MONTRÉAL - Un tout petit moins de quatre ans après être devenu champion des poids mi-lourds du WBC à la suite de sa spectaculaire victoire par knock-out sur Chad Dawson, Adonis Stevenson s’apprête à effectuer la huitième défense de sa ceinture dans un désintéressement généralisé.

En effet, nul besoin d’être particulièrement perspicace pour observer que le courant n’a jamais réussi à passer entre le cogneur et les amateurs de boxe québécois. Ils étaient officiellement 4560 pour assister à son dernier combat contre Thomas Williams fils à Québec et il y a fort à parier qu’ils auraient été environ le même nombre pour sa revanche face à Andrzej Fonfara si Eleider Alvarez et Jean Pascal ne s’affrontaient pas en demi-finale le 3 juin au Centre Bell.

Si la situation ne semble pas du tout préoccuper le principal intéressé, elle irrite cependant au plus haut point le promoteur Yvon Michel, qui souhaiterait que le public fasse un effort pour adopter le seul champion de son organisation afin de réaliser toute l’ampleur de son talent.

« Ç’a toujours été comme ça, a d’abord réagi Stevenson après un entraînement tenu devant une poignée de curieux samedi après-midi au Casino de Montréal. Je n’étais pas là dans le temps de Muhammad Ali et Sugar Ray Leonard, mais mes entraîneurs et des membres de mon entourage y étaient et ils m’ont expliqué que ces gars-là recevaient des critiques du temps qu’ils boxaient. Que ce n’est qu’une fois qu’ils ont pris leur retraite qu’on parlait d’eux comme des légendes. »

« C’est vraiment dommage. Ce qu’accomplit Adonis, combat par combat, c’est phénoménal, a ensuite ajouté Michel. Pour devenir champion, il faut être exceptionnel, mais pour défendre son titre aussi longtemps et demeurer champion pendant quatre ans, c’est vraiment phénoménal.

« On a beau tenter de diminuer la qualité de ses adversaires, mais c’étaient tous des aspirants qui rêvaient d’être champions et qui avaient Adonis comme cible. Même si certains ont trouvé que Williams n’était pas bon, il y rêvait et il s’était préparé en conséquence. Les gens auraient voulu [Bernard] Hopkins, [Sergey] Kovalev et [Andre] Ward, mais il n’y en a que quelques-uns.

« C’est comme si on ne donnait aucun crédit aux autres aspirants. Adonis les a tous battus et il les a bien battus. Il mérite beaucoup plus de reconnaissance que ce qu’il reçoit maintenant. »

Sans prétendre que Lucian Bute jouissait d’un traitement de faveur à l’époque où il défendait sa ceinture des super-moyens de l’IBF contre Jesse Brinkley, Brian Magee ou Jean-Paul Mendy, Stevenson et Michel s’expliquent mal la dureté des propos envers le boxeur d’origine haïtienne.

« Les amateurs aiment Lucian et il était vu comme un grand champion, a reconnu Stevenson. Mais mes performances, ça ne tombe pas des nues. Les cogneurs qui knockoutent les gars d’un seul coup, les gens pensent que c’est facile, mais c’est beaucoup de travail et de sacrifices. »

« Bute avait une image qui plaisait à tout le monde, une image très populaire, le genre d’image où tu es prêt à pardonner n’importe quoi, a analysé Michel. Adonis est un gars très, très réservé. Si tu le connais, tu vois à quel point la famille est importante et que c’est une bonne personne.

« Mais si tu ne le connais pas et que tu ne fais que suivre ce qui s’écrit sur les médias sociaux, tu vois que c’est devenu à la mode de dire qu’il refuse les adversaires, alors que ce n’est pas le cas. En plus, il est Noir. Il ne s’est pas fait une image sympathique qui touche les gens comme Bute. »

Ultimement, Stevenson considère la perception négative des amateurs comme une fatalité, tandis que Michel, au contraire, croit qu’il est encore possible de renverser la tendance.

« Quand tu es premier ministre ou président, il y a toujours des gens qui t’aiment et d’autres qui te critiquent. Dans la boxe, c’est pareil. Ça fait partie de la vie, a observé le gaucher. Même si je knockoutais Kovalev, il y aura encore des gens pour chialer. Mais je ne m’en fais pas avec ça. »

« Il va falloir qu’Adonis se rende plus disponible pour que les gens comprennent qui il est. Il y a eu des articles négatifs qui ont été publiés à son sujet et il s’est refermé. Adonis a un passé et n’a jamais cherché à le cacher. Il a fait ce qu’il fallait faire, il a participé à des activités caritatives, mais c’est comme s’il avait toujours deux prises et demie contre lui, a vivement déploré Michel.

« La seule façon qu’il peut gagner, c’est de performer dans le ring. Il s’est toujours bien entraîné et personne ne pourra lui reprocher de ne pas avoir donné le maximum de son potentiel. »

Reste que ce sont les amateurs qui auront toujours le dernier mot et il serait utopique de penser qu’une victoire majeure changera leur opinion. Après tout, il est impossible de forcer un cœur d’aimer.

Top-5: Les K.-O. d'Adonis Stevenson