C'était très calme dans le vestiaire du Canadien mardi matin, à quelques heures de la visite des Panthers de la Floride. Il n'y avait aucune excitation dans l'air, aucun éclat de voix entre les joueurs, pas de musique pour ajouter à l'ambiance. Rien.

Entre joueurs et journalistes, pas un traître mot au sujet d'un absent notoire, P.K. Subban. C'est comme si les joueurs s'étaient mis d'accord pour éviter de faire allusion à quelqu'un qui n'est pas là pour les aider. «Tout est si calme dans le vestiaire depuis qu'il n'est plus là», dit un coéquipier, bien calmement, sous le sceau de la confidence.

Pour des raisons strictement reliées au hockey, la nouvelle de son retour serait acceptée avec beaucoup de soulagement. P.K. a du talent à revendre. Un but ici et là, quelques précieux points dans les attaques massives et des mises en échec, aussi brutales que spectaculaires, qui font réfléchir l'adversaire pourraient probablement valoir cinq ou six points de plus au classement dans un calendrier écourté. Cinq ou six points, c'est probablement ce qui pourrait faire la différence entre une place en séries et un autre printemps les lumières fermées au Centre Bell.

Marc Bergevin, qui n'entend pas à rire quand il est question de refaire du Canadien une formation gagnante dont les partisans seront fiers, est prêt, semble-t-il, à courir ce risque. Faut applaudir sa façon de faire et louanger son cran. Depuis le temps qu'on souhaitait que l'improvisation qui a marqué le triste règne de Bob Gainey et de Pierre Gauthier prenne fin. Depuis le temps qu'on rêvait de ne plus avoir à côtoyer un directeur général qui longe les murs pour ne pas avoir à expliquer ses politiques. Ce directeur général recrue n'a peur de rien, on dirait.

Subban semble totalement inconscient du précieux temps de carrière qu'il gaspille en ce moment. Il n'a pas joué depuis le 12 avril dernier. Le lock-out et sa grève personnelle lui ont déjà coûté 36 matchs, ce qui ne semble pas trop l'inquiéter.

Quand il est arrivé avec le Canadien, il donnait l'impression d'aimer le hockey comme pas un. Il était enthousiaste, enjoué, souriant et facilement accessible. Le hockey, ce n'était pas de la business pour lui. C'était purement un jeu. On imaginait alors qu'il conserverait longtemps son coeur d'enfant. Un peu comme Sidney Crosby qui, malgré son statut de superstar, serait encore capable de chausser les patins sur une patinoire extérieure pour s'amuser avec des jeunes.

P.K., lui, est malheureusement passé à autre chose. Son carnet mondain le tient très occupé. Il est flamboyant quand il se présente à des événements sportifs. Il assiste à des spectacles avec ses chums. Il explique la météo au petit écran. Il signe des contrats de publicité. Bref, il s'occupe de lui d'abord.

On ignore ce que le Canadien lui offre comme contrat. On ne peut que spéculer là-dessus. Il s'agit probablement d'une entente de trois ans à un salaire avoisinant les trois millions, peut-être un peu plus. C'est dire qu'à 23 ans, il a la possibilité de tripler son salaire. Un salaire triplé, faut-il le dire, malgré une dernière saison acceptable au cours de laquelle il n'a sûrement pas fait une différence dans le piètre rendement de l'équipe.

S'il était mieux conseillé (je ne fais pas uniquement allusion à son agent Don Meehan) et s'il faisait preuve de plus de jugement, il serait déjà sur la glace. Mais voilà, il recherche une entente à long terme et beaucoup plus d'argent. Pourquoi? Lui seul sait ce qui trotte dans sa tête. Quel inconfort y aurait-il pour lui à accepter trois millions de dollars par saison à son âge? A l'expiration du contrat que lui propose Bergevin, s'il est toujours le surdoué qu'on voit en lui, il fera sauter la banque. Il empochera des millions et des millions pendant longtemps. À la fin de sa carrière, dans une quinzaine d'années, il aura touché plus d'argent qu'il ne pourra jamais en dépenser. Alors, c'est quoi ce besoin de faire sauter la banque après deux ans dans la ligue?

Qu'on cesse de jeter le blâme sur Don Meehan. L'agent est au service de l'athlète. Si Subban voulait vraiment retourner au jeu, ça se réglerait rapidement.

