La stratégie des Bruins était de frapper les joueurs du Canadien dès le départ afin de les déstabiliser tout en dictant l'allure du match. Malheureusement, les visiteurs ont marqué deux buts avant que les champions de la division n'aient eu le temps de donner un seul coup d'épaule.

Ce fut suffisant pour valoir au Canadien une étonnante deuxième victoire consécutive dans un affrontement où tout le monde aurait été soulagé de rentrer à la maison à égalité dans la série.

Chaque équipe a encaissé un coup dur avant le match. Andrei Kostitsyn, qui avait disputé un premier match efficace en dépit d'une blessure à la jambe, conséquence d'un tir frappé de Zdeno Chara, a été incapable de prendre sa place dans la formation. Il a été remplacé à la dernière minute par le défenseur Yannick Weber qui, dans un rôle d'attaquant, a cassé les reins des Bruins en portant la marque 3-1. En carrière, il s'agissait de son deuxième but en quatre matchs dans les séries, les deux contre Boston.

Les Bruins ont été frappés d'une façon plus dramatique quand Chara, qui avait passé la nuit précédente à l'hôpital, victime de déshydratation, a retraité au vestiaire après l'exercice d'échauffement pour ne plus en ressortir. On imagine assez facilement la réaction de ses coéquipiers qui, forcés à tout prix de sauver leur peau, se voyaient privés d'un athlète généralement capable de faire tourner le vent à lui seul. Chara, c'est le gouvernail qui donne la direction au navire. C'est un monstre sur patins capable de marquer un but d'une main tout en mouchant un rival de l'autre.

Mais pour être franc, le Canadien a joué avec une telle détermination qu'il est difficile d'imaginer que Chara aurait pu faire une différence. C'est l'équipe qui voulait vraiment la rondelle et qui était la plus affamée qui a gagné. Point final.

Le Canadien a affiché une discipline belle à voir. Comme l'équipe ne fait pas le poids sur le plan d'une rudesse que les Bruins ont été incapables d'appliquer pour une deuxième partie de suite, elle a tendu l'autre joue. Elle a encaissé les coups tout en s'éloignant de la scène sans répliquer. L'efficacité de cette tactique a été assez impressionnante. Les Bruins espéraient voir leurs rivaux leur donner la riposte et écoper de pénalités de frustration, mais là encore, leur plan a été contrecarré.

Le Canadien s'est montré opportuniste puisque ses cinq buts dans cette série ont été obtenus à la suite de revirements qu'il a lui-même provoqués. Le but gagnant de Mathieu Darche, dont c'était le premier filet en carrière, a été obtenu en supériorité numérique. En revanche, l'attaque à cinq des Bruins a été blanchie en sept occasions dans la série.

Qu'est-ce que ce résultat nous dit? Ça nous dit qu'il est nettement trop tôt pour se procurer des chaises longues en vue de la parade, mais que les partisans, qui n'avaient pas suffisamment la foi pour s'afficher avec un fanion jusqu'ici, peuvent maintenant prendre les magasins d'assaut pour décorer leur voiture. Tout indique qu'il y aura une seconde série. Les chiffres tendent à le confirmer.

Dans l'histoire de la concession, le dossier des Bruins après avoir tiré de l'arrière 0-2 dans une série est de 0-26.

En maintenant le même rythme sur sa glace, on ne voit pas comment le Canadien pourrait perdre la série quand il est aussi solidement appuyé par son gardien. Carey Price a stoppé 65 des 66 rondelles dirigées vers lui. Il a fallu 50 tirs aux Bruins pour inscrire leur unique but de la série. Price n'a pas eu à voler ce match tellement ses coéquipiers ont été efficaces dans toutes les facettes du jeu. Toutefois, son langage corporel devant sa cage et la facilité avec laquelle il repousse les attaques des Bruins contribuent à les démoraliser.

Après avoir vu le Canadien jeter la consternation dans l'édifice en prenant les devants durant les deux premières minutes de la rencontre, les Bruins se sont vus dans l'obligation de tout donner tout en se montrant prudents pour ne pas écoper de pénalités pouvant permettre au Canadien de les sortir plus rapidement encore de la partie. Pas facile de s'illustrer en jouant ainsi sur les talons.

Dans le premier match, les Bruins avaient négligé de préconiser un style qui leur avait valu tant de succès cette saison. Dans le second, le Canadien leur a volé leur cahier de jeux. Il a patiné à un train d'enfer. Il a toujours été le premier sur la rondelle alors que Martin avait surtout insisté pour que ses joueurs soient les meilleurs sans la rondelle. Ils ont encaissé les coups tout en se permettant d'en distribuer quelques-uns à l'occasion. Ils se sont tenus debout. Ils se sont serrés les coudes quand la situation le commandait. Dans les circonstances, les Bruins ont paru désemparés, incapables de réaliser la remontée dont ils avaient tant besoin.

Price, de son côté, a été plus occupé et nettement supérieur au gardien par excellence de la saison et futur détenteur du trophée Vézina, Tim Thomas. Si bien que Claude Julien, qui est aussi dans l'eau chaude que son équipe, a une décision à prendre concernant l'identité de son gardien en vue du troisième match. Parions qu'il prendra le risque de mourir avec celui qui lui a donné 35 victoires et une place au sommet de sa division cette saison.

Les supposés experts sont confondus parce que le Canadien a offert jusqu'ici une prestation digne des meilleures formations de la ligue. On a vu du jeu énergique et sans bavure en plus d'un plan de match respecté à la lettre. Contrairement à son habitude, le Canadien ne s'est pas appliqué à protéger sa mince priorité. Il n'a jamais ralenti la cadence, de sorte que les Bruins ont encaissé une sixième défaite consécutives en séries.

Bien sûr, une équipe ne peut pas jouer avec une telle énergie durant la majeure partie du calendrier, mais si le Canadien jouait plus souvent avec cette étourdissante intensité, personne ne se plaindrait du prix de la bière et des hot-dogs au Centre Bell.

Et quelqu'un doute-t-il encore que ce vestiaire soit divisé? Que Jacques Martin soit contesté au point d'influencer négativement les résultats de l'équipe? Que le Canadien n'a pas de système de jeu?

Le crois-tu encore, George?