Une bonne équipe, avec Erik Cole en plus. C'est ainsi que plusieurs amateurs et observateurs avaient évalué le Canadien avant le début de la saison qui se termine samedi.

La résultante, bien sûr, était une participation quasi assurée aux séries et la possibilité de rêver à un dénouement plus tardif que celui de l'an passé, contre Boston.

En ce week-end de Pâques, aux portes du dernier match contre les Leafs, plusieurs sont encore sous le choc en regardant l'équipe croupir dans les bas-fonds du classement et se demandent ce qui a bien pu se passer pour qu'on en arrive là. En remontant le courant, il y certaines étapes intéressantes qui ressortent du lot et qui nous ramènent même jusqu'aux matchs préparatoires.

Trop, c'est trop

Un camp d'entraînement et les matchs préparatoires qui l'accompagnent devraient servir idéalement à peaufiner l'exécution sur la glace, à tester différentes stratégies de jeu, à créer une chimie entre les joueurs et à donner une occasion aux jeunes d'une organisation de montrer où ils en sont dans leur développement. Dans cet ordre.

Or, en disputant 8 matchs en 12 soirs l'automne dernier, dont quatre de suite entre le 23 et le 26 septembre, le Canadien de Montréal a été forcé de s'éloigner de ces objectifs prioritaires. Jacques Martin a dû constamment fractionner son groupe pour pouvoir passer à travers les rigueurs de ce calendrier surchargé et jamais a-t-on senti une progression tangible vers le début de la vraie saison. Il a fallu, en plus, composer avec l'absence inattendue d'Andreï Markov et organiser à travers tout cela, un concours improvisé visant à combler les postes disponibles à la ligne bleue. Résultat? Une fiche de 2-6-0 en 8 rencontres et une seule petite victoire en temps règlementaire, obtenue à Québec lors du dernier match! On sait tous que ça ne compte pas pour vrai, mais on sentait déjà qu'il y avait quelque chose qui clochait sérieusement.

Fort de sa popularité, le Canadien tire de bonnes recettes de ces matchs préparatoires et reçoit de nombreuses demandes d'équipes « pauvres » qui veulent ainsi toucher une part de la cagnotte. C'est compréhensible. Mais il faudrait assurément revoir le dosage et ne pas faire de compromis quant au véritable sens de cette période de rodage.

Les vides non comblés

Très tôt dans cette nouvelle saison, l'organisation du Canadien aura aussi été victime du vide créé par le départ d'acteurs importants. Le premier qui vient à l'esprit est celui de Kirk Muller. Ce dernier était notamment responsable de la qualité du jeu de puissance au cours des dernières années. Or, cette saison, ce fut tout simplement lamentable.

Mais Muller jouait aussi (et surtout?) un rôle d'intermédiaire extrêmement important entre les joueurs et le personnel d'entraîneurs. Sans diminuer sa grande connaissance du jeu, on sait très bien que son énergie, son charisme et sa bonne humeur naturelle avaient des effets positifs importants dans l'environnement austère de l'ancien régime et on pouvait facilement saisir la confiance que lui vouait l'ensemble des joueurs. Or, sans juger qui que ce soit, il n'y avait personne pour vraiment jouer ce rôle clé, au départ, cette saison. On comprend d'ailleurs maintenant un peu mieux pourquoi Muller a brûlé les étapes vers un poste d'entraîneur dans la LNH et qu'il ait pu provoquer un revirement aussi rapide, dès son arrivée en Caroline.

L'autre vide important fut celui causé par le départ de Roman Hamrlik. La saison dernière, il fut au cœur même du rendement étonnant de l'équipe malgré les absences prolongées d'Andreï Markov et de Josh Gorges. Son âge, ses demandes salariales, la confiance de voir Markov être en parfaite santé dès le départ sont toutes des raisons qui ont incité la direction à ne pas retenir ses services. Elles sont légitimes. Mais avouons-le, personne n'a été en mesure de jouer le même rôle cette saison.

