Il y aura sans doute un facteur positif à l'effondrement du Canadien cette saison. C'est probablement la meilleure chose qui pouvait se produire au sein d'une organisation qui, d'une façon affreusement ridicule, en sera bientôt à son quatrième plan quinquennal.

Cette fois, le nouveau propriétaire de l'organisation n'a vraiment pas le choix. Geoff Molson, dont le manque à gagner causé par une exclusion des séries éliminatoires lui coûtera plusieurs millions de dollars, devra faire maison nette. Il n'y a pas que des têtes à remplacer. Il y a toute une philosophie d'entreprise à revoir.

Toutes les tentatives de relance effectuées depuis le remplacement cavalier de Serge Savard, il y a 17 ans, n'ont rien donné. Dans le temps, Ronald Corey a cru qu'il était impérieux de changer de cap. Le courant ne passait plus depuis un bon moment entre Savard et lui. Il rêvait de relancer l'équipe avec un tout nouveau personnel de direction composé d'anciens joueurs qui avaient pleinement mérité leur respectueuse appellation de Glorieux sur la patinoire, mais qui n'avaient pas la moindre expérience dans le rôle très exigeant qu'il voulait leur confier: Réjean Houle, Mario Tremblay, Yvan Cournoyer et Steve Shutt. Corey les avait choisis parce qu'ils avaient le CH tatoué sur le coeur, ce qui allait leur permettre, croyait-il, de mener l'équipe à la victoire avec toute la passion qui les animait. Visiblement, la passion n'apporte pas toutes les réponses.

Collectivement, ces quatre-là avaient remporté 25 coupes Stanley, mais aucun de ces gagnants-nés, qui avaient sué sang et eau pour l'équipe, n'avaient déjà dirigé des hommes. Et on leur demandait de faire mieux que Savard et Jacques Demers. Leurs chances d'y arriver étaient presque nulles.

Même si le duo Savard-Demers avait remporté la coupe Stanley deux ans plus tôt, Corey était déterminé de passer à autre chose. Un début de saison marqué par quatre défaites consécutives lui avait servi de prétexte pour mettre son plan à exécution.

Depuis, les hommes de hockey se sont succédés sans grands résultats. Le Canadien, qui continue d'avoir des ratés, est menacé cette saison de devenir la pire formation au Canada. Il représente actuellement, et de loin, la plus mauvaise des six équipes originales. Il est actuellement plus près de Columbus que des Bruins de Boston. Je ne crois pas que Geoff Molson apprécierait d'être reconnu comme le propriétaire ayant vécu l'une des chutes les plus spectaculaires dans l'histoire de l'organisation, mais il est bien parti pour le devenir.

Voilà en bonne partie pourquoi on est à la veille d'assister à un troisième coup de vadrouille après ceux de 1983 et de 1995.

Des partenaires à rassurer

Le Canadien arrive donc à un autre tournant de son histoire. Geoff Molson, qui a des comptes à rendre aux associés qu'il a entraînés dans cette aventure, ne peut laisser aller les choses en se laissant influencer par les belles intentions d'un directeur général qui a fait son temps. Quelques-uns de ses partenaires en affaires, qui sont déçus, voire mécontents, de constater que leur investissement n'est peut-être pas aussi florissant qu'il en avait l'air au moment de l'achat de l'équipe, ont certainement besoin d'être rassurés.

Molson devra passer aux actes pour éviter la répétition du bain de sang financier qui s'annonce et pour redonner à l'organisation une partie de son lustre d'antan. À l'avenir, il serait peut-être préférable pour lui d'exercer un meilleur contrôle sur les décisions du directeur général. C'est la grande mode parmi les propriétaires de la ligue.

Disons que celle d'accorder 5,5 millions $ par saison à Andrei Markov se comprend dans un certain sens, même si Pierre Gauthier aurait dû agir prudemment en se limitant à une entente de deux ans. Les médecins, qui croyaient le défenseur pratiquement guéri, avaient assuré la direction de l'équipe que son genou tiendrait le coup au coeur de l'action. Le risque semblait justifié. Les conséquences ont été désastreuses.

Par contre, les acquisitions de Chris Campoli (1,7 million) et de Tomas Kaberle (près de 9 millions au cours des deux prochaines années) constituent un pur gaspillage. Sans compter les trois millions qu'on devra verser à Jacques Martin pour respecter son statut de chômeur. Et on ne parle même pas de la nomination d'un coach unilingue anglophone approuvée, contre toute logique, par Molson qui a vu sa belle image écorchée au passage.

Le Canadien avance à tâtons depuis l'arrivée d'un prétendu sauveur, Bob Gainey, dont le règne et celui de son successeur, Pierre Gauthier, ont été marqués par une agaçante improvisation. Ni un ni l'autre n'auront laissé une empreinte gagnante en haut lieu, de sorte que le propriétaire se retrouve maintenant dans l'obligation de réparer un épouvantable gâchis.

Les fans du Canadien, qui achètent encore le produit pour l'instant, voient en Geoff Molson le seul homme encore capable de faire du Canadien une équipe respectable. S'il les déçoit au cours de la saison morte, le lien de confiance entre eux et l'équipe, risque d'être rompu pour longtemps. L'époque des belles résolutions et des promesses non tenues tire à sa fin, pas de doute.

On n'en peut plus de cette équipe de fond de classement qui a inventé toutes les façons de perdre cette saison. Le Canadien, qui n'a jamais joué pour .500, doit cesser de s'appuyer pompeusement sur sa liste d'attente d'acheteurs potentiels d'abonnements de saison et s'appliquer plutôt à évaluer le rendement des hommes de hockey qui ont laissé la machine s'enliser jusqu'aux essieux.

Mardi, la victoire sur les Penguins a été spectaculaire, belle à voir. Ce qu'il faut chercher à savoir, c'est pourquoi le Canadien est capable d'une telle performance une fois par mois? Parfois par deux mois.