L’explosivité des coups de Bermane Stiverne ne reflète en rien son caractère à l’extérieur d’un ring. Il est discret au possible, parlant presque dans un chuchotement si bien que l’on doit parfois tirer l’oreille attentivement pour l’entendre, et il est peu démonstratif.

C’est probablement grâce à cette attitude relax qu’il a pu gérer cette interminable attente avant d’obtenir un combat de championnat sans jamais témoigner sa frustration, du moins ouvertement.

Stiverne (23-1, 20 K.-O.) a remporté son premier de deux combats éliminatoires en juin 2011 en prenant la mesure de l’ex-aspirant Ray Austin au 10e round, sans toutefois obtenir sa chance.

Stiverne, 35 ans, s’est battu seulement deux fois depuis : une décision contre Willie Herring dans un combat de huit rounds sans signification en 2012, puis une décision largement unanime contre Chris Arreola dans un autre combat éliminatoire il y a 13 mois.

C’est réellement après cet affrontement face à Arreola (36-3, 31 K.-O.) que Stiverne croyait que ça y était, qu’il pourrait enfin affronter Vitali Klitschko à la fin de l’année. Malgré toute la pression mise par son promoteur, Don King, il y a eu plusieurs reports dans les enchères. Puis Klitschko a annoncé qu’il était blessé et a demandé un autre délai, profitant du même coup de l’occasion pour déterminer s’il souhaitait vraiment disputer ce combat à un moment où tout le monde savait qu’il envisageait la retraite. Finalement, Klitschko a effectivement accroché ses gants et abandonné sa ceinture afin de se consacrer à ses aspirations politiques en Ukraine, où il est l’un des leaders de l’opposition.

Stiverne savait qu’en se montrant patient, il aurait éventuellement sa chance, et son tour est enfin venu. Il se battra donc pour le titre laissé vacant dans un combat revanche contre Arreola, le deuxième aspirant disponible listé, samedi soir au Galen Center sur le campus de la University of Southern California, à Los Angeles.

« Je suis simplement heureux d’en faire partie. Personnellement, ce fut une longue attente, a dit Stiverne. J’ai été patient. Je suis heureux de pouvoir me battre pour le titre. Évidemment, je crois que je serai couronné champion des poids lourds. Mais je suis juste heureux qu’ESPN ait sauté dans l’aventure en surprenant tout le monde (en achetant le combat). Je suis prêt. »

L’attente a été difficile. Stiverne, originaire de Haïti, mais résident de Las Vegas où il s’entraîne au gym de Floyd Mayweather fils, savait que ça s’en venait. Mais il ne savait pas quand ni même contre qui cela aurait lieu à cause de l’annonce de la retraite de Klitschko. Wladimir, le cadet de Vitali, est champion du monde et détenteur de trois titres majeurs (IBF, WBA et WBO).

« J’en suis au point où je n’ai plus envie d’être dans le gymnase. Je suis prêt. J’ai vraiment hâte de faire l’histoire et de ramener le titre en Amérique, et aussi d’être le premier Haïtien à être champion du monde des poids lourds. »

« L’adversaire importait peu. Je savais que j’allais me battre pour le titre. […] Peu de poids lourds ont eu cette chance. Certains font carrière depuis 20 ou 25 ans et n’en ont jamais eu l’occasion, alors je suis reconnaissant. »

Vitali Klitschko et Chris Arreola« Je ne dirais pas que j’étais déçu (que Klitschko prenne son temps), mais plutôt que c’était un manque de respect parce que je pense qu’il savait ce qu’il allait faire, suppose Stiverne, qui vient d’une famille de 14 enfants et qui a commencé à boxer à 19 ans. Il a pris son temps et a gardé sa ceinture pour lui. Ça ne m’a pas vraiment frustré parce que je savais qu’un jour j’allais me battre pour le titre et je savais aussi que personne ne pourrait m’en empêcher. Je ne me suis jamais senti frustré, j’ai simplement senti qu’on me manquait de respect. Mais nous sommes ici aujourd’hui et c’est maintenant chose du passé. Je suis heureux du dénouement. »

Klitschko a été indétrônable pendant son règne. C’est une tout autre histoire pour Arreola, 33 ans, qui a été battu par Klitschko en 2009 en combat de championnat.

Stiverne l’a battu facilement la dernière fois qu’ils se sont croisés. Serrée au départ, la joute a pris une allure différente au troisième round lorsqu’il a envoyé Arreola au tapis grâce à une droite en plein nez. Le pugiliste de Riverside en Californie s’est mis à saigner et a eu de la difficulté à respirer durant le reste du combat. Il est même surprenant qu’il ait résisté jusqu’au dernier son de cloche, après quoi Stiverne a finalement obtenu des cartes de 118-109, 117-110 et 117-110 en sa faveur. 

Stiverne n’est pas remonté sur le ring depuis, tandis qu’Arreola a rebondi en passant le K.-O. à Seth Mitchell dès le premier round en septembre.
Le Montréalais prévoit pouvoir répéter sa dernière prestation en ne changeant pas grand-chose à la recette.

« Ce que j’ai fait la dernière fois, je le ferai encore mieux, beaucoup mieux. Je ne traîne pas ma dernière performance dans le ring, on se prépare pour un nouveau Arreola. Peu importe ce qu’Arreola a en tête, je saurai comment y faire face. Et pour être franc, je crois que Chris sera en forme cette fois. Ce n’était qu’une excuse la dernière fois. Je crois que Chris fera ressortir le meilleur de moi-même. C’est comme ça que je le vois. Plus il sera en forme, plus il sera dans le pétrin. »