Pierre Gauthier a un surnom dans les cercles du hockey: The Ghost. Le Fantôme. Il n'est sûrement pas le genre de fantôme qu'on souhaite voir s'installer dans les murs du Centre Bell pour les générations à venir. Il ne mérite surtout pas qu'on lui reconnaisse la prestance d'un ancien Canadien.

Gauthier et l'ami personnel qui l'avait embauché il y a plus de huit ans, Bob Gainey, ne font plus partie de l'organisation qu'ils ont fait culbuter d'une façon aussi gênante que spectaculaire, malgré leur bon vouloir, en l'espace de quelques années seulement.

Gauthier a commencé à exercer son influence sur Gainey après le drame familial qui l'a frappé. Il a pris du galon durant son absence prolongée. Quand l'ex-directeur général a repris sa place, la mort dans l'âme, le coeur n'y était plus au boulot. Gauthier l'a constamment épaulé par la suite.

Qui des deux a pris les décisions les plus importantes? Qui a pris les plus désastreuses? On ne le saura jamais.

Toutefois, l'histoire retiendra que sous leur gouverne, le Canadien est devenu la risée de la ligue. C'est uniquement parce que les Blue Jackets de Columbus n'ont pas l'intelligence, le flair et l'expertise requises pour quitter les bas-fonds du classement que le Canadien, l'organisation la plus décorée du hockey, terminera la présente campagne au 29e rang.

Le propriétaire Geoff Molson, en annonçant le départ de Gauthier et de Gainey et en s'appropriant la solide expérience de Serge Savard, a expliqué avoir attendu l'élimination officielle de l'équipe avant de passer aux actes.

Traduction libre: Devant la grogne publique, les nombreux sièges inoccupés, la pression de ses associés et le possible retour des Nordiques dans le décor québécois, il fallait faire vite pour raviver l'espoir au sein d'un public de plus en plus mécontent.

À Montréal, un grand ménage cache souvent une habile opération de marketing. On remplace des hommes fautifs par des gens qu'on dit supérieurs. Souvent, il s'agit de futiles coups d'épée dans l'eau, comme on l'a d'ailleurs vu à maintes reprises depuis 1995.

Cette fois, la marge d'erreur de la haute direction est inexistante. Le Canadien ne peut pas chuter plus bas dans l'Est. Dans les circonstances, la moindre improvisation de la part de Molson serait catastrophique, tant sur le plan financier qu'au point de vue de l'attachement volatile de sa clientèle. C'est sans doute ce qui explique qu'il ait fait appel au dernier directeur général à avoir gagné la coupe Stanley pour le guider pour la suite des choses.

Savard a du coffre. Il n'avait certainement pas besoin d'un salaire pour arrondir ses fins de mois. Il arrive à la rescousse d'une équipe qui a été toute sa vie. Une formation avec laquelle il a amassé dix bagues de la coupe Stanley, dont huit à titre de défenseur, quand il a gravi tous les échelons après avoir quitté son Abitibi natale pour faire ses premiers pas avec le Canadien junior.

Le Sénateur veut faire partie de la solution. Il faut souhaiter que Geoff Molson lui accorde toute la place qu'il devrait occuper sur le plan décisionnel. Le jeune propriétaire a une réputation parmi ceux qui le connaissent de longue date. On dit qu'il écoute ce qu'on lui glisse à l'oreille, mais qu'il n'en fait néanmoins qu'à sa tête. Ce qui serait particulièrement illogique dans le cas présent.

Quand on connaîtra la suite des choses quelques jours après la fin de cette désastreuse et interminable saison, on pourra peut-être parler à nouveau de crédibilité chez le Canadien. On pourra peut-être aussi espérer la fin d'une longue période d'improvisation. Une improvisation qui a coûté jusqu'ici très cher à l'ensemble des propriétaires du Canadien.

