Je suis d’un naturel craintif avant un grand événement dans ma vie. Par exemple, avant une grosse course à laquelle je suis inscrit depuis longtemps, j’ai peur de me faire une ampoule à un pied. Avant un voyage, j’ai peur d’avoir un accident de la route en me rendant à l’aéroport.

Il en va de même lorsque se prépare un combat de boxe. Les sentiments viennent se mêler à la froideur de l’objectivité. Par exemple, lorsque le combat Kovalev-Pascal avait été annoncé, je savais que ce serait très difficile pour le Québécois. Mais dans les jours précédant le combat, la logique avait pris le bord et j’accordais plus de chances à Pascal.

La même situation se répète actuellement dans ma tête à l’approche du combat contre Sakio Bika. Ma réaction initiale a été de prédire une victoire de Stevenson, sans trop de difficulté. Sauf qu’à quelques heures du combat de samedi après-midi au Colisée Pepsi, je crains maintenant que ce soit beaucoup plus difficile pour Stevenson.

Pour moi, Sakio Bika représente la fine couche de glace noire qui risque de faire déraper le bolide qui se dirige vers le voyage que représente Sergey Kovalev.

L’une des premières personnes qui m’a alerté à propos de la dangerosité que représente Bika, c’est l’ancien boxeur et nouveau collègue de RDS Sébastien Gauthier. Selon ce brillant analyste, les mouvements saccadés de Bika et la qualité de son menton devraient poser des problèmes à Stevenson. Cette opinion est partagée par plusieurs bons observateurs de la boxe vers qui je tends l’oreille régulièrement. Si les amateurs de hockey se rappellent la bagarre du Vendredi saint au Forum de Montréal, on pourrait avoir droit à la bataille du Samedi saint au Colisée de Québec.

Adonis Stevenson et son entraîneur Sugar Hill n’ont probablement pas besoin de se faire rappeler la menace qui se dresse devant eux. Ils sont des professionnels. Mais si par malheur Stevenson se laissait endormir par l’éventualité d’un combat d’unification presque assuré contre Sergey Kovalev, dans un Colisée qui sera presque vide devant le malheureux manque d’intérêt à l’égard de ce gala, les choses pourraient mal tourner. Imaginez le scénario! Adonis Stevenson procèdera à la cinquième défense de son titre, sa troisième et dernière au Colisée de Québec .Si Bika devait détrôner Adonis Stevenson, il s’agirait d’une des plus grandes surprises de l’année sur la planète boxe, et l’une des plus grandes déceptions sur la scène sportive québécoise (avec les conséquences financières qui y sont rattachées).

Un triste constat

Il semble qu’environ 3 000 spectateurs assisteront au gala samedi après-midi. C’est un triste constat pour Stevenson et son promoteur Yvon Michel. Lorsqu’il a vaincu avec fracas coup sur coup Chad Dawson et Tavoris Cloud, on aurait pu croire que GYM avait entre les mains un hot ticket, c'est-à-dire un athlète qui fait courir les foules et qui remplit les gradins. Une sorte de Mike Tyson du 21e siècle, l’attraction qui attire même si le combat ne dure que quelques secondes.

Mais il en est tout autrement. Malgré les promotions et les bas prix, la foule sera plus petite que certains galas de la défunte série « Rapides et Dangereux » où on mettait en vedette des boxeurs en progression qui se battaient pour des titres « quatre lettres ». Je peux bien croire que le gala sera présenté gratuitement à CBS, mais rien ne se compare à l’électricité d’un combat sur place.

La préparation de Stevenson

Une chose m’a frappé récemment lorsque j’ai assisté à un entraînement du champion WBC des mi-lourds. Tout chez Stevenson est différent de Jean Pascal. Les deux gèrent leur carrière d’une manière bien différente. Si Pascal s’implique dans la promotion, la gérance et même les phases d’entraînement, Adonis Stevenson se laisse diriger comme un élève docile depuis qu’il s’est tourné vers le Kronk’s Gym de Detroit. Stevenson est à l’écoute des conseils de Sugar Hill, un homme souriant, courtois et calme, à qui l’on ne peut que souhaiter du succès.