MONTRÉAL – Les huées étaient polies, mais assez prononcées pour noter le contraste. Porté aux nues après chacune de ses éclatantes performances au Centre Bell, Johny Hendricks a été accueilli plutôt froidement jeudi à son retour à Montréal.

Au royaume de GSP, c’est ainsi que sont traités ceux qui aspirent au titre du favori.

« Honnêtement, je m’attendais à pire », dédramatisait sereinement Hendricks, en ville pour le quatrième arrêt d’une folle semaine de promotion, entre deux séances d’autographes.

Genre de gars qui pense déjà à l’arc-en-ciel qui suivra au moment où une averse s’abat sur sa tête, Hendricks aborde avec le même genre de positivisme le défi auquel il s’attaquera au cours des prochains mois : détrôner un champion qui n’a pas perdu en plus de cinq ans. Ce sera sa mission au UFC 167, prévu pour le 16 novembre.

Le discours est familier. Hendricks veut que vous sachiez que Georges St-Pierre n’est pas le robot en acier trempé que vous avez tendance à dépeindre, mais un être humain en chair et en os qui n’a jamais affronté un adversaire de sa race.

Hendricks s’attaque à une ceinture que huit hommes avant lui, de Jon Fitch à Nick Diaz, ont promis de s’approprier, avec plus ou moins le même degré de succès. Mais le fier Texan croit que la bravade de ses prédécesseurs camouflait une insécurité qui lui est étrangère. Sa légendaire barbe est, semble-t-il, une métaphore pour la confiance inébranlable qui l’habite.

« Je sais ce que je peux faire. Nous avons des adversaires en commun que j’ai battus d’une façon encore plus décisive que lui, tient d’abord à rappeler l’auteur d’une séquence de six victoires. Ça, ça me donne de la confiance. »   

« Je vais emmener les partisans de Montréal dans mon cœur »
« Je vais emmener les partisans de Montréal dans mon cœur »

« Mais il y a aussi le fait que je sais que personne n’a encore vu ma réelle force de frappe. Jusqu’à maintenant, je me suis toujours battu à environ 80% de mes capacités. Actuellement, mes partenaires d’entraînement sont en train de découvrir de quoi j’ai l’air quand je monte à 100% et ça ne se passe pas très bien. Je dois me retenir un peu si je ne veux pas qu’ils désertent le gymnase. »

« Le monde n’a vu que 80% de ce que je peux faire », insiste celui qui, à sa fiche de 15-1, compte huit victoires par K.-O.

Le premier aspirant au titre de la division des mi-moyens du UFC n’est pas né avec cette assurance en béton. Après une carrière de lutteur étoilée à l’Université Oklahoma State, Hendricks s’est lancé en arts martiaux mixtes en ignorant si le succès l’accompagnerait dans l’aventure. Il s’était certes fixé des objectifs, caressait un rêve ambitieux, mais son réalisme lui gardait les deux pieds sur terre.

Le reste s’est déroulé à une vitesse qu’il n’avait pas prévue. Entrée au WEC après seulement trois combats professionnels, passage au UFC moins d’un an plus tard, quatre victoires en rang pour se faire un nom dans les grandes ligues. « Bigg Rigg » commençait à prendre de la place. Puis est survenue sa défaite contre Rick Story, la seule de sa carrière.

« C’est le moment charnière de ma carrière, admet-il aujourd’hui. J’ai fait des changements après ce combat et la façon dont je suis revenu en force m’a fait tellement de bien. C’est à ce moment que j’ai réalisé que j’avais ce qu’il faut pour rivaliser avec les meilleurs. »

Hendricks n’a toujours pas perdu depuis et il sent véritablement que rien ne peut l’arrêter.

« C’est difficile à expliquer, mais quand vous êtes dans la cage, vous ne contrôlez absolument rien. Chaque minute, chaque seconde est une question d’adaptation. Il faut savoir s’ajuster et c’est exactement ce qui me rend si confiant. Dans ces situations précises, je crois que j’ai ce dont j’ai besoin pour battre GSP. »

Doser ses efforts

Hendricks n’est pas parfait, mais il ne croit pas que ses faiblesses se cachent où ses détracteurs croient les avoir trouvées.

Contre St-Pierre, la croyance populaire veut que les chances de l’aspirant diminueront massivement à mesure que le combat s’étirera. L’Américain de 29 ans est agile et puissant, mais n’a pas l’habitude des marathons. Contre un vétéran qui a été impliqué dans onze combats de championnats, c’est une lacune qui est rapidement pointée du doigt.

« Il n'y a personne d'invincible »
« Il n'y a personne d'invincible »

« J’ai toujours fait de la course, mais j’en fais encore plus à l’approche de ce camp d’entraînement. Mon cardio ne sera pas un problème », assure Hendricks avant même que la question ne lui soit posée.

«  Regardez mon dernier combat. Carlos Condit était aussi fatigué que moi à la toute fin. Il a l’habitude des combats de cinq rounds et pourtant, je l’ai épuisé en trois. Mais pourtant, personne ne parle de son cardio... », ajoute-t-il pour solidifier la contre-attaque.

Hendricks croit plutôt que son plus gros défaut est perché sur le bout de notre nez, l’éléphant dans la pièce que tout le monde feint ne pas avoir remarqué. Cette puissance qu’il génère avec une simple flexion des biceps, celle qui lui a notamment permis de coucher quatre adversaires en moins d’une minute, s’avère selon lui son plus menaçant ennemi.

« Je dois apprendre à mieux canaliser mon énergie et éviter de viser le coup de circuit chaque fois que je décoche. Quand je me bats, je veux endormir mon adversaire. Parfois ça fonctionne, mais d’autres fois non et je dois apprendre à user de patience, à mettre la table pour le coup d’assommoir. C’est ce que mon entraîneur de muay thaï essaie de me faire comprendre. Ralentis! Rien ne presse! »

Adonis qui?

Varier la vigueur de ses frappes, mais garder la même recette gagnante. Hendricks veut modifier le rythme avec lequel il sort sa réputée main gauche, mais pas la fréquence à laquelle il l’utilise.

« Mes entraînements sont toujours prioritaires »
« Mes entraînements sont toujours prioritaires »

Trop prévisible, lui suggérez-vous? Un peu de sérieux, vous répondra-t-il poliment.

« Combien de gens sont au courant pour ma main gauche? Tout le monde. Et combien de gens ont été frappés par ma main gauche? Tout le monde », calcule-t-il sans effort.

Sur une estrade à quelques mètres de là, Adonis Stevenson et Lucian Bute serraient des pinces et faisaient l’accolade à leur ami GSP. Les deux boxeurs québécois sont mondialement reconnus pour leur poing gauche venimeux - c’est d’ailleurs pourquoi St-Pierre compte demander leur aide pour son prochain camp d’entraînement – mais lorsque Hendricks les regarde, il voit deux parfaits inconnus.

« Il veut s’entraîner avec des boxeurs et leur demander de m’imiter? Fantastique! Comme ça, lorsque je lui montrerai ma main gauche, il portera les siennes à sa mâchoire et l’occasion sera parfaite pour l’amener au sol », raisonne Hendricks, peu impressionné par les moyens que son adversaire compte mettre à sa disposition pour conserver ses acquis.