Ce que Geoff Molson a déclaré aux gens des médias qui couvrent la réunion des gouverneurs de la Ligue nationale à Pebble Beach n'a pas plu à tout le monde. Disons qu'il n'a pas tenu un discours très populaire dans un moment où le public n'en peut plus de voir le Canadien faire du sur place, ce qui l'incite à exiger vigoureusement des têtes. C'était vrai durant le dernier périple de l'équipe et ça l'est davantage depuis cette défaite puante contre Columbus.

Contrairement à ce qu'on a l'habitude de voir ailleurs dans le sport professionnel, la profession de foi du propriétaire n'avait rien d'un vote de confiance hypocrite qui précède souvent un ou deux congédiements. Il a analysé froidement la situation de l'équipe et a offert sa vision du rendement de ses deux hommes de hockey dont les têtes sont parfois mises à prix. Sa conclusion est claire : Pierre Gauthier et Jacques Martin savent ce qu'ils font, point final.

Il a manifesté la même confiance à l'endroit des joueurs, allant même jusqu'à dire que le genou d'Andrei Markov est en bon état. Faudrait pas qu'il en mette trop s'il veut conserver son capital de sympathie.

En fait, M. Molson chante le même refrain que l'homme avec lequel il est en contact quotidien, Pierre Gauthier. On les entend d'ici. Le gardien est l'un des meilleurs du circuit. La défense amochée, qui ne se défend pas si mal, sera étanche quand Markov, Spacek et Campoli seront de retour. L'équipe est petite, mais rapide. Le travail en infériorité est sans bavure. Seule l'attaque massive est dérisoire.

Devant son téléviseur, à Pebble Beach, le propriétaire a sans doute noté les huées entendues à partir du second engagement. Malheureusement, il n'a pas pu voir la sortie hâtive de plusieurs dizaines de spectateurs dégoûtés qui ont quitté les lieux en maudissant le hockey de «pousseux de puck» qui venait de les arnaquer à nouveau.

Geoff Molson est allé au bâton pour son équipe et sa bande de joueurs, qui devrait normalement faire sa fierté, l'a bêtement laissé tomber contre la pire équipe de la ligue. Mardi, Canadiens et Blue Jackets, c'était du pareil au même. Des formations de seconde classe.

Ne vous attendez pas à ce qu'il revienne sur ses propos optimistes. Cela ne serait pas très fidèle à sa personnalité. À la fin d'octobre, quand le Canadien occupait la 29e place au classement après un départ d'une seule victoire en huit matchs, j'avais écrit que le président-propriétaire ne donnerait pas un coup de barre tant que l'effondrement de sa formation ne la mènerait pas à une exclusion des séries, provoquant ainsi un manque à gagner de plusieurs millions de dollars pour ses associés et lui. Et j'avais ajouté qu'il faudra vraiment que M. Molson soit piqué au vif dans sa fierté personnelle pour opérer un grand ménage. C'était assez évident qu'il n'en était pas là dans le temps et qu'il n'en est toujours pas là cinq semaines plus tard.

On le connaît encore relativement peu, mais Geoff Molson a fait la démonstration, depuis qu'il a procédé à l'achat du Canadien avec un groupe de partenaires aux poches profondes, qu'il est un homme pondéré qui ne se laissera pas balayer par la première tornade de mécontentement à s'abattre sur le Centre Bell. De tous les gens qui ont investi dans l'achat de l'équipe, il était certes l'homme le mieux qualifié pour en prendre charge. Un premier dirigeant émotif aurait probablement déjà viré la cabane à l'envers, ce qui aurait peut-être fait du Canadien une formation plus mauvaise et plus embarrassante encore.

Quand le leader de l'entreprise a un plan, il le suit sans faire de bruit. Quand il a pris possession de son bureau, au septième étage du Centre Bell, le 1er décembre 2009, il savait sans doute qu'il ne ferait pas un long bout de chemin avec Ray Lalonde, responsable de quelques grands coups de marketing et chef d'orchestre des célébrations du centenaire de l'organisation. L'ex-propriétaire George Gillett considérait Lalonde comme un génie, même s'il était visiblement controversé à l'intérieur de l'organisation. Molson savait cela bien avant son entrée au Centre Bell.

Il y a mis le temps. On a appris, 14 mois plus tard, que Lalonde n'était plus à l'emploi du Canadien. Un président pressé, serait passé aux actes beaucoup plus tôt.

Par ailleurs, c'était inévitable qu'il s'installe éventuellement dans la chaise du président. C'était son entreprise, après tout. C'était normal qu'il désire en contrôler l'entière direction. Il n'avait absolument rien contre Pierre Boivin, un administrateur qui a rempli les coffres de l'organisation de plusieurs millions de dollars, mais le Canadien ne pouvait pas revendiquer une direction à deux têtes. Par respect pour Boivin, il a donc annoncé qu'il s'accordait une année complète pour compléter la passation des pouvoirs.

Un public exaspéré a un certain pouvoir

Ce que Geoff Molson a révélé aux médias a déçu une bonne partie de sa clientèle car, année après année, l'histoire se répète. L'équipe tourne en rond en étant constamment menacée de rater une participation aux séries.

Les amateurs sont à ce point désabusés qu'ils en viennent à considérer l'absence de cinq ou six joueurs comme un fait anodin. Des blessés, toutes les formations en ont, n'est-ce pas? Sauf qu'ailleurs, on se retrousse habituellement les manches pour faire oublier les absents. On joue avec conviction et intensité, comme les Penguins l'ont clairement démontré sans Sidney Crosby et Evgeni Malkin. Ici, au lieu de remplacer adéquatement les blessés, on préfère les attendre.

M. Molson est convaincu que le duo Gauthier-Martin a la compétence voulue pour garder l'équipe à flot dans l'adversité. Comme il semble croire dur comme fer que Scott Gomez est un gagnant qui exerce un impact en séries, même s'il n'a marqué que quatre buts au cours des trois dernières années, dont aucun l'an dernier.

Bref, il s'est comporté en joueur d'équipe en ne blâmant personne et en trouvant facilement des facteurs positifs où il n'y en a pas. Les joueurs d'équipe, c'est bien connu, se font un point d'honneur de ne jamais blâmer les membres de leur entourage.

Si jamais le Canadien ne participe pas aux séries, j'imagine qu'il sera toujours temps pour lui de passer aux actes. Un manque à gagner de plusieurs millions de dollars mène parfois à de très importantes décisions.

Un peu comme il l'a fait dans le cas de Ray Lalonde et de Pierre Boivin, il laissera le temps faire son oeuvre. Comme il est d'un naturel patient, il ne bougera pas. Il serait sans doute illogique de faire maison nette en plein coeur d'une saison quand les meilleurs hommes de hockey de la ligue ont tous un job. Pour remplacer un directeur général et un entraîneur, il faut pouvoir en embaucher des meilleurs.

Pour le moment, il croit que son équipe a plus de talent qu'elle en a l'air puisqu'elle est revenue de sa série de trois matchs dans l'Ouest à cheval sur la huitième place malgré l'absence de six joueurs.

Quand on est patient de nature, on a tendance à faire confiance à son jugement à l'heure des grandes décisions. Mais la patience a aussi un prix. Espérons pour lui que les décisions qu'il aura à prendre dans l'avenir n'arriveront pas avec trop de retard.

En attendant, libre au public d'aller applaudir ce manque d'effort généralisé ou de rester à la maison jusqu'à ce qu'on change les choses. Les amateurs ont bien plus de pouvoir qu'ils le croient.