Le public comprend... pour l'instant

Quand Jacques Martin lui a fait sauter quatre matchs à sa première saison, parce qu'il n'en faisait qu'à sa tête en ignorant les directives de ses entraîneurs, il a mis le feu à la ville. Les amateurs ont crié leur désapprobation. Les médias lui ont reproché de vouloir le casser tout en courant le risque de briser son enthousiasme juvénile.

Subban ne jouit plus du même appui, ni dans les médias ni dans le public. C'est à peine si une centaine de spectateurs le réclament quand ça ne va pas bien au Centre Bell. Samedi, contre Toronto, un petit groupe dans les hauteurs de l'édifice a commencé à crier son nom. La foule n'a pas suivi, les amateurs de hockey ont vertement critiqué un lock-out pendant lequel on ne parlait que d'argent. Ils ont souvent reproché aux joueurs leur soif insatiable. Dans les circonstances, comment peuvent-ils se ranger dans le camp d'un joueur qui en réclame encore davantage.

Bien sûr, on risque de le réclamer plus bruyamment si l'équipe en arrache, mais si Bergevin est aussi rigide et aussi coriace qu'il en l'air, il résistera à cette pression. Il en va de sa crédibilité comme homme de hockey. S'il capitulait en donnant à son défenseur rebelle ce qu'il réclame, il indiquerait à Geoff Molson qu'il n'a pas la couenne aussi dure qu'il l'a démontré en entrevue.

Je parie sur Bergevin. Si Subban ne se ravise pas, il restera chez lui. Du moins, je le crois. Il en va de la structure salariale qu'il est déterminé à établir pour les années à venir. À un âge où son développement est loin d'être complété, Subban aura perdu une saison complète d'apprentissage. Un beau gâchis.

Pas exactement sorti du bois

S'il n'est pas totalement inconscient, Subban reprendra sa place dans l'équipe. Dans quelle condition physique le fera-t-il? Qui peut le dire? Il n'a pas vu d'action durant le lock-out. S'entraîne-t-il sérieusement en ce moment? Personne ne le sait. Chose sûre, même avec un nouveau contrat en poche, il ne sera pas sorti du bois. Avec Michel Therrien comme patron, il comprendra assez rapidement qu'il sera dirigé par un homme qui n'a rien de commun avec Jacques Martin et Randy Cunneyworth. Même le gros Randy Ladouceur, qui lui a déjà dit sa façon de penser, tant à l'entraînement que durant un match, était de la petite bière en comparaison de ce qui l'attend avec Therrien.

Surtout que 22 autres joueurs observeront de très près le comportement de leur nouvel entraîneur dans ce dossier. Si Bergevin joue sa crédibilité, Therrien fera de même avec son autorité. S'il y a un moment dans cette brève saison où l'entraîneur pourrait gagner des points parmi ses joueurs, c'est celui-là.

Subban devra rentrer dans le rang. Le temps est venu pour lui de comprendre qu'il n'est qu'une pièce dans le rouage de l'équipe. Il n'est pas l'équipe. Il a la responsabilité de prendre le flambeau comme tous les autres. S'il s'y refuse, sa carrière dans ce chandail ne sera pas très longue.

La série 24CH

La série documentaire 24CH, présentée conjointement par le Canadien, RDS et Bell, devrait satisfaire en bonne partie la curiosité des amateurs. Il y a longtemps que le public rêve d'entrer dans les cuisines du Canadien. Il en aura l'occasion.

Ce qui ne veut pas dire qu'on lui dira tout et qu'on lui montrera tout, malgré ce qu'on en dit. Il se pourrait qu'on lui fasse des petites cachettes.

Un premier extrait vu à L'antichambre lundi a levé le voile sur le travail de recherches et les discussions qui ont mené à l'embauche de Bergevin. Vous croyez qu'on vous a tout dit? Moi, j'ai trouvé qu'il en manquait un petit bout.

Dans une conversation téléphonique avec Serge Savard, le propriétaire de l'équipe lui a fait part qu'il y avait une liste de six candidats. Il a mentionné les noms de Bergevin et de Julien Brisebois avant d'être interrompu par une remarque de Savard. La nomenclature de Molson s'est arrêtée là. Les quatre autres noms sont disparus au montage. Les médias, qui avaient tout fait dans le temps pour connaître l'identité des candidats à la succession de Pierre Gauthier, ont ainsi raté une occasion en or d'obtenir une réponse.

Cette portion de 24CH nous a au moins confirmé que Bergevin avait paraphé une entente de cinq ans. Or, ce n'est pas le genre d'information que les organisations aiment dévoiler. Un bon point pour 24CH.