroslav Spacek qui n'a rien cassé.

Il y a quelques jours à peine, on a totalement ignoré le jovial gardien Martin Biron, reconnu pour l'influence positive qu'il exerce dans un vestiaire, en lui préférant Alex Auld, un gardien incapable de s'implanter dans la Ligue nationale. Auld a obtenu un million de dollars tandis que Biron a accepté 875 000 $ chez les Rangers.

Geoff Molson ne s'avisera jamais d'établir la différence entre un Biron et un Auld sur le plan du hockey, mais quand il mentionnera sérieusement dans le cadre d'un conseil d'administration que le Canadien, qui n'a jamais été si dépourvu sur ce plan, se doit de compter plus de francophones dans ses rangs, on aura tout avantage à porter une oreille attentive à cette remarque.

Et peut-être que les choses changeront pour le mieux dans un proche avenir.