Il y a longtemps que j'ai cessé de tenter de comprendre les réactions des amateurs de hockey du Québec, surtout celles des inconditionnels de la Flanelle qu'une défaite empêche souvent de dormir.

Ils sont très changeants, les fans du Canadien. Qui ne se souvient pas de leurs réactions émotives quand le lock-out décrété par la Ligue nationale les ont privés d'une saison complète? Ils sont tombés à bras raccourcis sur les joueurs. Ils les ont traités de tous les noms. Ils ont même juré de boycotter l'équipe à son retour sur la glace.

C'était si mordant comme critique que la direction de l'équipe a vraiment eu la frousse. Pas seulement celle du Canadien, d'ailleurs. À la grandeur de la ligue, les amateurs ont menacé de rester chez eux à la fin du conflit. Dans certains marchés américains, certains ne sont jamais revenus.

À Montréal, à l'étage du marketing, on s'est activé nerveusement. Il fallait préparer de nouvelles stratégies pour contrer les effets négatifs d'un tel mécontentement. Il fallait trouver une manière habile d'amadouer les amateurs tout en les incitant à passer rapidement à autre chose.

La direction de l'équipe n'a pas tardé à réaliser qu'elle avait eu tort de s'énerver. Loin de mettre ses menaces à exécution, le public s'est comporté comme s'il s'était affreusement ennuyé du hockey et de ses joueurs. Il ne se possédait plus. Il tapait du pied à la porte du Centre Bell, pressé qu'il était de se procurer des billets.

Comme quoi il ne faut jamais prendre trop au sérieux la colère des amateurs. Elle est souvent plus menaçante que sérieuse. Et elle ne dure jamais très longtemps.

Vous voulez une autre preuve de ça? Vous vous souvenez de la sortie de Montréal d'Alex Kovalev? Est-ce que les gens étaient furieux quand Bob Gainey a décidé de le libérer après que son agent eut tenté de jouer au plus fin avec lui? Ils ont organisé une pétition pour le ramener. En plein été, ils ont marché devant le Centre Bell en brandissant des pancartes. Rien de moins.

La grogne s'est graduellement estompée quand «monsieur un match sur quatre» a recommencé le même manège à Ottawa pendant que celui à qui on a décidé d'offrir les millions qu'on avait mis de côté pour le grand Russe, Brian Gionta, remplissait pleinement ses engagements avec le Canadien.

Et que penser du «scandale» de l'été quand on s'est départi du joueur le plus utile du printemps, celui qui avait conduit le Canadien en séries et qui lui avait permis, à la surprise générale, de disputer trois rondes, Jaroslav Halak? Dieu qu'on a tempêté contre Pierre Gauthier et le Canadien. Il n'y a rien qu'on n'a pas dit sur les lacunes de Carey Price et sur son attitude hors glace. Faire route avec Price, c'était courir à la catastrophe, disaient des partisans aussi frustrés que furieux.

Or, que s'est-il passé le week-end dernier, au centre d'entraînement de Brossard? Price avait à peine mis les pieds sur la patinoire qu'il était ovationné. Vous allez peut-être me dire que ce ne sont pas les plus chiâleux qui s'entassent dans un aréna par une belle journée de fin d'été pour regarder patiner les joueurs, mais quand même.

La bonne nouvelle, c'est que ces amateurs ont peut-être donné le ton à un début de saison moins inquiétant pour le gardien de 23 ans. Price, qui est parfaitement au courant du mouvement de colère que le départ de Halak a suscité, avait sans doute besoin de ce clin d'oeil étrangement chaleureux, même si cet appui est encore d'une grande fragilité.

Sans Price, pas de salut

Quelques mauvais buts en début de saison, deux ou trois défaites consécutives et c'est le nom de Halak qu'on va scander dans le Centre Bell. Une réaction qui pourrait s'avérer catastrophique pour toute l'équipe.

En territoire hostile dans son propre milieu, Price, dont on n'est pas encore très sûr de la force mentale, pourrait s'écrouler. Et en piquant du nez, il entraînerait fort probablement l'équipe dans sa chute puisque ce n'est certainement pas l'adjoint qu'on lui a trouvé, Alex Auld, qui pourra tenir le fort.

Cette perspective inquiétante devrait à elle seule influencer le comportement des partisans de l'équipe qui se croient déjà tout près de la coupe à la suite de ce qui s'est passé au printemps. Or, le Canadien, qui n'est pas une meilleure formation que la saison dernière, n'ira jamais très loin sans de solides performances de son gardien. C'est peut-être en réfléchissant à ça que les spectateurs de Brossard ont accordé cet appui-surprise à Price.

Le sort du Canadien cette saison repose donc en bonne partie entre les mains de ses partisans. C'est un peu comme s'ils tenaient le CH dans le creux de la main. C'est eux qui vont décider s'ils étouffent Carey Price ou s'ils relâchent la pression en acceptant les bons et les mauvais côtés de sa saison.

L'important pour le moment, c'est qu'on réalise qu'il y a beaucoup plus d'avantages à se ranger derrière Price qu'à lui rappeler constamment que si on avait eu le choix, c'est Halak qu'on aurait gardé.