Dans un peu plus d'une semaine, je remonterai dans l'octogone pour la première fois depuis mon triomphe au Centre Bell pour mettre ma ceinture de champion en jeu contre l'Américain Jon Fitch. La défense d'un titre n'est pas une situation qui m'est étrangère, mais je promets que cette fois, je ne répéterai pas les erreurs qui m'avaient fait perdre contre Matt Serra en avril 2007.

La première fois que je suis devenu champion du monde, j'étais jeune, j'avais moins d'expérience de vie et je ne réalisais pas complètement ce que j'avais entre les mains. Maintenant, j'en suis pleinement conscient. Je sais à quel point c'est gros et qu'il s'agit d'une opportunité en or d'assurer un avenir de qualité à moi-même et à ma famille. Je ne veux pas perdre ça.

Cette fois, je n'ai pas coupé les coins à l'entraînement, je n'ai rien négligé. J'y ai mis tous les sacrifices et je vous garantis que je suis en meilleure forme que lors de mon dernier combat.

Au moment d'écrire ces lignes, je viens de compléter ma dernière séance de sparring, la partie la plus difficile physiquement de mon entraînement. Ce qui reste est plus relax, du raffinement. De toute façon, je ne peux pas être plus en forme que je suis en ce moment et ce n'est pas en une semaine que je vais m'améliorer. La seule chose qui pourrait arriver, c'est que je me blesse et je me dis que je suis mieux de ne pas prendre de chance.

Au cours des prochains jours, je me concentrerai sur l'aspect plus technique de mon entraînement. Avec mon équipe, j'exécuterai les mêmes exercices à répétition, j'étudierai les situations dans lesquelles je pourrais me retrouver face à Fitch et je pratiquerai les façons de m'en sortir des dizaines de fois. Comme ça, si ces situations surviennent dans le combat, je n'aurai même pas à réfléchir avant de réagir. Tout se fera instinctivement.

Le meilleur, vraiment

Ça en surprendra peut-être quelques-uns, mais je crois fermement que mon prochain adversaire est le combattant le plus dangereux à se mettre dans mon chemin depuis le début de ma carrière. C'est vrai que plusieurs des gars que j'ai battus sont loin d'être piqués des vers, mais je crois que Jon Fitch leur est supérieur et je vous explique pourquoi.

Prenons un gars comme Matt Hughes, par exemple, un ancien champion qui est très fort, mais qui provient de la vieille école. Hughes a un background en lutte olympique, qui est sans contredit sa spécialité, mais il n'est pas le plus fort dans les autres disciplines.

Fitch fait partie, tout comme moi, de la nouvelle génération de combattants en arts martiaux mixtes. Il est fort en lutte - c'est un ancien champion de la première division de la NCAA - c'est vrai, mais ça fait aussi extrêmement longtemps qu'il s'entraîne en kickboxing et il a un ceinture noire en jiu-jitsu brésilien. Je m'attends à ce qu'il me cause beaucoup plus de problèmes que les autres et je devrai utiliser plus de trucs pour en venir à bout.

Pour reprendre l'exemple de Hughes, disons que je croyais que la meilleure façon de le mettre dans le trouble était de le placer sur le dos. Fitch a lui aussi ses forces et ses faiblesses, comme tout le monde, mais il n'y a pas vraiment d'endroit où il est inconfortable. Il est un combattant complet dans toutes les facettes de son art. C'est pour ça que le test qu'il me propose sera très demandant pour moi physiquement, tactiquement et techniquement.

Je ne peux vous blâmer d'être surpris par mes commentaires. S'il est mon adversaire le plus menaçant à ce jour, Fitch est probablement le plus méconnu de tous et ce pour une raison bien simple : il n'est pas un thrash-talker. Il ne dit pas de bêtises à son adversaire et je le respecte beaucoup pour ça.

Un combattant qui n'arrête pas de dire des sornettes n'a pas confiance en lui. Il se sent obligé de parler pour essayer de se convaincre mentalement qu'il est plus fort que son adversaire. Fitch n'est pas comme ça. Il sait ce dont il est capable, mais je sais ce que j'ai dans le ventre. C'est pour ça que ça devrait donner tout un combat.

Malgré tout le bien que je pense de lui, je crois sincèrement que j'ai l'avantage sur lui dans tout ce qu'il a à offrir. Mais ça, il y a une seule façon de le savoir et ce sera dans l'octogone, le 9 août. Je dis souvent que ce n'est pas toujours le meilleur combattant qui gagne, mais celui qui se bat le mieux, le plus intelligemment et qui ne fait pas d'erreur quand la cloche sonne. Donc, même si je suis persuadé que je suis meilleur que lui, je devrai arriver préparé pour ne pas me faire jouer de tour.

J'ai une stratégie, je suis bien préparé. Je vais faire mon combat, pas le sien, et c'est celui qui parviendra à se battre à sa façon qui va l'emporter.

