À la suite de la séquence désastreuse que connaît le Canadien et du manque de jugement de Pierre Gauthier, qui a commis une gaffe qui ne pourra être réparée avant un certain temps, le nom d'André Savard a refait surface dans l'actualité.

Plusieurs croient, probablement avec raison, qu'il a été le directeur général le plus efficace du Canadien depuis le remplacement de Serge Savard. Il a été supérieur à Réjean Houle, qui ne possédait aucune expérience, et meilleur que Bob Gainey et Pierre Gauthier qui en avaient déjà beaucoup. Sans doute parce qu'il a commis moins d'erreurs que ses prédécesseurs tout en travaillant dans des conditions différentes et avec un budget nettement plus limité.

Il a remodelé le département de recrutement de l'organisation en commençant par déraciner d'Ottawa un homme qui, croyait-il, pouvait l'aider dans sa mission, Trevor Timmins. Lui-même un recruteur réputé, Savard s'est impliqué dans ce secteur qui, depuis 1994, avait vu l'équipe rater son coup avec ses choix de première ronde sept fois en sept ans. Fallait le faire.

Vous voulez des noms? Brad Brown, Terry Ryan, Matt Higgins, Jason Ward, Éric Chouinard, Ron Hainsey et Marcel Hossa. Sept ans de malheur. Et on se demande pourquoi l'équipe végète depuis sa dernière coupe Stanley. À cette liste futile, il faut ajouter les noms de Kyle Chipchura en 2004, de David Fischer en 2006 et de Ryan McDonagh en 2007. McDonagh a été une rare bonne sélection de l'équipe que Bob Gainey s'est empressé d'échanger sans même prendre le temps de le regarder et sans consulter Timmins qui le voyait dans sa soupe. Le défenseur de 22 ans appartient aujourd'hui au groupe des quatre premiers défenseurs des Rangers.

André Savard, lui, a orchestré les séances de repêchage de 2001, 2002 et 2003 à titre de directeur général. En 2001, il a choisi Mike Komisarek, Alexander Perezhogin (qui a préféré retourner en Russie parce que sa graduation à Montréal ne se faisait pas assez rapidement) et Tomas Plekanec. En 2002, qui a été une mauvaise année de repêchage pour l'ensemble de la ligue, son premier choix a été Christopher Higgins. En 2003, il a choisi Andrei Kostitsyn, Maxim Lapierre, Ryan O'Byrne et Jaroslav Halak.

Il faut toutefois apporter une précision au sujet de la cuvée 2003. Kostitsyn a été préféré à des joueurs plus talentueux comme Jeff Carter, Zach Parise, Ryan Getzlaf, Corey Perry et Patrice Bergeron.

Savard n'a jamais caché que son choix personnel aurait été Carter. Ce jour-là, il n'a pas mis son pied à terre devant Timmins et ses recruteurs parce qu'il vivait ses dernières heures à titre de directeur général. C'est une décision qu'il aurait été mal à l'aise de prendre dans les circonstances.

«Je me suis présenté à ce repêchage en sachant que Bob Gainey, qui venait d'être embauché, serait le patron dès le lendemain, rappelle-t-il. Tout ce que j'avais demandé à Trevor Timmins, c'était de s'assurer de recevoir le feu vert des médecins au sujet de Kostitsyn qui était épileptique. Il a reçu l'assurance que des médicaments appropriés ne l'empêcheraient pas de connaître une belle carrière. Malgré tout, si j'avais été en position de force, j'aurais réclamé Carter. Un seul joueur comme lui fait toute une différence dans une équipe.»

Il a aussi fait confiance à ses éclaireurs puisqu'à titre de directeur général, il n'avait pas eu le temps d'aller observer les Parise, Getzlaf, Perry et Bergeron. Gainey, faut-il le préciser, en connaissait encore moins que lui sur les joueurs de cette séance de sélection.

Bergeron, qui a été réclamé en deuxième ronde par les Bruins, a mérité un poste dans la Ligue nationale sur-le-champ. Or, aucun des éclaireurs à la table du Canadien n'avait le nom de Bergeron sur sa liste pour les deux premières rondes.