La «grande distraction»

Pas question de revenir sur le bien-fondé ou la justification du congédiement de Jacques Martin dans cette chronique. Tout a été dit et redit et votre opinion est déjà faite sur le sujet. Je crois cependant qu'il est essentiel de revenir sur l'impact qu'ont eu cette décision ainsi que le soulèvement populaire gigantesque soulevé par la nomination de son remplaçant sur le niveau de concentration des joueurs.

Ces derniers ont beau dire qu'ils ne lisent pas les journaux, n'écoutent pas la radio ou la télé, qu'ils sont immunisés contre ceci ou cela, ne vous laissez pas berner, dans ce cas-ci. Ils étaient tous bien conscients de la grogne qui sévissait un peu partout et il était facile de percevoir le très haut niveau de distraction que créait la situation auprès des joueurs. Sans l'avouer et surtout sans le vouloir, à très court terme, ils ont tous été emportés, eux aussi, par la lame de fond. Le dommage était fait. Le Canadien n'a gagné que trois matchs, entre le 17 décembre et le 18 janvier! À moyen terme, ils n'ont jamais revu la surface, en sachant dorénavant que les personnes nouvellement nommées ne seraient plus en poste à compter de l'automne 2012. C'est là où un Kirk Muller, pour y revenir, a pu s'offrir une bien meilleure entrée en matière en Caroline que son bon ami Randy Cunneyworth, à Montréal. Il savait qu'il était bien fermement en poste, à plus longue échéance.

Mauvaise évaluation des autres équipes

Par ailleurs, la direction du Canadien est probablement tombée dans le même piège que la plupart d'entre nous l'été dernier: celui de mal évaluer les autres équipes de l'Est! Ressassons nos souvenirs et mettons-nous en mode « humilité » : combien d'entre nous avaient placé les Sénateurs d'Ottawa et les Panthers de la Floride en séries? Qui, parmi nous, avaient prévu une saison de 100 points des Devils? Qui auraient cru que les Islanders, les Jets et les Maple Leafs pouvaient devancer le Canadien au classement?

L'une des réalités intéressantes du monde du sport, c'est que le rendement, individuel ou collectif, est toujours placé en relation avec celui des autres. Je suis convaincu que Pierre Gauthier a toujours cru dur comme fer que le Canadien de Montréal avait en soi une bien meilleure formation que la plupart des rivaux mentionnés plus haut. D'où le choc de voir l'équipe en stagnation dès le départ. Un choc d'une telle ampleur, qu'il a incité le DG à prendre des décisions bizarres : congédier Perry Pearn quelques minutes avant un match, remercier Jacques Martin quand l'équipe était toujours dans le coup, acquérir à prix d'or les services de Tomas Kaberle, échanger Mike Cammalleri en plein milieu d'un match auquel il participait, etc.

Et les blessures…

« Ce n'est pas une excuse, mais ça explique en partie… »

Voilà comment les dirigeants d'une équipe de hockey parlent de l'impact des blessures, la plupart du temps, devant le public. Et honnêtement, c'est une réaction tout à fait correcte.

Aucune équipe ne peut survivre à une série noire comme celle qui a marqué la saison 2011-2012 du Canadien. Aucune! Vous connaissez les chiffres effarants aussi bien que moi; ils ont été rapportés en long et en large récemment. En cette ère de plafond salarial et de partage de revenus, c'est impossible pour une formation de la LNH, même riche, de pouvoir s'acheter une profondeur illimitée.

Ce qu'il faudra faire, pour les nouveaux dirigeants, ce sera d'abord d'effectuer le travail délicat d'évaluation en tenant compte de ces circonstances exceptionnelles. Ce ne sera pas facile. Regardons par exemple l'équipe qui était sur la patinoire le 8 mars dernier, à Edmonton, la veille du retour de Markov. Comparons avec l'équipe complète qui aurait pu être sur la glace ce soir-là. Il y a un monde de différence.

Là-dessus, mes amis, place aux séries. Et dans le cas du Canadien, place aux différents évènements importants qui viendront activer le projet de relance annoncé par Geoff Molson lors du congédiement de Pierre Gauthier. Dans les deux cas, les prochaines semaines s'annoncent passionnantes!