Il y a deux semaines, le Canadien semblait parti pour la gloire. L'équipe venait de remporter quatre victoires en cinq matchs, dont trois de suite contre New Jersey, San Jose et Ottawa.

La troupe de Jacques Martin se maintenait parmi les trois ou quatre premières formations de la ligue depuis un bon moment, ce qui semblait une suite logique à son étonnante performance en séries éliminatoires. Se pouvait-il que le Canadien, après une séquence de 18 ans sans coupe Stanley, ait enfin trouvé une façon de s'en approcher? S'il était à égalité au classement avec les Flyers de Philadelphie, qui étaient passés à un match près de la gagner au printemps, pareille éclosion était-elle réaliste?

Bien sûr, le Canadien avait profité d'un calendrier favorable. Douze de ses 20 premiers matchs avaient été disputés à domicile. Il n'y avait eu aucun long voyage. À l'infirmerie, Andreï Markov était l'unique patient régulier. Or, à court ou moyen terme, on avait démontré qu'on pouvait assez bien se débrouiller sans lui.

Si la période d'absence de Markov se passait sans heurt, cela n'avait rien à voir avec le fait que les six autres défenseurs représentaient l'un des bons groupes de la ligue. Si le Canadien tenait le coup, c'était d'abord parce que son gardien, lui, était devenu le plus brillant du circuit.

Carey Price ne pouvait pas maintenir cette cadence durant toute la saison, ça, on s'en doutait un peu. Dès qu'il traverserait une période creuse, on aurait une meilleure idée de ce que le Canadien représentait comme équipe. On n'a pas mis de temps à le savoir.

Avec un Price étincelant, le Canadien se maintenait parmi les formations de tête, même sans Markov. Avec un gardien accordant un mauvais but par match, comme le font la majorité des gardiens du circuit, l'équipe a vite repris sa place en milieu de peloton. Ce qui a effacé assez rapidement les beaux espoirs qu'elle avait semés durant les premières semaines du calendrier.

Pour reprendre une expression populaire, la chaîne de bicycle a débarqué. On n'a pas encore atteint la première demie du calendrier et la défense est déjà essoufflée. Seul Roman Hamrlik semble avoir la solidité voulue pour tenir le fort pendant un certain temps encore.

Jaroslav Spacek est une toupie qui tourne dans toutes les directions sans trop savoir où et quand s'arrêter. Hal Gill ne ressemble en rien au défenseur dont l'efficacité durant les dernières séries nous avait réconciliés avec sa lenteur légendaire. Josh Gorges, qui cache bien une blessure, n'est pas meilleur qu'un sixième ou un septième défenseur en ce moment. Alexandre Picard est irrégulier, mais à sa décharge, on voyait surtout en lui une police d'assurance quand on l'a embauché à titre de joueur autonome. Quant à P.K. Subban, qui accumulait les erreurs de débutant, on a suffisamment joué dans sa tête pour faire de lui un jeune craintif qui a tellement peur d'en payer le prix qu'il cafouille plus que jamais.

Le renfort devient inévitable

Quand Markov a subi une troisième blessure grave à une jambe en l'espace de 11 mois, il n'y avait pas de sentiment d'urgence dans le bureau du directeur général Pierre Gauthier. S'il avait bondi sur le téléphone à la recherche d'un remplaçant adéquat, on l'aurait attendu de pied ferme. Le prix d'une transaction aurait été plus élevé si on avait flairé une certaine panique au bout du fil.

Même si Markov est la pièce maîtresse qui contribue à stabiliser tout le reste, il était permis de croire qu'on pouvait faire un bout de chemin sans sa précieuse contribution. Durant les 10 premiers matchs de la saison, sans lui, l'équipe avait conservé une fiche de 7-2-1. Il était revenu pour sept parties au cours desquelles la différence n'avait pas été marquante (4-3-0). Depuis qu'il n'est plus là, les cinq derniers revers en six matchs ont fait chuter la performance générale des 17 dernières rencontres à 8-8-1.

Si rien ne pressait quand Markov s'est défait une nouvelle fois le genou, le temps est maintenant venu de dénicher un défenseur jeune et solide capable de faire oublier que le trio Gill-Spacek-Hamrlik totalisent 107 ans ce qui, certains soirs, n'échappe à personne.

En attendant que son patron passe aux actes, la seule certitude pour Jacques Martin est que Carey Price va éventuellement se replacer. Son gardien est peut-être en train de démontrer que n'est pas Martin Brodeur qui veut. Peut-être n'est-il pas suffisamment mûr mentalement pour qu'on exige de lui qu'il dispute 95% des 82 matchs du calendrier.

S'il y un aspect positif au passage à vide que traverse Price, c'est qu'il permet à Gauthier et à Martin d'avoir une meilleure idée du personnel qu'ils ont sous la main. Parce que Price est juste bon au lieu d'être miraculeux depuis quelques matchs, l'équipe a glissé au 13e rang au classement général. Dans l'Est, c'est encore plus inquiétant alors que le fragile premier rang de la division que le Canadien s'apprête à concéder aux Bruins se situe à deux points seulement du huitième rang et à six points de la neuvième place et des Hurricanes de la Caroline, ses prochains adversaires, qui ont deux matchs en main.

Il y a au moins une autre grande source d'inquiétude. Suffit de marquer le premier but ou de se donner une priorité de deux buts pour que l'adversaire s'assure de la victoire contre le Canadien. On voit les chandails tricolores courber les épaules et baisser les bras.

Cette lacune, qui fera vite le tour de la ligue, est beaucoup plus attribuable à un manque de caractère qu'à une attaque anémique, selon moi. Les éléments offensifs sont là et ce, même si l'efficace jeu de transition de Markov serait fort utile dans les circonstances. Le trio Pacioretty-Gomez-Gionta a tout le potentiel pour faire des flammèches tandis que Plekanec et Cammalleri n'ont pas à se chercher sur la glace. Si seulement Kostitsyn et Pouliot cessaient d'être des passagers, l'attaque serait nettement mieux équilibrée.

Pendant que Kostitsyn était dans les gradins à Dallas, Pouliot a fait regretter à Martin sa décision de lui avoir fait une nouvelle fois confiance. Quand il n'a pas fait le moindre effort pour compléter la passe précise de Maxim Lapierre à la porte des buts, avec le gardien Kari Lehtonen dans une position vulnérable pour une rare fois durant la soirée, il a été d'une gênante mollesse sur le jeu parce qu'il a craint d'être frappé.

On ne doute pas que Mathieu Darche, qui n'a ni le talent brut de Pouliot ni ses mains habiles ni sa rapidité ni sa stature, aurait marqué sur le jeu. Parce que Darche aurait voulu la rondelle, parce qu'il ne craint pas d'aller jouer là où ça brasse et parce qu'il est courageux.

Il y a deux semaines, on commençait à prendre le Canadien au sérieux à travers la ligue. En ce moment, il ressemble à la bonne petite équipe qui s'est maintenue juste assez à flot pour participer aux séries au cours des dernières années.

Mais j'imagine que lorsque Gauthier aura fait ses devoirs et que Price aura retrouvé sa magie, la situation se replacera un peu d'elle-même.