Moi aussi, je suis affamé

La dernière fois que je me suis battu, je n'ai pas eu à chercher bien loin pour trouver la source de ma motivation. J'avais une ceinture à aller chercher et je me battais dans ma cour arrière, chez moi, à Montréal. Cette fois, c'est moi qui possède l'objet de convoitise. Je suis devenu une cible pour tout le monde dans ma catégorie et mes adversaires veulent m'enlever ce que j'ai chèrement acquis.

C'est beaucoup plus difficile de défendre sa ceinture que d'aller chercher celle d'un autre et il ne fait aucun doute que la préparation est différente dans les deux situations.

Quand tu es champion, il y a tout l'aspect médiatique à gérer. Tu es beaucoup plus occupé parce que plus en demande. Tout le monde aimerait que tu fasses une apparition à leur émission, tout le monde aimerait avoir une entrevue avec toi.

Cette partie de mon travail m'avait causé des problèmes contre Matt Serra. Aujourd'hui, malgré mon jeune âge, je peux dire que je suis une personne très mature. Je sais que ma carrière n'a pas encore atteint son apogée, que les plus belles années de ma carrière sont devant moi. Dans les sports de combat, on dit que les athlètes arrivent au sommet vers l'âge de 30 ans. C'est là qu'on atteint le peak entre la force, la vitesse, l'athlétisme et la sagesse. Je dirais que ma plus grande faiblesse est mon manque d'expérience, mais j'ai beaucoup appris des mes erreurs passées.

Jon Fitch est affamé, il veut quelque chose qui m'appartient, mais moi, ma motivation, c'est que je veux réussir où j'ai déjà échoué. Je n'ai pas envie de donner ma ceinture. Je suis peut-être le champion, mais moi aussi j'ai faim et ce n'est pas samedi prochain que mes rêves vont s'arrêter.

Ma vie à l'extérieur du gymnase

J'ai été très occupé depuis mon dernier combat, mais évidemment, je n'ai pas fait que m'entraîner.

Je vous avais brièvement parlé du projet dans ma dernière chronique, mais je peux vous confirmer que j'ai signé un premier contrat pour jouer dans un film. Le tournage débutera après mon combat dans les studios de Lion's Gates Production à Los Angeles. Je crois que j'ai quelque chose comme trois scènes à faire et si j'aime l'expérience, on pourrait me revoir dans d'autres productions un jour.

J'ai aussi été mis en nomination pour un ESPY, les trophées remis par le réseau ESPN, dans la catégorie « combattant de l'année ». Malheureusement, je n'étais pas présent au gala pour la remise des prix et cette absence m'a valu plusieurs critiques. C'est la première fois qu'un combattant en arts martiaux mixtes était nominé pour cet honneur et certains auraient aimé que je sois là pour représenter mon sport.

Personnellement, je voyais ça comme un défi. Avant mon premier affrontement contre Serra, j'avais fait plus de relations publiques que d'entraînement et je ne voulais pas faire la même erreur. J'ai décidé que cette fois, j'allais mettre mon énergie à la bonne place. Je ne me soucie pas de l'opinion des gens.

Un choix éditorial douteux

La semaine dernière, il y a eu une bagarre dans un hôtel de l'Outaouais et le tout serait relié à un gala d'arts martiaux mixtes qui aurait été tenus quelques heures plus tôt dans la région. Bon, je ne suis pas trop au courant de l'histoire, mais il y a quelque chose qui m'a mis en beau pétard.

Jeudi, un des mes amis m'a appelé pour me dire qu'on parlait de moi dans le journal. Je ne comprenais pas trop pourquoi, mais j'ai été bien déçu quand j'ai eu ma réponse. En arrivant à la page en question, j'ai vu une grosse photo de moi en train de me battre avec Matt Serra. La photo était associée à un texte au titre accrocheur qui laissait entendre que les combats extrêmes étaient associés à du grabuge qui avait été fait dans un hôtel.

Ça m'a choqué de voir mon image associée injustement à une nouvelle du genre. C'est comme s'il y avait de la casse après un gala de boxe à Rimouski et que le lendemain, un journal déplorait l'événement avec une photo de Lucian Bute. Quel serait le rapport?

Vous savez, il y a parfois des émeutes reliées au hockey et personne n'en fait de cas. Mais quand un événement malheureux se produit en lien avec mon sport - et dans l'histoire qui nous concerne, avec un gala de bas étage - le monde capote. Et moi je suis associé à ça sans raison…

Bref, je n'ai pas trouvé ça correct et j'aimerais le souligner. Ça montre à quel point mon sport, même s'il est de plus en plus populaire au Québec, a encore du chemin à faire pour redorer son image.

Mais assez de négatif. Je retourne à l'entraînement et on se reparle après mon combat!

*Propos recueillis par Nicolas Landry