MONTRÉAL - Sans doute conscient qu'il n'aurait servi à rien de tenir un entraînement, que ce soit pour punir ses joueurs ou simplement pour corriger leurs mauvaises habitudes, Randy Cunneyworth a annulé la séance qui était prévue vendredi matin au Complexe sportif Bell à Brossard.

Les joueurs du Canadien auront donc droit à trois jours de congé pendant la pause de Noël. Ils n'enfileront les patins que lundi à midi, à la veille du match qu'ils disputeront à Ottawa contre les Sénateurs. Le Tricolore prendra part la semaine prochaine aux trois dernières rencontres d'une série de six à l'étranger, et cherchera alors à signer un premier gain depuis le congédiement de Jacques Martin.

Le répit du week-end permettra peut-être d'atténuer la tempête de relations publiques qui s'abat sur l'équipe depuis une semaine.

Un tantinet du moins. Mais pas complètement, d'après le gourou du marketing sportif au Québec, Jean Gosselin.

«Le vent va peut-être souffler un peu moins fort mais il va encore y en avoir», a commenté l'ancien conseiller en affaires publiques du Comité olympique canadien et du cabinet de relations publiques National.

«Présentement, au point de vue sportif, l'équipe ne va pas bien. À ce moment-là, la critique est toujours plus facile, souligne-t-il. Les spéculations de toutes sortes s'amplifient. Tout ce qui est en périphérie prend soudainement un grand intérêt parce que la base-même de l'intérêt, la performance, n'en a plus. On regarde donc ce qui est autour. On cherche des explications. On spécule sur ci et sur ça. On invente parfois des choses. On en profite pour régler des comptes et pour passer des messages, pour mettre de l'avant ses propres visions. Ça crée le tumulte qu'on connaît.»

Un tumulte tel que même des intervenants qui ne se mêlent habituellement pas de sport — tels que politiciens et groupes de pression — l'ont fait ces derniers jours.

«C'est le principe de la saucisse, explique Gosselin. Plus le monde critique, plus ça porte le monde à critiquer et plus tu te sens autorisé à critiquer. Et comme on est dans un milieu où, en bout de ligne, ç'a peu de conséquences sur la vie d'un peuple, on peut se permettre d'aller un peu plus loin.»

Il y a donc un effet d'entraînement qui empêche ou, à tout le moins, décourage les voix de la raison de se faire entendre. À ce titre, un bon exemple du passé est la décision d'échanger Jaroslav Halak. À l'époque, ç'avait mené à une crise de relations publiques là aussi. Mais aujourd'hui, le choix de lui avoir préféré Carey Price fait consensus.

«Les experts du monde du hockey comprenaient très bien quelle était la stratégie du Canadien. Mais où étaient-ils pour nous l'expliquer quand la crise est arrivée? La plupart ont choisi d'embarquer dans la chorale, rappelle Gosselin. Si moi je suis capable de comprendre que Halak a joué au-dessus de sa tête pendant un mois, pourquoi on hésitait à le souligner?»

La solution

Le meilleur remède pour que le discours ambiant actuel retourne à la normale, selon Gosselin, en est un qui relève des opérations hockey du CH.

«Ça va se passer sur la glace, souligne-t-il. Il n'y a rien en matière de relations publiques qui va pouvoir changer la situation. On est dans une domaine où le produit fait la démonstration de sa qualité à chaque fois qu'il est présenté sur la glace.

«Imaginons une compagnie qui vend des petits pois et qui, à chaque fois qu'on ouvre une conserve, les pois ne sont pas mangeables... La compagnie aura beau faire les plus belles opérations de relations publiques, ils vont continuer à se faire critiquer et les gens vont arrêter d'acheter ces pois-là.

«Le Canadien, du point de vue des affaires, jouit d'une situation un peu spéciale parce que les gens continuent quand même à consommer son produit. Reste que les relations publiques ne peuvent pas, à ce moment-ci, sauver la situation. Ça va se passer sur la glace.

«Ce sont les prochains gestes de l'équipe qui vont répondre aux questions. Peu importe ce que vont dire les dirigeants, à ce stade-ci — 'On travaille fort, on en tient compte, etc.'—, ça ne reste que des paroles. Ce sont les gestes qui vont démontrer que l'équipe livre la marchandise.

«Et je ne pense pas qu'il faille nécessairement gagner les 14 prochains matchs. Ce que le public veut, je pense, c'est un minimum d'espoir, une équipe qui montre qui sait où elle s'en va.»

Ce qu'il aurait fallu faire

Selon Gosselin, le directeur général Pierre Gauthier aurait dû d'entrée de jeu aborder le sujet de l'unilinguisme de Cunneyworth, samedi dernier, en point de presse.

«Il a attendu la question, et même en admettant qu'il fallait qu'il attende que la question soit posée, sa réponse a contribué à attiser la polémique plutôt qu'à l'atténuer», a souligné l'ancien vice-président des affaires publiques chez National.

«Le premier conseil — et généralement c'est le plus difficile à suivre — c'est d'admettre dès le départ l'erreur que tu as commise. Ou si ce n'est pas une erreur, c'est de reconnaître la situation à laquelle tu fais face. Tu n'essaies pas de maquiller ou d'envelopper... Dès que tu commences à patiner un peu, les gens savent que quelque chose ne marche pas.

«Le problème, souvent — et c'est très humain — c'est qu'on sait qu'il va y avoir un coup de vent et on n'a peut-être pas envie d'être dans le vent. Mais de tous temps, le meilleur remède c'est d'admettre la situation et dire, voici, on n'avait pas le choix, pour telle ou telle raison.

«Si tu n'es pas sincère et si tu n'es pas transparent dans ta façon de faire, les gens ne te croiront pas et ne te suivront pas.»