Patrick Roy a été fort habile dans son point de presse. Durant sa carrière, il a toujours su rouler habilement autour de la question quand il ne voulait pas dévoiler sa pensée. On ne lui fera jamais dire ce qu'il ne veut pas dire.

Devant la presse québécoise cette semaine, il n'a pas tout dit. C'est sans doute vrai qu'il a apprécié sa rencontre avec Marc Bergevin. Mais ce job, il le voulait vraiment.

Roy a gagné la coupe Stanley sur la glace avec le Canadien. Il aurait bien aimé qu'on lui fournisse l'occasion d'en faire autant derrière le banc. Le dernier ancien joueur du Canadien à avoir gagné la coupe comme entraîneur est Al MacNeil qui était venu terminer la saison en catastrophe à la suite de la démission de Claude Ruel, il y a 41 ans.

Roy ne le dira pas, mais il est probablement très déçu de la tournure des choses. Frustré. Peut-être même choqué. Je le serais moi aussi si j'étais dans sa situation. Pour lui, ce n'est pas tant de ne pas avoir obtenu le poste qui est désolant. C'est le fait de ne pas avoir été traité comme un candidat de premier ordre.

De tous les candidats rencontrés par Bergevin, il était le seul qui avait déjà fait gagner le Canadien. Le seul qui méritait l'appellation enviable de Glorieux. Il était le dernier des vrais à avoir porté ce chandail. Ça méritait mieux qu'une rencontre exploratoire et une conversation du bout des lèvres qui n'a mené nulle part.

La décision avait été prise dès le départ dans son cas. Il n'a jamais été dans la course. Cette rencontre devait leur permettre de mieux se connaître. Or, elle aurait dû au moins être suivie d'une seconde discussion au cours de laquelle il aurait pu exprimer à Bergevin sa vision du Canadien et ce qu'il entendait faire pour le relancer. Elle ne lui a jamais été proposée, ce qui a été un manque de respect assez évident à son endroit.

Ce n'est sûrement pas un coup de fil de Rick Dudley qui peut être considéré comme une marque d'intérêt du Canadien. Roy n'en avait rien à cirer de Dudley. Les autres candidats non plus, d'ailleurs. Un jour, quand il dirigera une équipe dans cette ligue, Roy voudra se rapporter à une seule personne : son directeur général. À Calgary, pensez-vous un seul instant que Bob Hartley laissera un subalterne se glisser entre Jay Feaster et lui?

L'intérêt de Roy pour le poste d'entraîneur du Canadien ne datait pas d'hier. Il n'a jamais été vraiment pressé de l'obtenir parce qu'il voulait d'abord faire ses classes. Les Remparts constituaient une merveilleuse école pour lui. Cette fois, cependant, il se sentait prêt.

Un étonnant son de cloche

J'ai encore en mémoire la répartie de Jonathan Roy quand on lui avait demandé, il y a exactement trois ans, dans le cadre d'une entrevue radiophonique, s'il croyait que son père était prêt pour diriger une formation de la Ligue nationale.

Il avait répliqué qu'il était l'homme tout désigné pour diriger le Canadien. S'il y avait quelqu'un capable de rapatrier la coupe Stanley à Montréal, c'était lui. Il n'avait pas répondu directement à la question qui ne concernait que la Ligue nationale. Il n'avait parlé que du Canadien.

Sa réponse avait été si instantanée qu'il semblait assez évident qu'il avait levé le voile sans le vouloir sur des remarques entendues à la maison. Il n'avait probablement fait que répéter ce qu'il avait entendu autour de la table familiale.

Deux organisations intéressaient Roy. L'Avalanche a récemment renouvelé le contrat de Joe Sacco qui reste un coach obscur dans la Ligue nationale et le Canadien vient de lever le nez sur lui. À Québec, reste à savoir s'il se laissera tenté un jour par la possibilité de diriger une autre équipe que les Remparts.

Natif de Sainte-Foy, il est un personnage plus grand que nature dans la région de Québec où il a d'ailleurs été élu personnalité de l'année, il y a quelques années. Je doute qu'il soit intéressé à se faire marteler par la critique et éventuellement à se faire congédier dans son propre milieu.

Pour le moment, peu importe ce qu'il affirme, il se remet d'une douche froide. Il a peut-être le sentiment d'avoir été renié par une organisation à laquelle il avait déjà beaucoup donné. On a dit que Bergevin était allé le rencontrer en Floride. Nuance, le nouveau directeur général s'était rendu là-bas pour avoir un entretien avec Michel Therrien. Comme Roy était déjà là, il a fait d'une pierre deux coups.

Le Canadien n'était pas obligé d'arrêter son choix sur lui, mais il aurait dû avoir la délicatesse de le traiter comme un des grands dans l'histoire de l'équipe. Or, Roy a reçu moins de considération que Therrien, Hartley et Marc Crawford.

Il n'y a pas de quoi se réjouir pour lui.