La semaine dernière, j'ai glissé dans le cadre de Sports 30 une remarque que m'avait faite Jacques Demers durant le tournoi de golf du Canadien. Selon lui, l'édition actuelle du Canadien est la meilleure qu'il ait vue depuis celle qui a remporté la coupe Stanley en 1993.

Immédiatement, des médias ont tenté d'entrer en communication avec lui pour obtenir des explications sur cette étonnante déclaration. S'était-il laissé emporter par l'émotion? Cherchait-il à plaire à un public mordu du Canadien?

Étrangement, Michel Therrien, un autre «ex» du Canadien derrière le banc, y est allé de la même déclaration à l'Antichambre, il y a deux jours.

S'il y a un entraîneur bien placé pour établir un parallèle entre les équipes de 1993 et de 2011, c'est bien Demers qui était au coeur de l'action quand l'équipe a gagné sa dernière coupe. En outre, quand son commentaire est appuyé par un autre entraîneur, doit-on vraiment voir dans son analyse un élan d'optimisme démesuré de sa part?

«Je n'aurais pas voulu me couvrir de ridicule avec une affirmation qui n'aurait fait aucun sens, précise-t-il. J'ai bien analysé les deux équipes et j'en suis venu à la conclusion que la formation de Jacques Martin se rapproche de celle de 1993. Comprenez-moi bien. Je ne dis pas que le Canadien va gagner la coupe Stanley le printemps prochain. Je crois toutefois que l'équipe causera des surprises dans l'Association Est.»

Ça ne veut même pas dire pour autant que le Canadien représentera la meilleure formation dans l'Est où les champions en titre, les Bruins de Boston, occupent déjà une bonne partie du territoire. Cela signifie surtout, selon lui, qu'il ne faudra pas prendre le Canadien à la légère. Ce que réussiront les Bruins n'étonnera personne puisqu'ils ont déjà tout raflé la saison dernière. Le Canadien, par contre, pourrait faire ravaler à certains observateurs leurs prévisions pessimistes au sujet du Bleu, Blanc, Rouge.

«C'est la première fois que je fais une telle affirmation depuis que nous avons gagné la coupe, ajoute le coach devenu sénateur qui a récemment annoncé sa retraite des médias électroniques. J'ai mes raisons. L'édition actuelle du Canadien me rappelle d'une certaine façon celle que j'ai dirigée en 1993.»

Ça mérite des explications et Demers nous les offre sans se faire prier.

«Dans les buts, nous possédions le meilleur gardien de la ligue en Patrick Roy. Actuellement, je classe Carey Price parmi les cinq premiers gardiens du circuit et j'estime qu'il pourrait peut-être gravir deux ou trois échelons cette saison.» Avantage Canadien de 1993.

À la ligne bleue, mes trois piliers étaient Éric Desjardins, Mathieu Schneider et Patrice Brisebois. Nous avions deux autres défenseurs efficaces en Kevin Haller et Jean-Jacques Daigneault. Chez le Canadien, les trois premiers défenseurs sont Andreï Markov, P.K. Subban et Josh Gorges. Si Markov reste en santé, il sera encore un élément-clé de l'équipe. Subban, qui va jouer 27 ou 28 minutes par match, peut devenir une force dans la Ligue nationale dès sa deuxième saison tandis que Gorges est un guerrier fiable.»
Il n'y avait pas de Subban en 1993

Demers enchaîne. «Desjardins pouvait être utilisé dans toutes les situations, mais il était moins spectaculaire que Markov. Je ne veux pas comparer le talent individuel des joueurs, mais avec Desjardins, nous avons gagné une coupe Stanley. Markov, lui, ne l'a pas gagnée encore. Schneider était notre quart-arrière à la ligne bleue et Brisebois était solide dans son rôle. Par contre, nous n'avions pas de P.K. Subban.»

Selon lui, Hal Gill et Jaroslav Spacek sont des défenseurs lents, mais toujours capables d'effectuer le travail. La défense du Canadien sera probablement plus mobile que celle de l'an dernier grâce à Yannick Weber et possiblement Alexei Yemelin. Avantage Canadien de 2011.

C'est à l'attaque que les forces deviennent contradictoires. En route vers cette coupe Stanley, Serge Savard avait déniché quelques marqueurs qui avaient permis à Demers de se donner des trios productifs.

Peut-être pour la première fois en 18 ans, le Canadien est en mesure de présenter trois trios menaçants depuis la précieuse acquisition d'Erik Cole. Toutefois, les Cammalleri, Gionta, Pacioretty, Kostitsyn, Plekanec , Gomez et Cole n'ont pas le compas dans l'oeil comme c'était le cas pour Brian Bellows (40 buts), Vincent Damphousse (39) et Kirk Muller (37). En prime, Stephan Lebeau, un produit de l'organisation, avait connu une saison de 31 buts.
En comparaison, le Canadien n'a pas revendiqué un seul marqueur de 30 buts l'an dernier.

«Je dois dire que je possédais un élément important que le Canadien n'a pas actuellement, admet l'entraîneur. J'avais Kirk Muller au centre.»

Ça va plus loin que cela. La majorité des observateurs sont d'avis que le Canadien ne pourra jamais aspirer aux grands honneurs avec deux premiers centres (Gomez et Plekanec) de petite taille.

«Mais on ne peut pas ignorer qu'il y a du talent offensif avec les Cole, Gionta, Plekanec, Cammalleri, Pacioretty et Kostitsyn», ajoute-t-il. Avantage à l'équipe de 1993.

Autre élément à considérer dans cette comparaison entre deux équipes somme toute assez différentes: la parité dans la Ligue nationale était loin d'être la même il y a plus de 15 ans.

Dès l'ouverture des présents camps d'entraînement, on pouvait déjà identifier une bonne douzaine de formations potentiellement capables de remporter la prochaine coupe. Or, Demers se souvient que son équipe n'avait pas été identifiée parmi les favorites pour gagner le championnat. Juste pour vous dire, le Canadien avait bouclé la saison à 17 points des Penguins de Pittsburgh qui n'avaient pas franchi la troisième ronde par la suite.

Le groupe dirigé par Demers était uni. Celui du Canadien l'est de plus en plus depuis le départ de quelques vétérans centrés sur eux-mêmes, il y a deux ans.

«On sent le Canadien nettement plus uni, note l'ex-entraîneur. Il a fallu qu'on y mette le temps pour éliminer les cliques. Je dirais qu'il n'y a plus qu'un seul vétéran à prendre avec des pincettes et c'est Cammalleri».

Demers ajoute enfin qu'il y avait trois gagnants de la coupe à son service (Roy, Ramage et Carbonneau). L'équipe actuelle en aligne cinq, ce qui peut faire une différence importante en bout de ligne.

Selon lui, le Canadien possède aussi deux joueurs de concession en Price et Subban et un troisième qui va le devenir en Pacioretty. En 1993, l'équipe n'en possédait qu'un seul : Patrick Roy.

En résumé, le groupe de Demers était plus solide à l'attaque et dans les buts. Celui de Martin est nettement supérieur à la ligne bleue. Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis deux ans, ce qui permet à Demers d'affirmer que le Canadien, dans son allure actuelle, est la meilleure formation montréalaise depuis celle qui a provoqué l'hystérie dans la ville il y a 18 ans.

On verra bien. Il pourrait se produire tellement d'éléments imprévus avant les séries du printemps prochain.