C’est alors qu’il se trouvait chez le barbier jeudi que Charles Jourdain a appris que son combat de championnat des légers contre Jesse Ronson n’aurait pas lieu le soir-même, à Montréal.

Le champion étant affecté par une infection virale, le Français Damien Lapilus, issu de la fameuse équipe de MMA Factory, a pris la relève avec un titre intérimaire à l’enjeu.

« J’en avais les larmes aux yeux. On avait mis beaucoup de temps et beaucoup de training avec Éric (Bertrand), Fabio (Holanda), mon frère et tout le monde. C’est comme si tout s’écroulait, il fallait trouver une solution. Sinon je pense que je partais en Thaïlande m’entraîner et me battre là pour faire sortir le méchant », rigolait Jourdain hier.

Au final, tout est bien qui finit bien pour le champion poids plume qui, grâce à sa victoire par K.-O. technique au cinquième round, soit une neuvième victoire avant la limite en 10 sorties, se retrouve avec une deuxième ceinture. Une ceinture qui a cependant été dérobée par un spectateur au Complexe sportif Claude-Robillard…

Jourdain (9-1-0) est le combattant le plus populaire de l’organisation TKO. Souvent spectaculaire, charismatique et prometteur, il a les grandes ligues dans la mire et les grandes ligues gardent aussi un œil curieux sur lui. Il a d’ailleurs parlé de cette tendance risquée de comparer le potentiel des combattants québécois à Georges St-Pierre dès qu’ils commencent à connaître un certain succès, comme on l’a fait dans le cas d’Olivier Aubin-Mercier dès ses débuts dans l’UFC. C’est quelque chose qui ne dérange toutefois pas le spécialiste du combat debout et qui n’ajoute pas vraiment de pression supplémentaire.

« Georges a été une icône pour nous. Je veux un jour vivre comme lui un Centre Bell rempli de monde qui crie, j’ai besoin que le Québec fasse "Wow"! Mais on n’a pas juste Georges, on a d’autres jeunes athlètes qu’on peut supporter. J’aimerais ça porter ce flambeau-là, mais on y va une journée à la fois », assure Jourdain du haut de ses 23 ans.

« Le sport a quand même changé depuis l’époque de Georges. On pourrait le voir en demandant à des jeunes qui font des MMA qui ils préfèrent entre Conor McGregor ou GSP. Il y a beaucoup de fighters plus vieux que moi qui trouvent que je me prends pour un autre, j’ai une meilleure approche avec les jeunes. Les jeunes me regardent beaucoup, ils m’envoient des messages parce qu’ils veulent s’entraîner. Je pogne plus avec la jeunesse, avec ceux qui aspirent à devenir ce qu’on est en train de devenir avec TKO. Par contre, les gens un peu plus vieux sont encore sceptiques à mon endroit. »

La première et dernière fois

Avant le duel prévu contre Ronson, celui qu’on surnomme « Air Jourdain » avertissait déjà qu’il n’était que de passage chez les 155 livres. Malgré sa victoire d’hier, il ne déroge pas de son plan et il redescendra dans sa catégorie habituelle. Pas question donc de recroiser Ronson, qui a assisté au combat et a essuyé quelques huées.

« J’ai juste pris une livre pour ce combat, j’étais à 156, affirme Jourdain. Quand j’ai vu que Jesse Ronson a mis une photo de lui à 180, j’étais estomaqué. Je suis content et fier d’avoir accompli ça, mais c’était la dernière fois que je vais à 155. Je suis encore jeune, mon corps n’est pas assez développé face à ces hommes-là. »

Jourdain a effectivement ressenti l’impact de la différence de gabarit entre lui et Lapilus, qu’il a vu avoir trop de facilité à se défaire de son emprise et à le repousser. Et comme quoi les défaites ne sont pas que négatives et qu’elles aident à faire grandir, Jourdain s’est souvenu d’une expérience antérieure quand il s’est retrouvé dangereusement cloué au sol au premier round. Il dit avoir eu des flashbacks de la domination de TJ Laramie au Centre Bell il y a un an et demi.

Charles Jourdain c. Damien Lapilus« Cette soirée contre TJ, je me réveille des fois en y pensant. Alors cette fois je me suis dit : "si tu penses que tu vas me faire ça"… J’étais frustré contre moi. Je n’ai pas été émotif mais j’ai été efficace, Fabio m’a donné d’excellents conseils et on a réussi à vaincre ce style de combat même si on me disait que je ne le pourrais pas. Je me suis relevé contre un gars qui a 35 livres de plus, alors je pense que j’ai vaincu mes démons enfin. »

« J’ai aussi vu que plus tu utilises de force, plus tu utilises d’oxygène. Dans les rounds suivants, je ne le clippais même pas bien et il commençait à s’épuiser physiquement. C’est pour ça que j’ai tout donné, moi il me restait encore des réserves. Je suis content d’avoir fait quasiment 25 minutes, je n’avais jamais fait ça avant. J’avais besoin de ça. Je me sentais bien au cinquième round quand je plaçais les jabs, je me sentais comme Max Holloway contre Brian Ortega. Je vis pour ça. »

Pour la suite, Jourdain dit avoir envie de faire quelque chose qu’il n’a jamais fait depuis le début de sa carrière : prendre le temps de bien réfléchir à ce qui l’attend. Il ne reste qu’un combat à son contrat TKO et il a bien sûr d’autres aspirations au-delà de cette organisation, que ce soit avec l’UFC, Bellator ou ailleurs en Asie.

« Je pense que là j’ai besoin de me ressourcer. J’ai vécu une belle expérience. Plus on a de tapes (bandes vidéo) et plus on passe de temps dans la cage, plus on sait sur quoi travailler. Je serai toujours le même gars. Même si j’ai battu presque toute ma compétition, sauf TJ, je n’ai jamais eu nécessairement un assez grand apprentissage dans ces combats parce que je ne faisais pas face à assez d’adversité comme ce soir [jeudi]. »