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RÉSULTATS

Bell Cause : Marie-Pier Houle avait « besoin de se défouler et frapper »

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Marie-Pier Houle profite du soleil et des plages de la République dominicaine, au moment de notre entretien. La boxeuse mérite amplement ses vacances, après un camp d'entrainement de seize semaines qui a culminé avec une victoire aux dépens de Marisol Moreno, le 13 janvier dernier.

 

Toutefois, elle n'a pas hésité une seule seconde à interrompre son congé pour discuter de santé mentale et raconter sa propre histoire.

 

Avec son sourire habituel, elle me lance : « On est encore dans une société où les gens pensent que pour aller voir un psy, il faut être fou. C'est niaiseux de penser comme ça. Souvent ce sont les hommes qui n'osent pas aller chercher de l'aide. »

 

L'athlète de 32 ans parle en connaissance de cause. Son père, Marc-Yvon, s'est enlevé la vie en janvier 2020.

 

Elle le décrit comme un homme avec un fort caractère, impulsif, autoritaire et qui se complaisait dans un malheur sans fin. Tout le contraire de Marie-Pier, qui a dû s'endurcir pour être en mesure de conserver le lien avec son paternel qui était, malgré tout, très fier des exploits de sa fille sur le ring.

 

« Dans les derniers mois de sa vie, on avait établi une belle relation. On s'appelait, mais c'était difficile. Il était très up and down. Mon père n'a jamais été diagnostiqué parce qu'il ne voulait pas aller voir un médecin ou un psychologue par rapport à ça. Lui dans sa tête, il avait juste une dépression. Je pense qu'il était bipolaire. Dans les derniers mois, c'était terrible. »

La dernière fois qu'elle lui a parlé, elle a raccroché avec la certitude qu'il viendrait la visiter le week-end suivant. Le lendemain, le téléphone a sonné. Au bout du fil, la police de Trois-Rivières l'informait que son père avait mis fin à ses jours. Une menace qu'il avait formulée à maintes reprises auprès de Marie-Pier, sa soeur aînée Valérie, leur mère ainsi que sa nouvelle femme, sans jamais aller plus loin. L'unique tentative lui a été fatale.

 

« J'étais tellement fâchée contre lui. Je le trouvais tellement lâche d'avoir fait ça. J'étais enragée parce que je me disais : 'Crime, on commence à avoir une bonne relation.' Pour une fois que ça commençait à aller mieux, il prenait la décision qu'il nous abandonnait de même », raconte la jeune femme avec aplomb.

 

L'émotion l'envahit toutefois lorsqu'elle raconte que le lendemain, son meilleur ami l'a conduite au gymnase pour qu'elle enfile ses gants. « Il m'a dit : 'On embarque en sparring pis tu me frappes. Vas-y, défoule-toi, ça va te faire du bien.' J'étais dans le ring, je frappais, je me mettais à pleurer, je m'effondrais. Je frappais, je me mettais à pleurer, je m'effondrais. C'était affreux, mais toute ma famille de boxe était là. J'avais besoin d'eux et ça m'a tellement fait du bien. J'avais juste besoin de me défouler et de frapper. »

 

Le prochain combat

 

Le dicton veut qu'un malheur ne vient jamais seul. Un mois plus tard, sa mère Luce, dont elle est très proche, reçoit un diagnostic de cancer du sein. Marie-Pier est en furie.

 

« J'étais fâchée contre la vie. Je me disais : 'Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça? C'est pas vrai qu'on va perdre nos deux parents à deux mois d'intervalle. Ça n'a pas de bon sens!' »

 

À la colère, s'ajoutent l'inquiétude et l'impuissance, puisque la maladie frappe quelques jours avant le premier confinement provoqué par la pandémie de COVID-19. La boxeuse réside à Terrebonne alors que sa maman est à Trois-Rivières. Heureusement, le cancer est pris en charge rapidement.

 

« Présentement, ma mère va super bien. C'est stable. C'était un début de cancer du sein. Sauf que quand tu ne sais pas encore c'est quoi le pronostic, où c'en est, c'est tellement difficile à accepter. Surtout que ma mère c'est le pilier de la famille », dit-elle en décrivant Luce comme une femme extrêmement positive et entêtée.

 

C'est d'elle que Marie-Pier retient sa bonne humeur perpétuelle. Toutefois, en plein confinement, son sourire s'éteint. Elle ne peut ni boxer, ni exercer son métier de physiothérapeute convenablement. « J'étais toute seule chez nous et j'étais tannée. Je ne travaillais pas, je faisais de la physio en vidéo. J'encourageais les gens en leur disant que ça irait mieux et qu'on se reverrait bientôt. C'était ridicule, parce que moi je n'allais pas bien. Je faisais juste manger mes émotions et attendre que quelque chose rouvre. » 

 

Savoir se relever

 

L'année 2021 est loin d'être de tout repos. En janvier, le bureau de son conjoint Philippe, avocat, est ravagé par un incendie criminel. Marie-Pier l'épaule du mieux qu'elle peut dans cette situation stressante, sans se douter qu'une autre tempête approche.

 

En août, elle affronte Jeannette Zacarias Zapata à Montréal. Le combat ne dure que quatre rounds. La Mexicaine s'effondre et décède dans les jours suivants. Marie-Pier est bouleversée et envahie par la culpabilité même si elle n'est pas responsable du drame. Jeannette n'aurait pas dû boxer ce soir-là, en raison de son état de santé.

 

Philippe force son amoureuse à aller chercher de l'aide professionnelle, afin de s'assurer qu'elle ne souffre pas de stress post-traumatique. Le psychologue lui confirme que ce n'est pas le cas et l'aide à reprendre le dessus. « Il y a des moments où je me demandais : 'Est-ce que j'ai le droit de sourire? Est-ce que j'ai le droit d'être heureuse?' »

 

La réponse est oui. Malgré tous les événements qu'elle a traversés, Marie-Pier demeure convaincue que la vie mérite d'être vécue pleinement.

 

« C'est ce que je voudrais que tout le monde puisse penser. Oui, il y a des nuages, mais à un moment donné les nuages finissent par s'en aller et le soleil continue de briller. C'est important de le voir. »

 

C'est pour livrer ce message d'espoir que la boxeuse a interrompu ses vacances. Elle incite aussi les gens à s'accrocher à ce qui leur fait du bien. Dans son cas, c'est la boxe qui lui sert d'antidépresseur.

 

Elle y retournera, après avoir bien profité du soleil.