Je ne peux plus entendre ceux qui croient fermement que le Canadien aurait pu se rendre très loin ce printemps, voire en finale, sous prétexte qu'il a été éliminé par les Bruins de Boston, en prolongation, dans le septième match de son unique série.

L'équipe a encaissé une autre élimination en première ronde et on s'imagine que tout va bien. Allons donc. Pour la direction du Canadien, cette façon de voir les choses contribue habilement à entretenir l'espoir au sein de sa riche clientèle. Pour les joueurs, c'est une déclaration qui vise à passer l'éponge sur un autre printemps au cours duquel ils n'ont pas veillé tard.

Pour les fans, c'est autre chose. Ils ont bien le droit de rêver puisque c'est toujours eux qui payent. Ce sont eux qui absorbent la hausse du coût des billets. Ce sont eux qui se procurent à fort prix des souvenirs à l'effigie du CH, qui boivent la bière de la maison à 10$ le verre et qui rêvent en se disant qu'à pareille date l'an prochain, ça va sentir la coupe dans le Centre Bell.

Croyez-vous vraiment que le Canadien aurait pu faire aussi bien que les Bruins durant les séries? Boston est une équipe dont le gardien brille tous les soirs, dont les défenseurs arrivent à tenir en échec la meilleure attaque de la ligue et dont les attaquants sont coriaces, enragés et opportunistes. C'est aussi une formation qui a du caractère comme peu d'équipes en ont dans la ligue.

Quand Nathan Horton, qui a marqué les buts qui ont éliminé le Canadien et le Lightning dans un septième match, a été assommé par la charge violente d'Aaron Rome, les Bruins tiraient déjà de l'arrière 2-0 dans la série. Ils avaient l'obligation de gagner cette troisième partie. S'ils la perdaient, c'était la coupe pour les Canucks à court terme. Quand Horton a quitté les lieux en ambulance, on a tous cru qu'ils allaient s'effondrer. Ils ont plutôt serré les dents et crié vengeance. Ce soir-là, ils ont crucifié les Canucks 8-1. Deux jours plus tard, ils les ont lavés 4-0. On a l'impression que les Canucks essaient encore d'effacer ces deux films d'horreur de leur subconscient.

Après avoir écarté le Canadien de leur chemin, les Bruins en ont fait autant avec Tampa. Est-ce que le Canadien aurait eu tout ce qu'il fallait pour éliminer le Lightning cette année? Il est permis d'en douter. On ne le saura jamais puisqu'il n'aurait pas affronté Tampa de toute façon.

Si la troupe de Jacques Martin avait gagné sa série contre Boston, c'est contre Washington qu'elle aurait joué, ce qui n'aurait pas été une partie de plaisir. Et si elle avait éliminé les Capitals, elle aurait affronté le gagnant de la série Philadelphie-Tampa. Croyez-vous vraiment que le Canadien aurait pu logiquement se hisser jusqu'aux Canucks?

Pierre Gauthier n'a pas terminé le rapiéçage d'été qu'il a en tête après avoir embauché les jeunes défenseurs Alexei Yemelin et Raphael Diaz et l'attaquant finlandais Joonas Nattinen, tout en ayant retenu pour une autre saison Hal Gill, Andrei Kostitsyn et Mathieu Darche. Pour l'instant, ce sont des décisions qui ne font pas du Canadien une équipe améliorée.

La présente finale de la coupe Stanley démontre assez clairement que le Canadien accuse du retard sur les Bruins dans son cheminement. Notamment, il n'a pas cette façon agressive de se faire respecter ou d'inspirer la crainte, un atout important quand vient le temps de faire la guerre au printemps. Non seulement ne possède-t-il pas cet atout, mais il n'y croit pas.

Pourquoi croyez-vous que les jumeaux Sedin sont totalement disparus durant cette finale? Parce qu'on les a intimidés. Visiblement craintifs, ils ne sont pas allés patiner là où ça fait mal. Et des artistes comme les Sedin qui ne peuvent plus s'exprimer, ça fait des Canucks une formation plus prévisible.

Vancouver a représenté la meilleure équipe de la saison régulière et Boston, d'une façon assez étonnante, est devenu l'équipe la plus redoutable des séries.

J'imagine qu'on ne verra plus jamais les Sedin du même oeil. On leur reconnaîtra toujours un talent sûr, mais ce que les Bruins leur ont fait subir a sans doute ouvert les yeux à l'ensemble de la ligue. Dorénavant, on saura qu'une bonne façon de les rendre moins efficaces sera de les sortir de l'enclave en leur bûchant dessus. Mais encore faut-il avoir les bras pour effectuer ce genre de mission. Ce que le Canadien, encore une fois, n'a pas.

L'énigme Luongo

Le gardien Roberto Luongo veut être gentil avec tout le monde en répondant aux questions qu'on lui pose, mais dans une série où les adversaires se détestent, il en faut parfois très peu pour attiser la flamme.

Luongo n'a rien dit d'outrageant à l'endroit de Tim Thomas quand il a déclaré qu'il aurait bloqué le tir de Maxim Lapierre (l'auteur de l'unique but dans le cinquième match) parce qu'il joue plus profondément dans son filet. Il lui a même accordé beaucoup de crédit en prenant le soin d'ajouter que Thomas lui est supérieur quand il sort de son rectangle pour défier les tireurs.

Cela dit, était-ce vraiment nécessaire d'établir ce genre de comparaison devant les médias? En affirmant qu'il aurait repoussé le tir de Lapierre, Luongo a indirectement relevé une carence chez Thomas. Ce que les médias n'ont pas manqué de relever avant d'en faire une grosse histoire.

J'imagine qu'on a rigolé sur la galerie de presse quand Brad Marchand a battu Luongo d'un tir éloigné et pas très dangereux très tôt dans le match suivant. Luongo, comme il l'avait expliqué la veille, jouait profondément dans son filet sur le jeu. Et pourtant, Marchand l'a battu.

À l'autre bout de la patinoire, si la caméra avait pu capter la physionomie de Thomas derrière son masque, peut-être aurait-elle saisi une mimique qui aurait pu vouloir dire : «Tiens-toi, Roberto».

Cette première série finale de la coupe Stanley pour Luongo aura été un calvaire à tous les points de vue. Ce soir, il joue sa crédibilité comme gardien. Quand on est l'homme le mieux payé de sa profession, c'est gros.