On présume que le remplacement de Pierre Boivin par Molson a été accompagné d'une généreuse prime de départ. On paie encore le salaire de Jacques Martin et de son adjoint Perry Pearn. Gauthier ne part sans doute pas les mains vides. Et Gainey, qui a déjà reçu un cadeau princier de cinq millions de dollars de George Gillett à la suite de la vente de l'équipe, peut maintenant aller apprécier pleinement sa nouvelle vie de retraité quelque part avec les siens.

Par ailleurs, j'ose espérer que Gauthier n'a pas eu l'idée saugrenue d'ajouter une année au contrat de Randy Cunneyworth quand il en a fait le premier coach unilingue anglophone du Canadien en plus de 40 ans.

Reconstruction ratée

Malgré le fait que Gauthier ait été à la tête de trois équipes et Gainey de deux, ces deux-là ont accumulé les décisions erronées. C'était écrit dans le ciel que Gauthier serait remercié. Seule la date de son congédiement était inconnue.

En moins de 26 mois à titre de directeur général, il a pris des décisions qui lui ont rebondi en plein visage. Il a laissé partir Roman Hamrlik sans savoir ce qu'il adviendrait d'Andreï Markov. Une gaffe qu'il a tenté de réparer plus tard en allant chercher un défenseur inefficace défensivement, Tomas Kaberle, dont le salaire hypothèquera lourdement la masse salariale du Canadien pour les deux prochaines années.

On retiendra surtout qu'il a joué un rôle important dans l'ombre de Gainey qui a tenté d'y aller au plus pressant dans une tentative de reconstruction qui a mal tourné. Les raccourcis fonctionnent rarement dans le sport professionnel.

On pense notamment à l'acquisition onéreuse et à très long terme du trio Gomez-Gionta-Cammalleri. On se rappelle aussi qu'ils ont choisi Jaroslav Spacek au détriment d'un Québécois costaud et fort comme un boeuf, François Beauchemin, qui ne demandait qu'à endosser cet uniforme.

Au cours du même été, on s'est aussi débarrassé d'Alex Tanguay d'une façon disgracieuse après avoir ignoré la promesse qu'on lui avait faite de négocier avec lui. Et que dire de ce qui vient de se passer dans le cas de Cammalleri quand Jay Feaster, de Calgary, en a passé une vite à Gauthier en lui refilant un joueur encore moins vaillant que l'était Alex Kovalev.

Le Canadien a toujours représenté une source de fierté dans cette ville. Ce n'est plus vraiment le cas, même si on sait tous qu'il en faudrait peu pour semer la frénésie dans le Centre Bell. Quelques têtes crédibles et expérimentées à la barre de l'équipe, une ou deux transactions majeures, le départ de quelques bois morts et l'arrivée de recrues prometteuses et on danserait à nouveau dans la place en passant rapidement l'éponge sur l'une des saisons les plus embarrassantes que le hockey montréalais ait connue.

J'imagine qu'il n'a pas été facile pour Geoff Molson de suggérer à Gainey de rentrer chez lui. On parle ici du meilleur capitaine dans l'histoire du Canadien après Jean Béliveau, d'un membre du Panthéon et d'un joueur dont le dossard côtoie ceux des membres les plus illustres de l'organisation dans les hauteurs d'un édifice qui, lui, est toujours sans histoire.

Serge Savard était au Panthéon lui aussi. Il avait gagné deux coupes Stanley à titre de directeur général quand on l'a remplacé. C'était un geste injustifié de Ronald Corey à l'époque. Même s'il ne jouira pas du même pouvoir décisionnel qu'à l'époque, Savard est finalement revenu par la grande porte hier.

Adjoint de qui?

Larry Carrière n'aurait jamais dû travailler aux côtés de Randy Cunneyworth derrière le banc. Il n'a jamais été un entraîneur et n'a jamais visé à le devenir.

Geoff Molson a confirmé qu'il retournait à son rôle d'adjoint au directeur général. Plutôt drôle comme changement. Depuis hier, Carrière est l'adjoint de personne.