Une injustice à réparer

Savard était du genre réservé. Il exerçait un leadership tranquille au septième étage. Il n'avait pas la personnalité flamboyante des directeurs généraux les plus en vue et il était probablement trop franc pour exercer ce rôle. Quand une question directe lui était posée, son langage corporel confirmait souvent la réponse qu'il ne voulait pas donner. Il faut être un habile menteur devant les médias pour occuper cette fonction. Savard était tout, sauf ça.

Néanmoins, pour la qualité de son travail, pour ses connaissances à divers paliers (il a été joueur, recruteur, directeur du recrutement, entraîneur adjoint, entraîneur-chef, directeur du personnel des joueurs à son arrivée avec le Canadien, puis directeur général) et pour son flair pour détecter le talent amateur, il mérite très certainement que Geoff Molson lui trouve une niche dans son prochain organigramme quand viendra l'heure des grandes décisions. Ne serait-ce que pour le mauvais rôle qu'on lui a fait jouer quand on lui avait demandé de céder sa place à Gainey.

Dans une mascarade mal ficelée, on l'avait obligé à confirmer en conférence de presse qu'il avait lui-même suggéré l'embauche de Gainey pour le remplacer. Sur l'estrade en compagnie et de Pierre Boivin et de Gainey, Savard a projeté l'image de ce qu'il a été ce jour-là : un homme bêtement sacrifié.

Alors qu'un grand ménage s'annonce, le président de l'organisation aura besoin de plusieurs bonnes têtes de hockey à diverses positions. Savard est sûrement un candidat de valeur dont il faudra tenir des compétences. Surtout si Geoff Molson veut ajouter des gens d'ici à son personnel. Connaissez-vous d'autres Québécois qui ont occupé autant de fonctions au niveau professionnel?

S'il était resté plus longtemps...

Après un long parcours d'homme de hockey au Québec et après avoir eu le rare privilège d'être le directeur général du Canadien, Savard doit bien avoir sa petite idée sur les raisons qui font du Canadien une équipe qui ne progresse pas au rythme souhaité.
Il se redresse sur sa chaise. «N'essaie pas de me faire dire des choses que je ne veux pas dire, lance-t-il, l'air agacé. Ce n'est pas à moi de répondre à cela et ce n'est pas moi qui vais critiquer le Canadien. Ça ne me servirait à rien d'embarquer là-dedans.

Moi, je peux juste parler de ce que je connais et de ce que j'ai accompli. Quand j'ai pris la direction de l'équipe, nous étions au 30e rang. Un an plus tard, nous avons atteint les séries. Puis, nous avons battu les Bruins en six matchs, ce qui a semé l'hystérie dans la ville. Savez-vous seulement ce que cette victoire a signifié sur le plan de la rentabilité. L'engouement des amateurs est revenu. On a vendu plus d'abonnements de saison, plus de loges. Les concessions ont fait des affaires d'or. Elles n'ont pas cessé d'en faire depuis.»

Malheureusement pour lui, le Canadien a raté les séries la saison suivante, ce qui a pavé la voie à l'embauche de Gainey dont le mandat a été catastrophique.

Savard est actuellement éclaireur professionnel à l'emploi des Penguins de Pittsburgh. Est-ce qu'il lui arrive de se demander ce qu'il aurait pu accomplir à Montréal si on lui avait fait confiance plus longtemps, lui qui a été remercié après deux saisons et demie seulement?

«Nous étions définitivement sur la bonne voie, dit-il. Nous aurions pu ajouter quelques joueurs d'expérience, tout en nous donnant une bonne banque de choix au repêchage. Je pense que l'avenir aurait pu être prometteur.»

Il s'arrête là. Ce qui s'est passé avant son arrivée et après son départ ne le regarde pas. Il peut juste se dire qu'il a servi honnêtement le Canadien et qu'il n'a pas à rougir de ce qu'il a accompli.